Euramérique
Faut élargir l’élargissement de l’UE avec une dimension plus vaste :
une Europe qui n’est pas bornée aux limites fixées par Bruxelles càd économique
et administrative ; or on pourrait étendre l’Europe au continent Américain
(surtout du sud).
Introduction Europe-Amérique Latine :
un destin commun ?
1.
De
l’Europe à l’Euramérique
a.
Définitions
géographiques
Toutes définitions géo-historiques de l’Europe nous mène à une aporie* (une voie sans issue intellectuelle) ; si l’on
réfléchit sur les limites de l’Europe, notamment orientale – pose des problèmes :
-
Russie (Alain
Besançon) ? Pour les Polonais, la Russie n’est pas l’Europe, ce sont des
barbares asiatiques ; pour les Ukrainiens, sont plus partagés (riots
actuelles) ;
-
Grèce ?
Depuis l’antiquité, ils se disent non-européens : le courage des
européens, et l’intelligence des asiatiques – sont exceptionnels et situés au
centre. L’Europe est située à l’Ouest, et donc là où le « grand
gouffre »/la « fin des terres » se trouvent.
-
Pays
Baltes ?
Limite méridionale – si on pose la matrice de l’Europe, l’Empire
Romain, de facto l’Afrique du nord est européenne (Projet d’Union Méditerranéen
préférée à une association avec l’AmLa et les Caraïbes) – inclut Saint
Augustin. Cette frontière pose également beaucoup de problèmes.
Limite septentrionale – pose un peu moins de problèmes. Les
Finlandais se sentent européens contre le fait d’être russe.
Limite occidentale – est un véritable enjeu aux XVI et XVIIe. La
reconquête sur les Maures, dans la tête de Charles Quint (Charles 1er d’Espagne, et Charles
X en Amérique du Sud) au début de son mandat en tant que roi, veut continuer la
reconquête de l’autre côté de la Méditerranée et aussi de l’autre côté de
l’Atlantique. Premier à penser à étendre cette frontière à l’ouest et au sud,
d’un même mouvement, il veut étendre la république des chrétiens
(Europe=chrétienté). Charles Quint change la devise de l’Espagne Nec plus ultra
(pas plus loin que les collines d’Hercule) devient Plus Ultra (qui passe outre
Gibraltar). Historiquement : c’est
pour contrebalancer le protestantisme de l’est, et a le sentiment que l’Europe
a perdu la bataille à l’est (Empire Turc, faudra attendre la bataille de Lépante
en 1571).
Cette progression vers l’ouest à l’air de correspondre à la théorie du privilège péninsulaire.
Grèce, Rome – deux péninsules qui ont dominé la Méditerranée. Puis passe à la
péninsule ibérique, Chonu dit que l’Espagne va dominer le monde parce qu’une
fois de plus, c’est un pays qui a un maximum de fronts d’eau, et donc lui donne
un avantage géopolitique. Et la France qui prend le relai : pas glorieux,
ensuite échec des Pays Bas ; et après l’Angleterre – qui devient maitre
des eaux ; et le pouvoir passe aux EU qui est le continent
péninsulaire : deux côtes. Théorie très euro-centrée.
Logique territoriale de l’Europe : a toujours été une donnée
changeante, variable. L’Europe des 6 : c’est Empire de Charlemagne ;
l’Europe des 27 : Respublica à pourquoi décider que telle ou telle géométrie est celle qui reste ?
Au XVIe, on ne parle jamais d’une géographie européenne, c’est une des 4
parties du monde. Europa, Africa, Asia, America – l’Europe est une allégorie
comme les autres ; relation entre America et Europe, relation
filiale : Amérique est fille de l’Europe, elle est jeune et on lui fait
toujours dire qu’elle est le lieu de régénération de l’Europe. Recherche en
Asie, une sagesse ; en Afrique, le blé.
b.
Définition
philosophique de l’Europe
Plus facile qu’une définition géo-historique, mais n’est que le corollaire
que ce qui est écrit ci-dessus Delsol : livre sur l’identité européenne,
les européens seraient fondamentalement irrévérencieux : audace, invention
de la liberté – cette idée est très ancienne, se retrouve chez Hegel, l’Europe est
habité par le complexe d’Ulysse, tout Européen est un Ulysse en
devenir càd se projette sur la mer, et de ce fait invente la Liberté.
-
Cabotage pour
les musulmans qui ne voyageaient qu’avec des rames qui ne peuvent aller en
haute mer
-
Les chinois
ont des énormes bateaux, et décident de détruire leur flotte après la
conclusion : nous sommes les seuls civilisés, vaut pas le coup d’avoir des
bateaux, pas la peine de voir des Barbares crus/nus. J
Hegel : Europe est la seule civilisation qui se projette sur la mer et
donc la seule à inventer la liberté ; l’Europe ce n’est pas la fin des
terres, mais c’est « celui qui voit loin (vers l’ouest)» - Zeus
europos. Cette vision philosophique de l’Europe a tendance à définir l’Europe
comme un héritage sédimenté (Grèce - démo, Rome - loi, Judéo-christianisme -
foi, Allemand –philo, France –la révolution est le point ultime), de fait on
situe la modernité en Europe, et la situer dans le triangle Paris-Londres-Berlin.
Il y a des périphéries achevées et glorieuses autrefois (Italie, Grèce),
sauvages et incertaines (Europe centrale et orientale).
è Logique héritée des Lumières et des philosophes
allemands : centre nord européen comme matrice de la civilisation.
L’Amérique : une humanité en devenir, dans l’enfance --
Philo de l’histoire de Hegel (voit l’Asie comme des penseurs, pas des
philosophes ; l’Afrique, ressources) ; et l’Amérique c’est la fille
de l’Europe et donc forcément ingénue, càd qui vient de naître mais démarre
seulement, naïve (vient de naitre).
c.
Définition
culturelle de l’Europe car elle suppose l’altérité
Edgar Morin, Penser l’Europe ; avant le
traité de Maastricht ; ose dire que l’Europe n’est pas définissable
géographiquement ou philosophiquement, elle n’a de sens que face à l’Islam. Terme
« européen » : chanson de Roland de Roncevaux (le nom des tentes
quand ils quittent la péninsule Ibérique) ; Charlemagne se fait virer d’Espagne par une
armée conjointe de Maures et Basques et
pour se venger met à sac la ville de Pampelune. Roland est resté en arrière
pour maintenir les positions, et est tué par les armées Sarazins et basques.
Ensuite au MA – et surtout au XVI et XVIIe ; pour Morin, l’Europe ne
peut se sentir solidaire que face à l’Islam, bataille de Lépante, et les Turcs
assiègent Vienne (s’ils avaient réussi l’Europe aurait un autre visage).
Pendant longtemps se face à face se maintient, tout change avec la découverte
de l’Amérique.
Amerigo Vespucci – en 1502 : lettre au pape ; et cartes veillent
de 150 ans. Donc l’Amérique étaient connue des portugais (cartes dans la tour
de Belèm), des turcs, les normands – secret commercial.
Celui qui le premier a conscience que l’Amérique est autre chose c’est
Vespucci: « Nuvo Mondus », lettre de 1502, homme florentin, de la
Renaissance. Colomb n’a pas le sentiment qu’il découvre quelque chose de
neuf, il pense que Cuba c’est le Japon. Ce nouveau monde pose un problème à
l’Europe : problème d’ordre anthropologique, parce que face à l’Islam :
face à face dans un même genre humain, une égalité, ils croient en le même Dieu
Unique. L’Islam c’était l’autre, mais dans le même genre humain, mais la
découverte de l’homme américain (cannibales pour certains) : est-il un
homme ? Les récits de la conquête du Mexique (Cortès) sont
terrifiants : sacrifices de 30 000 personnes par les Aztèques pour
montrer aux Espagnols que la puissance est de leur côté ; et l’entrée à
Mexico, fleuves de sang – ont entre dans les enfers.
Cortès trouve à Mexico des œuvres d’art et les envoie à Rome pour montrer
au Pape, qu’il a trouvé une autre humanité qui devra subir rédemption parce
qu’elle ose manger de la chaire humaine, et par le sacrifice humain. Masque
mixtèque à Rome, 1530s, recouvert de
mosaïque : ce n’est pas possible parce que ne sont pas civilisés, alors
que c’est la même technique que les anciens romains. Ceci pourrait représenter
ce qui nous manquer de l’Antiquité, on a découvert les derniers païens pour que
le Christianisme puisse s’étendre à la dernière région du monde.
Autre humanité, païenne, mais c’est providentiel : destin de l’Europe
de convertir ces gens-là comme jadis les Empereurs romains chrétiens avaient
décidé.
Véritable altérité en Amérique : l’Européen va vouloir l’annuler, et
faire de l’Amérique la terre promise de l’Europe, le champ de tous nos rêves
inaccomplis, et toutes nos utopies. Semble inhumaine au premier abord, mais on
va la transformer en utopie. Drame de l’Amérique.
A partir de 1571, l’Amérique n’est plus en relation d’altérité avec
l’Europe. L’Espagne domine le monde, et est en position de force face à l’autre
islamique et a enfin réduit l’altérité américaine ; l’Amérique n’est plus
l’Autre. Altérité gommée : autorisation d’avoir à nouveau leurs propres
fêtes dans les années 1600 parce que l’on considère que la colonisation de
l’imaginaire est accomplie, ceux sont des métisses culturels.
Les conquistadors, hommes de fer, mais derrière eux arrivent des clercs.
1519 : conquête de Mexique, en 1521 : envoie 12 franciscains à pied,
pieds nus (pour les Mexicains : pieds nus = fantôme), parlent mexicains,
mangent peu, en robe de bure. Sanghoun : vont convaincre de la supériorité
du christianisme sur les cultes précolombiens. Reconnaissent leur défaite
intellectuelle : votre Dieu est plus puissant que les nôtres, et donc on
vous accepte.
L’altérité est gommée parce que les Mexicains acceptent de devenir
chrétiens, et tombent amoureux de nos auteurs gréco-romains ; notamment
les métamorphoses d’Ovide, dans lequel ils trouvent le miroir de ce qu’ils
étaient (peintures) : colonisation de l’imaginaire et donc la relation
d’altérité s’est effacée très rapidement.
Devient fils de l’Europe avec beaucoup de facilité.
d.
Euramérique :
réalité géopolitique
Janvier 2013, Santiago, 7e sommet UE, AmLa, Caraïbes
(UEALCA) : a été décidé que désormais l’espace
commun d’éducation supérieur va être fusionné. Ecoles communes,
équivalences de diplômes, collège en sciences sociales commun. Réussite cela
veut dire qu’ils se sentent proches de nous : s’inscrit dans uen politique
euraméricaine.
Depuis 2008, Merkel décide que l’AmLa est la priorité de l’All sur le plan
international. Lima en 2008, sommet UE et Amérique Latine, Sarkozy, président
de l’UE décide de ne pas venir – devait sceller les épousailles. Et préfère
aller au sommet de l’Union Méditerranéenne à CHOC !
Donc AmLa – s’allie avec la PEC (avec la Chine). Véritable drame
pour l’Europe, et échec certain ! Merkel s’émerveille de l’AmLa et la
place en priorité : virage de la PE allemande, sur ce coup de tête (comme
avant 1914).
Autres pays qui s’intéressent à l’Amérique latine : les chinois
(mines, ports, nouveau canal pour concurrence Panama), et les Américains des
EU. H.Clinton, ministre des affaires étrangères en voyant la montée de la Chine
(achètent les terres toutes autour du canal de Panama, achètent la moitié d’un
Etat du Brésil : financement durable…), décide de reconstitue l’hémisphère
occidental (expression de 1822 qui veut que l’Am du nord et du Sud forme
l’hémisphère de la démocratie, face à l’Europe, monde usée, et face à l’Asie
qui ne sera jamais démocratique).
Réactions européennes : autre option, celle de l’Euramérique –
position du MAE Français, des Espagnols et des Allemands. Cette logique est
d’abord pensée par les espagnols dès 1992, roi d’Espagne Juan Carlos :
nous allons célébrer la rencontre de deux mondes (pas celui de la découverte de
l’Amérique) – les sud-américains sont mécontents parce que sinon on tait
les cruautés commises par les conquistadors.
RQ : Bataille des commémorations : en 1983, bicentenaire du
départ du dernier redcoat, avait déjà avancé les pions de l’hémisphère
occidental.
En 2010, les Espagnols vont célébrer le bicentenaire de la libération
des républiques américaines à mécontentes : c’est leur victoire.
Euramérique, donnée géopolitique réelle soit :
-
Hémisphère
occidental
-
Euraméricain :
Espagne en pointe, France en franc-tireur, Allemagne en bailleur de fonds
(milliards et milliards d’euros).
2.
Question
mal posée : que reste-t-il de l’Europe en Amérique Latine ?
a.
L’Europe
serait-elle dotée d’une substance ?
Colloque avec ce titre-là. Réponses possibles : on a l’impression que
l’Europe est douée d’une substance. Pourrait-on plutôt parler d’un style
européen qui serait conservée en Amérique. Style de quelle Europe ?
Sweig s’est installé au Brésil en 1940, et s’en ai
fatigué : pays où chaque jour est un nouveau jour, impression de vivre à
l’âge d’or mais aucune dimension prométhéenne. N’en peut plus de la bonne
humeur, de la fête, et du fait que l’on renvoie tout au lendemain.
« Paradis de tristesse » à propos du Brésil : même sentiment
qu’il manque une dimension propre à l’homme européen, la dimension
prométhéenne, l’idée de progrès, du temps qui avance.
Sarniento, argentin, un espagnol ou un américain du XVIe a
dû dire « j’existe donc je ne pense guère » - le latino-américain se
contenterai d’exister pour finalement ne pas penser ; voilà pourquoi on
n’avance pas : préfère vivre d’abord, et pourquoi penser.
Carpentier, cubain, prix Nobel, Le
Recours de la méthode au début de chaque chapitre met une citation de
Descartes, pour ensuite montrer que l’Amérique Latine n’est pas l’Europe de
Descartes. L’AmLa sera a jamais pré-moderne, toujours baroque, une sorte
d’Europe antérieure à livre qui plait
aux Européens : ont l’a toujours dit, c’est une enfant.
Brasilia a toujours fasciné les Européens -- se projettent enfin
vers l’avenir au nom du progrès. Malraux fait un discours à l’inauguration de
Brasilia, discours de malade, et convainc De Gaulle de faire un voyage en AmLa
en 1964 qui visite une 10aine de pays.
Ecuador, Gallimard, Henri Michaud, 1928 va en Equateur
pendant un an. Pourquoi il déteste l’AmLa, les Indiens de Quito, et les gens
qui ne lui apportent rien. Il va ensuite adoré l’Amazonie.
Gombrowicz, polonais, en 1939 sur un paquebot pour animer les soirées
littéraires, en escale à Buenos Air en 1939, Hitler attaque la Pologne, et
doivent repartir pour faire la guerre, mais il reste en Argentine jusqu’en
1966 ; Transatlantique :
terrible mais intelligent. Sentiment que l’AmLa cherche à n’être qu’une pâle
copie de l’Europe, sont déçu des élites blanches (mimétiques).
CCl : déception de ce continent, et le seul élément qui rappelle
l’Europe est l’esprit de révolution, et c’est dans ces moment-là qui deviennent
prométhéens. Les latinos-américains font le jeu de ces discours (livre : Péché originel de l’Amérique par
un Argentin, en 1941 « un enfant
qui a grandi mais qui reste sans expérience »).
b.
Des
traces d’Europe ? : une approche très post-moderne
Plait beaucoup aux latinos-américains aujourd’hui Jesus Martin
Barbero : palimpseste – textes dont on n’a pas tous les signes, et pour
Martin-Barbero, l’Am La serait un vaste palimpseste.
Un pays latino-américains peut être fait de traces : pour les
brésiliens c’est le cannibalisme (mythe fondateur)… Traces assemblées pour
montrer : voilà notre nationalité.
Problème : les traces elles-mêmes d’hispanité sont complexes ;
l’Espagne elle-même est le fruit d’un métissage important, c’est la fusion de 3
cultures : juive (15 siècles - Tolède), musulmane (7 siècles) et
chrétienne (moradal vidal) ; ce ne serait pas une Espagne unie. Si on
cherche des traces d’Europe en Amérique Latine – certainement des traces
d’Islam à travers l’Espagne. Ex : Eglise au Pérou, maniérisme avant 1591
(alors que l’on pense que c’est du Baroque) et donc de style arabo-musulman.
Jeu complexe. Ex : Premier ville fondé par Quesada, juif est la Tora.
Les traces d’hispanité – hispanité est elle-même un palimpseste. Toutes les
familles qui commencent par « San » sont d’origine juive.
c.
Parler
d’AmLa expose fatalement à la critique
Expression même d’AmLa est réfutée dans beaucoup de pays parce que ça
renvoie à un rêve géopolitique de Napoléon III ; et beaucoup
d’intellectuels proposent d’autres noms : les Amériques latines (Carlos
Fentes), Amérique indo-ibéro-africaine (Candido Mendès).
Ce discours pour débaptiser l’AmLa est sous l’influence du
multiculturalisme nord-américaine, Handbook of American Indians : la
latinité n’est qu’un écran, et l’AmLa doit revenir à ce qu’elle est càd une Am
plurielle où l’on va mettre en valeur les Indiens, les premiers habitants
(post-colonial studies).
Galinier, et Moliné : les
Néo-Indiens, 2007. Paradigme change en 20 ans – on passe du marxisme au
new-age. Néo-Indiens sont partout, et ils se disent indiens (si prouve qu’il y
a un grand-père indien pour avoir des terres, en Colombie, nouvelle
constitution en 1991).
Murra, spécialiste des Andes, il est nord-américain,
les héritages culturels pré-colombiens étaient extrêmement divers. Une famille royale a essayé de dominer le tout,
mais les grands empires essentiels (Incas/Aztèques) ne sont qu’une illusion.
Ces grands empires sont tombés en quelques semaines parce que les indigènes
avaient été assouvis par ces grandes lignées, et se sont battus aux côtés des
espagnols. Ce qui est andin n’existe pas : c’est une complexité, et dire
que des gens très divers ont pu vivre ensemble.
Réalité est autre :
-
Le métissage :
l’Am La est une Amérique métisse (auteur argentin) ; le métisse maitrise
plusieurs identité, est rusé. Veut l’appeler Amérique Ladine (ladino :
métisse). Garcia Marques : ce que l’Am La a de meilleur c’est son
humanité, justement parce qu’elle est métisse, le creuset de l’humanité future
d’un métissage mondial. Serait en avance, elle préfigure le monde avenir. Elle
est déjà palimpseste et déjà métisse.
RQ : voir Blade
Runner, 1982, de Ridley Scott.
-
L’Am La offre
une
singulière modernité. Discours
d’outre-barbarie, Leopoldo Zea : l’Amérique latine n’est pas l’Amérique
anglo-saxonne, ni l’Europe, et la civilisation c’est être soi-même.
3.
L’Euramérique
comme espace de transfert culturel et politique - faut passer à une logique quantique, càd annuler
l’Atlantique.
a.
Le
renversement dialectique
Pendant longtemps on a réfléchit sur ce que l’AmLa devait à l’Europe –
dette à tout point de vus (langue, culture..), et beaucoup d’Européens pensent
de la sorte. Depuis les années 1950 on a tendance à envisager l’autre versant
de la dialectique : est-ce que l’Europe ne serait pas tributaire de l’Am ?
C’est certain pour l’Amérique du Nord, mais la question se pose aussi pour
l’Amérique du Sud.
Pionner : Gernan Arsingnegas,
l’Amérique en Europe, traduit
en anglais ; a proposé de débaptiser l’AmLa en Am ladine (cf : plus
haut), et dans son livre nous dit que l’Europe doit beaucoup à l’Amérique mais
pas seulement en matière première (tomate, chocolat, les haricots…), mais avant
tout ses grands mythes littéraires et civilisationnels. Sans l’Amérique, il n’y
aurait pas eu Don Quichotte (serait Colombien – p 5 et 15 : signaux qui
mettent avant le fait que Don Quichotte est un gars qui s’appelle Quesadas –
conquistador de la Colombie, personnage historique). L’Amérique a aussi donné
beaucoup d’utopies (l’Eldorado, Lancaster qui essaie d’installer le système d’éducation
mutuelle, le voyage en Icarie…) – a toujours fait rêver l’Europe.
Arsingnegas : l’Amérique c’est aussi le continent de la liberté, Saint
Domingue et Haïti : 1ère république noire au monde, est une
république américaine.
è En réalité l’Amérique vous a donné les grandes
utopies et vous a précédé dans le chemin de la liberté et des républiques
modernes.
Cette opinion date des années 50, et n’aura pas beaucoup d’échos, le seul
qui reprend ces idées est Che Guevara. Arciniegas redonnait fierté à l’Amérique,
et reniait le fait que c’est une « enfant ».
Serge Gruzinski, historien de l’AmLa (le meilleur ; Les 4 parties du Monde, la Pensée
Métisse, la colonisation de l’imaginaire…). Idée : on a toujours eu tort
de penser que l’Am était une périphérie lointaine de l’Europe, c’est peut-être
le centre du monde. Son livre les 4 parties du modne : image du journal de
Chimalpain, écrit en aztèque, commente l’actualité française (assassinat
d’Henri IV, que va devenir la France), page suivante : des japonais qui
viennent à Mexico. C’est un mexciain qui écrit dans sa langue, en 1674 à Mexico
(la plus grande du monde à l’époque, 1 million d’hab) commente la France, le
Japon…
Nous défaire de nos raisons théologiques (partent du présent vers le
passé), nous projetons sur les anciens empires coloniaux l’image que nous
avions au XIXe. L’Empire colonial portugais et espagnol au XIVe :
asymétrie – avec un empire immense pour une petite métropole. Au Mexique, 20
millions à 7,5 millions d’habitants en 1674 – liés au choc microbien.
Marguerita Suarez - Lima au XVIIe, plus riche que Cadix/Séville, et
contrôle les deux, notamment grâce aux minerais (richesse).
è Phénomène d’américanisation du monde : à
partir du XVIe, l’Amérique influence l’Europe plutôt que l’inverse.
Ex :
-
La science
métallurgique européenne vient en grande partie d’Amérique. Un tiers des
conquistadors sont allemands, qui sont admiratifs devant leur technique :
ils arrivaient à fondre le platine, et ils apprennent à mieux fondre le cuivre…
Ces techniques reviennent en Europe.
-
C’est vrai
également dans le domaine de la médecine, plantes médicinales – savoirs qui
reviennent en Europe.
-
Idem pour la
musique : les rythme du XVIe – la chacone (vice-roi du Pérou), et la
sarabande (afro-péruvienne).
-
Les
arts : perspectives à maniérisme
-
Utopies
politiques….
Gruzinski réfléchit sur le XVIe – Europe tributaire de l’Amérique
d’une manière que nous ne soupçonnions pas. Mais on peut aussi étendre la
réflexion sur le XIXe et le XXe… Alors que l’on a tendance à croire que c’est
l’inverse.
b.
Comment
penser l’Euramérique ?
Nous devons des choses à l’Amérique Ibérique (ce n’est pas qu’un rêve
d’Amérique du Nord) ; l’article d’Olivier
Compagnon, sur le concept d’Euramérique au XXe (lecture obligatoire) :
pendant très longtemps les Européens ont parlé d’influence de l’Europe sur l’Amérique,
le mot « influence » date du XIXe s (très en vogue sous Nap III –
prolongement de la France – Equateur demande par deux fois à devenir français).
Cette idée habite encore le cerveau d’ambassadeurs européens ; parce que
« influence » suppose une hiérarchie, on n’en est plus là.
Il n’y a pas eu influence, mais dans la mesure où l’Amérique Latine, et
l’Europe c’était la même communauté de civilisation, il a eu une forte
tentation pour les latinos américains de trouver des recettes en Europe. Puisque
nous sommes la même chose, si une recette marche à Paris, pourquoi ne
marcherait-elle pas à Bogotà. Paradigme
des modèles. Article de Frédéric Martinez, sur l’action de Gilibert en
Colombie qui a organisé la police à Paris a essayé de faire de même en Colombie
– échec.
3e paradigme d’interprétation : les transferts culturels. L’idée des historiens, justement parce
que l’AmLa et l’Europe c’est un même monde du point de vue des élites au XVIIe,
il faut transférer en terme de transferts mutuels ; il faut raisonner en
mode plus quantique càd que nous savons auj que l’Europe et l’AmLa
s’influencent mutuellement parce qu’elles participent d’un même genre, d’une
même communauté de civilisation. Ex : Italie et Venezuela depuis 1930.
è Le mot « influence » est banni (renvoie
à l’impérialisme), on parle de transferts culturels et politiques.
Chapitre
1 L’Euramérique (Postulat)
Section
1 De la difficulté de l’objet – L’Amérique hispanique : une singularité
modernité ?
Intro : André
Siegfried, 1934, spécialiste d’Amérique Latine d’avant-guerre (directeur de
Science Po Paris), Amérique Latine
(google books) : pour l’Amérique du Nord nous avons Tocqueville, mais qui
avons-nous pour comprendre l’Amérique Latine ? Personne, déficit grave qui
explique peut-être pourquoi on oublie souvent l’Amérique Latine est oublié en
sciences politiques.
A l’époque le livre le plus lu par les élèves de science po est le livre de
James Bryce (énorme 2 vol), 1921 :
les républiques ne figurent dans aucun des volumes, parle de démocraties donc
pas d’Am du Sud ; parce que les constitutions sud-américaines n’assurent
pas aux citoyens des libertés véritables (ne sont pas des vraies constitutions)
[britannique] – « républiques de nom, mais dictatures de fait », ne
pas confondre la forme et l’esprit. Les régimes sud-américains oscillent
toujours en anarchie et tyrannie, donc pas une démocratie. En 1921 : n’a
pas connu les grands populismes.
Siegfried répond : c’est un scandale d’avoir exclues l’Amérique
Latine, d’autant plus qu’il faut se poser la question sur notre propre
gouvernement en France… (sommes-nous meilleurs ?) ; Bryce aurait
dû faire preuve de plus d’indulgence envers la « Cité néo-latine »
(Siegfried) càd le monde latin (France, Ita, Espagne et Amérique du Sud).
Bryce est condescendant, et rate la parenté du politique dans le monde
latin (il y a une façon politique dans ce monde).
3 idées essentielles :
·
On ne peut
pas mettre à distance les républiques latino-américaines parce que :c’est
le laboratoire de la république et de la nation au XIXe (plus que l’Amérique du
Nord – Aron : Am du Nord déçoit la France) ; et la France s’en
inspire
·
Très forte
parenté entre les pays latins d’Europe et l’AmLa ; une sympathie et donc
nous allons être obligé de penser le politique en mettant ensemble l’AmLA,
l’Espagne, la France et l’Italie ; on n’a pas le droit de diviser l’objet.
·
On cherchera
si effectivement il n’y a pas eu un autre Tocqueville – peut-être que si.
I.
Les avatars
de nos représentations
A.
Du mépris à
la prudence
a.
Le mépris
pour l’immaturité des Latinos-américains
Hegel : une humanité dans l’enfance ; les vertus et les vices de
son ingénuité – pas du côté de l’idée, mais du corps.
Le problème, Hegel n’est pas le seul à penser ceci, et beaucoup de récits
de voyages reprennent ces idées (à de très rares exceptions) : discours
des républiques latino-américaines sont « mort-nés ». Ces voyageurs
reprennent des arguments chez Buffon qui a été méchant avec les
latino-américains qui considérait aussi qu’ils étaient dans l’enfance. D’autres
auteurs adoptent la théorie des climats de Montesquieu : parce que climat
tropical, il a les pores qui se dilatent, et l’inhalation est moindre et se
dirige vers le hamac plutôt que le bureau…
Les comparent toujours aux créoles de l’Amérique du Nord qui sont vertus,
travailleurs… C’est un Américain qui correspondait mieux à ce qu’un
français/anglais pensait d’une humanité heureuse.
La plupart des voyageurs sont monarchiques et donc un apriori
anti-républicain, et noircissent le tableau ; souvent protestants et donc
noircissent le tableau parce que c’est un monde catholique, superstitieux,
oisif…
A priori de l’immaturité, du chaos, de la superstition – a priori
similaires sur l’Espagne.
b.
La
sympathie pour la « Cité néo-latine »
Cité néo-latine* : expression de Siegfried, auteurs des années 20 vont plus loin, comme
Marius André qui est très engagé sur le plan politique (proche de Charles
Maurras), et suggère à l’époque c’est qu’il y a communauté de civilisation
entre Espagne, Italie, France et Amérique Latine. Il traduit le Césarisme
démocratique (livre de 1911, de Lance) qui sera le livre de chevet de
Mussolini. Registre complexe. Mussolini voit dans cette pensée latine quelque
chose d’intéressant – le duce italien est comparable à un libertador américain.
Mérpis qui s’efface mais est capté par des idéologies de 3e
voies soit le réactionnisme (Maurras) soit fascisme.
c.
Après-Guerre :
condescendance et anathèmes
Aime l’Am LA mais la traite avec condescendance (Sartre) et d’autres la
condamne (Debré – origine de la mort du Che).
Condescendance* : effectivement les républiques latino-américaines ne sont pas
démocratiques, elles ressemblent trop aux rép de l’antiquité, elles sont pour
la liberté des anciens, pas des modernes. Logique romaine, antique ; pas
dans une logique moderne (alternance, partis).
Anathème* : confiscation du pouvoir par les oligarchies, et même si alternance ce
sera à l’intérieur de ces oligarchie. Elite qui se perpétue à l’infinie (idée
des FARCS).
Ce discours entre les deux ; et Debré : l’Am La ne s’en sortira
que par la révolution.
d.
Plus
récemment : prudence interprétative et retour de l’empirisme
Notre vision a évolué, ce qui est frappant dans les spécialistes
aujourd’hui c’est une extrême prudence, comme un aveu d’impuissance.
On a du mal aujourd’hui à s’y retrouver, complexité latino-américaine qui
est souvent incompréhensible pour les Européens, et donc appelle à la prudence.
En France, Observatoire Géopolitique de l’Amérique Latine dirigé par Olivier
Dabenne (antenne Sc Po Paris à Poitiers), Yvon De Bot, Olivier Compagnon,
Gilles Bataillon.
Hypothèse : si on a été aussi longtemps méprisant, c’est parce que
pendant longtemps nous avons cru au progrès ; mais aujourd’hui tous les
grands récits sont parterre (Dieu est mort, Marx est mort, Freud est mort, le
travail est mort…). Alors qu’en AmLa ces récits sont encore vivants, peut-être
que c’est du fait de ces récits que l’AmLa peut juger l’Europe qui est en
retard. Inversion des discours.
B.
La dénégation
de la de la Modernité…
Repose sur l’image que l’on se fait en Europe de la Modernité.
a.
Qu’entend-on
par le Modernité ?
La Modernité*(Liotard)
·
Modernité = représentation ; càd que désormais on a inventé l’individu
autonome et qu’il va pouvoir ne pas être tout en même temps (un soldat nous
représente sur le champs de bataille, un député nous représente dans
l’assemblée). On va se faire représenter. Idée de représentation comme
fondatrice de la modernité. Dans une société antique, la logique est holiste
par conséquent l’individu n’existe pas. La
modernité c’est l’invention de l’individu, quand les hommes sont égaux,
l’ego-centrement de la société.
·
Modernité = le désenchantement du monde, on n’a plus besoin de Dieu. Le Dieu est mort de
Nietztch
·
On ne peut
comprendre les réalités du monde que
par l’économique ; depuis Smith, Richesses des nations, 1776. On ne peut comprendre le
bonheur que par l’économie.
Si on est convaincu de ces trois postulats – nous sommes modernes. Les 3
éléments semblent liés ;
Post-modernité* : Jean-François Liotard :
nos sociétés actuelles ne sont plus véritablement modernes. 3 traits de la post-modernité :
-
via les réseaux sociaux, on crée au quotidien
des tribus (une classe, un groupe de musique…) à nous sommes post-moderne.
-
Notre
génération et la précédente a re-bricolé la morale (statuette de Buddha, mange
macro-biotique…) parce qu’une sorte d’inspiration sacrée qui n’arrive pas être
assouvie. Dieu est mort, mais pas le sacré – c’est notre propre moral à post-modernité.
-
Déception en
l’économique, on préfère croire dans l’ethnique et le culturel (retrouve
l’homme naturel). Par le biais de ce 3e trait à renouveau des trois grandes religions avérées.
b.
En
quoi l’Amérique hispanique ne serait-elle pas moderne ?
On l’a tellement méprisé au XIXe, parce que l’AmLA est davantage holiste qu’individualiste. Ce sont des sociétés
d’interconnaissances. Ex : pb avec le fisc, le latino-am va à l’hôtel des
impôts en famille ; et s’adresse au contrôleur en le tutoyant et en lui
rappelant éventuellement un lien de parenté. On essaie d’inclure cette
administration dans une sphère privée (même région, cousin commun…). Dynamique de l’interconnaissance – et donc
notre liberté diminue parce que tous savent pour qui on vote, ce que l’on
mange, ce que l’on fait… De ce fait on ne peut pas être moderne.
Le religieux : Dieu n’est pas exile en AmLa ; ils
sont très croyants, et deviennent de plus en plus protestants (Guatemala,
Chili, Equateur) - Change d’église. Deuxième moitié du XIXe, le Pape Pie IX et
Léon XIII : reconquête spirituelle de l’AmLA, parce qu’au moment des
guerres d’indépendance il y a eu une déchristianisation (Bolivar transforme les
couvents en casernes). Les Jésuites reviennent en 1850 + ces deux papes pour
faire de l’Am La de fer de lance de chrétienté jusqu’en 1914. AmLa : hauts
et bas dans le catholicisme.
Aujourd’hui mouvement de néo-indianisation – l’indianisme : redevenir
indiens (/ !\ pas indigènes). Mouvement très violent – au Pérou par un
syndicat, et en Bolivie la présidence de la République. Ces néo-indiens ont
tendance à ne plus tout à fait vouloir le catholicisme et le Dieu des
chrétiens. Retour aux croyances ancestrales : la Pacha Mama (Terre –mère)
è L’AmLa n’est pas moderne : holiste, et
croyante.
è Construction de l’Etat ? Nation ?
è Parce que nous sommes pré-modernité, nous sommes
passés à la post-modernité avant vous.
On comprend mieux les méprises européennes surtout si on les juge à l’aune
de la modernité, mais ne sont pas en retard si on les juge à l’aune de la
post-modernité (métisse, nouvelles croyances..). Sujets qui passionnent les
latino-américaines.
c.
Le
piège des amalgames tiers-mondistes
Le drame de l’AmLA c’est qu’elle a souvent était comparée à l’Afrique
noire. Ce sont des pays qui ont 8000 ans d’histoires ; mais sont souvent
considérés comme des pays seulement bons à être exploités. Dans les années 50,
décolonisation, beaucoup d’intellectuels européens mettaient l’Afrique et l’Am
La sur le même plan, et réfléchissait de la même manière. AmLa s’est
décolonisée toute seule il y a deux cents ans, et à 8000 ans d’histoire alors
que certains pays d’Afrique ont moins d’histoire.
Méprises typiques des années 50 qui donnent lieu à la sociologie de la
dépendance, au mépris des réalités du pays.
II.
Une
« singulière » modernité
Elle est moderne, mais différente de celle en Europe : modernité
japonaise, modernité islamique.
A.
Deux
postulats démontrables
a.
L’Amérique
hispanique ne doit pas être séparée de l’aire de civilisation occidentale
Quand les Européens (All, Port, Fra, Esp… Empereur européen : Charles
Quint) arrivent en Amérique, et créent des villes avec un plan en damier comme
les romains (Vitruve) : des villes de colonies. Les européens arrivent non
pas pour exploiter l’Amérique mais pour créer des colonies de peuplement. Le
mot « colonie » est absent au XVI, on parle des royaumes d’outre-mer,
de l’Espagne d’outre-mer. Quand un conquistador arrive est dans une logique
mimétique, si l’endroit ressemble au pays d’où il vient.
Peuplement : on plante du blé, on fait venir des cochons (pas
musulmans) à recréer l’Espagne
outre-mer et on vient avec tout le système civilisationnel sauf la vigne
et l’olivier (monopole réservé à la péninsule – les créoles se vexent) ;
on ne voulait pas qu’il y ait des imprimeries en Amérique.
La civilisation se transporte, et certains collègues parlent
d’extrême-occident (Rouquier, Blaise Cendras en 1920) à pas d’atlantique.
Atlantique forte connexion et un accélérateur de relations pas un
obstacle. Ex : coque en cuivre construite et inventé par les anglais qui
repoussent les coquillages qui faisaient des trous dans la coque (bactéricide –
détruit les bactéries) à aucun frottement,
jusqu’à 30 nœuds sur l’atlantique – Caracas à 15 jours de Cadix (on mettait autant
de temps d’un point à un autre sur le même continent).