L'Euramérique - cours 3 à 6

Continuum entre l’Europe et les Amériques – semble évident pour l’Amérique du Nord (Amérique blanche), mais il existe également avec l’Amérique Centrale et du Sud (il paraissait moins évident).
Ce premier postulat a été largement démontré par des historiens : Serge Gruzinski, Les Quatre Parties du Monde ; d’autres font de l’histoire connectée (à la mode) : les élites circulent, ainsi que les idées, mais on ne réfléchit plus aujourd’hui en terme d’influence/de modèle, l’Amérique latine et l’Europe forment un seul bloc sur le plan politique.
a.       L’AmLa  a été un extraordinaire laboratoire du Politique pour l’Occident
Ce deuxième postulat  démontre le fait que l’AmLa a des leçons à nous donner sur le plan du Politique.
Les aspects du Politique pour lesquels l’AmLa a été précurseur (1820-1848) :
-          imaginaire national républicain (les nord-Américains, les Français avant de redevenir une monarchie, les sud-américains) ;
-          le constitutionalisme : les Latino-Américains sont ceux qui ont le plus réfléchit sur la notion de constitution. Ce qui est intéressant en AmLA, dès 1810 on se pose la question de se doter de constitution : exemple Américain – les constitutions des colonies, ou constitution de 1787 (fédérale) ? Consitutiton du Directoire de 1795 ?
è bouillonnement du constitutionalisme : si on écrivait les nôtres ?
o   En 1811, à Tunja (Colombie) se dote d’une constitution républicaine, considérée comme aujourd’hui la première de la sorte en AmLa. Au début voulait copier la constitution Am, et finalement va faire un mélange pour accoucher d’une Constitution originale.
o   1812, habitants de Quito (Equateur), constitution républicaine qui ne craint pas la comparaison avec aucunes de nos constitutions.
Avant 1812, déjà 7 constitutions en AmLa, notamment celle de Cadix (suffrage universel) qui relance le mouvement en AmLa ; sont toutes respectueuses du catholicisme, la liberté de culte n’est pas envisagé ; des républiques qui se disent nations et catholiques. C’est fondateur de l’idée que la modernité latino-américaine est singulière – une modernité non-sécularisée à modernité catholique, républicaine et nationale ; ce qui fascine l’Europe qui veut s’en inspirer, ce modèle étant bien moins traumatisant que le modèle français. Cette reconnaissance donne lieu à des débats, pendant longtemps oubliés (impensables que ces nations dans l’enfance pouvaient nous donner un exemple à suivre), mais aujourd’hui redécouverts.
-          Très tôt des partis politiques encartés (avec des cartes ; pour se différencier des Whigs ou des Tories en Angleterre) – en avance par rapport à l’Europe ; notamment dans l’existence des partis communistes dans les années 1850s (qui se réclament de l’utopisme communiste français, pas de Marx). Les latino-américains peuvent avoir une sorte de fierté : on n’a pas attendu la révolution de 1917 pour parler de communisme.
Partis politiques conservateur et libéral (comme en Angleterre, mais eux sont encartés).
è Sentiment que l’AmLa a de l’avance parce qu’elle est résolument républicaine (ne peut pas redevenir monarchique), et donc doit faire ces expériences.
-          Concept de société civile – dès les années 1820. Production de textes politiques très importantes (en Europe : les oppositions politiques sont souvent muselées).
-          Relations entre l’Eglise et l’Etat. Les constitutions du début du XIXe conservent le catholicisme comme religion d’Etat, mais dans les années 1850-60 cela commence à changer, avec des constitutions qui prévoient la laïcité (tolérance religieuse) et le fédéralisme. Elle prend la France à contre-pied  - pour nous à cette époque c’est Nap III : très catho, et centraliste.

B.      Sur quoi repose l’idée de singularité ?

a.       Des « avances d’idées » dans un monde holiste…
Ce qui rend très difficile l’Histoire de l’AmLa, c’est que les sociétés latino-américaines sont des sociétés holistes, groupales aujourd’hui comme au XIXe. Cela veut dire que par exemple dans la société mexicaine avant 1910, il y a une logique de propriété/une élite qui permet de s’identifier à un groupe – et lorsqu’il y a un vote républicain : le propriétaire terrien dit qu’il faut voter pour « truc » à système perverti où l’on va voter de façon groupale.
Mais en même temps des avances d’idées comme celles-ci-dessus (pensée constitutionnelles, républicanisme) : comment on fait pour concilier les élites (2% des latino-américains) et une société holiste (tissu social qui ressemble à celui de l’Europe) ? Cela oblige à inventer du politique, à inventer des formes de gouvernements qui vont concilier les deux phénomènes : des modernisations conservatrices (Badie). Elites à deux visages : face à leur société, ils sont très tradi/conservateurs, et quand ils regardent le monde extérieur, ils sont très en avance, très modernes.

b.      La logique de l’hybridation ou la « république corporatiste »
L’hybridation du politique – va plus loin que la modernisation conservatrice qui est une pratique du pouvoir : change de discours en fonction de l’interlocuteur – l’hybridation c’est la tentative d’inventer du politique qui prenne en compte ce problème de la singulière modernité.
L’hybridation politique, n’a été étudié qu’à propos du Japon à l’époque Meji (rester japonais tout en acceptant la modernité occidentale). Mais les japonais dès la fin du XIXe sont dans une logique un peu schizophrène.
L’hybridation : quand les deux registres s’interpénètrent jusqu’à cela soit visible dans les institutions politiques ; c’est quand le monde holiste et le monde moderne, parce qu’ils s’acculturent, engendrent quelque chose de différent à phénomène d’invention politique (dans sa substance, pas sa pratique).
Ex : Annick Lampérière, « la République Baroque », 1994 le cas de l’AmLa au début du XIXe – ces républiques restent des républiques corporatives (pas égalitaires) liées au catholicisme, tout en acceptant la modernité.
è Hybride des avances d’idées et d’une société de corps.

c.       Des effets paradoxaux
1e effet : ces pays latino-américains, qui sont les seuls à avoir 200 ans d’histoire républicaine (hors Am du Nord), sont paradoxalement des pays où l’Etat n’est pas abouti. C’est parce que la société civile l’a toujours emporté sur l’Etat – formule élégante pour dire que l’Etat est contrebalancé depuis 200 ans par cette société de corps (corporatiste).
Ex : Colombie, si guerre civile depuis 1949, c’est parce qu’ils n’arrivent pas à construire l’Etat ; avait l’armée la plus petite de l’Amérique latine, sous-dimensionnée par rapport au territoire, et aux problèmes – trop d’armée = risque pour la démocratie.
2e effet : la nation ne serait pas abouti ; elle est toujours en cours d’élaboration parce que ce sont essentiellement des nations territoriales, et que sur le plan esthétiques elles sont toujours en construction. Aujourd’hui elles commencent à exister grâce au foot, la tv – pour qu’un esthétique nationale différenciée existe réellement.
3e effet : la sphère publique n’est pas aboutie, elle est là mais elle est à élargir. Très peu vont naturellement voter, et beaucoup ont obligé le vote (sinon perd ton passeport, et ne peut pas voyager en dehors de votre pays) – si on laisse la sphère publique toute seule, elle serait réduite : beaucoup n’iraient pas voter.
Aucun des 3 ne fonctionne véritablement, et donc on a des imaginaires transnationaux qui eux fonctionnent (rêve bolivarien, les utopies révolutionnaires d’extrême gauche…).

I.                    Comment procéder ?

A.      Soit en explorant un modèle latino-américain de développement

Alain Touraine, sociologue français dans les années 70-80, 1988, La Parole et le Sang : dans la veine des théories de la dépendance : les pays latino-am ont gagné leurs indépendances par rapport à l’Espagne pour tomber dans une nouvelle dépendance qui est celle des EU.
La sociologie de la dépendance développée à La Havane, et à Santiago du Chili. Touraine s’intéresse aussi au Brésil et au Mexique, et dans son livre il essaie de donner un schéma sociologique explicatif –
·         définit les acteurs : les travailleurs agricole, l’oligarchie, secteur informel urbain, classes moyennes ;
·         pour ensuite s’intéressait aux formes d’actions collectives : violence, caciquisme (dans une société groupale + leader d’opinion =cacic), théologie de la libération…
·         identifie des régimes politiques spécifiques à cette région : populisme latino-américain que l’on ne trouve pas ailleurs, Etats nationaux-populaires (Mexique, Brésil) – c’est un Etat où l’idée national est très forte avec une pratique de gauche (de masse), nous appellerions ça des Etats fascistes.
·         Forme de mobilisation : nationalisme révolutionnaires, syndicalisme….
Ce modèle d’interprétation de 1988 a terriblement vieilli, parce que la théorie de la dépendance était un modèle tributaire de la GF, mais surtout il est élaboré à partir de pays où les classes moyennes sont très importantes (Mex, Chili, Brésil), et Touraine ignore l’histoire de l’AmLa d’avant 1930. 1930 : les classes moyennes s’élargissent – conséquence de la crise de 1929. A tendance à infantiliser l’AmLa parce que la juge toujours par rapport à un modèle occidental.
Critique de Lomné : totalement ignorant du XIXe – Touraine étudie l’AmLa qu’à partir du moment où ils ont une classe moyenne ; et ignore totalement les pays comme la Bolivie, le Pérou ou la Colombie. Il faut utiliser un autre modèle.

B.      Soit en explorant les figures du politique

1.       Le modèle de François-Xavier Guerra
Au lieu de chercher à comprendre la politique en AmLa par la socio du développement, on peut essayer de la comprendre par les figures du politique en réintroduisant le XIXe – plus longue durée, et on se débarrasse de modèle tributaire de la GF.
Modèle de François-Xavier Guerra, mort en 2002 : on ne peut rien comprendre à l’AmLa sans l’étudier au XIXe (précisément ce que ne font pas les sociologues) – notamment les imaginaires perdus. Son modèle s’inspire du modèle de François Furet sur la révolution française (lui-même inspiré par Tocqueville) – on est passé de l’AR à la révolution. L’idée de Guerre, l’AmLa comme la France a un AR à considérer, qui continue à avoir une ombre dans le présent (on ne peut faire table rase du passé). Tocqueville : AR a inventé la Révolution, la France de Louis XVI est très moderne (stoppé par le mur des privilège), la Rév n’est qu’une accélération. L’AR a une inertie.
Guerra essaie de voir si ce modèle de Tocqueville marche pour l’AmLa : est-ce que la monarchie espagnole  a fait autant de bêtises qu’on le dit ? L’AR qui a fonctionné 3 siècle en AmLa a toujours des influences/des durées dans les républiques latino-américaines.
è Voir ce qui est continue et de voir ce qui est totalement neuf – modernité de rupture et monde qui perdure (cas de toutes les révolutions).
Guerra étudie ce qui se passe ; le politique latino-américain ne peut pas s’envisager qu’à partir de 1930, il faut réintroduire la longue durée : XIXe, et même à partir de la colonialisation. Pour ce faire Guerra s’intéresse aux figures du politique.

2.       Prérequis de cette pensée – nécessité de retrouver les « imaginaire perdus »
Vocabulaire du politique (histoire des concepts) est indispensable – le sens des mots. Interrogé les universaux de la réalité politique (Etat est un universel) en fonction des spécificités d’AmLa. Il faut déconstruire ces figures pour voir ce qu’elles valent en AmLa déjà au XIXe – pour nous aider à comprendre que la modernité latino-américaine ne doit pas être jugée à l’aune de celle de Paris/Londres à retrouver les imaginaires perdus.
Au XIXe, en AmLa - Economie de la grâce (non-marchande) : rend grâce à quelqu’un, je vous rends au centuple, mais pas par l’argent (par des prières). Cet élément est indispensable lors d’une réflexion sur le monde hispanique.
Bartholome Clavel et Ispania : dans un univers catholique, l’éco de la grâce est toute aussi importante que l’éco marchande, voire plus. A la différence de l’univers protestant, il y a des logiques non marchandes qui ont une fonction sociale (logique de l’honneur – mafia sicilienne contre les Normands qui occupent Palerme) : services non-monnayable. Ces économies sont toujours présentes, et il faut les prendre en compte pour comprendre le Politique.


Section 2 Penser l’indépendance
Réintroduire la longue durée – 300 ans de l’époque coloniale, l’indépendance et ce qui va changer ou pas. Penser l’indépendance pour comprendre le politique.
L’indépendance n’est pas un objet d’histoire refroidi, c’est encore aujourd’hui un point chaud ; célébration du bi-centenaire de l’indépendance. Elle a force de mythe, l’indépendance c’est le seul geste militaire héroïque, ils se sont peu fait la guerre (comparé à l’Europe) – pax hispanica (XVI, XVII, XVIIIe – pas de guerres), ensuite au XIXe rien de comparable aux guerres européennes, au XXe elle a participé aux GM mais ne l’a pas ressenti dans sa chaire.
Objet pas refroidi, et un objet que l’on ne pense pas ; une sorte de perd à la repense, cette guerre d’indépendance. Il faut essayer de la penser ;
Longue durée des interprétations traditionnelles : modèle historiographique dominant en AmLa
·         dans les manuels scolaires en AmLa: pendant 3 siècles l’Espagne a empêché l’AmLA de vivre (300 ans de Ténèbres, la Nuit Coloniale) ; puis la lumière : l’indépendance, du jour au lendemain l’Amérique espagnole est rentrée dans l’Histoire. Cad accès à la modernité en suivant le modèle américain et français. La volonté d’indépendance nationale était déjà là depuis longtemps (XVII). Ce discours est très fort à Cuba notamment.
è On vous dit que des élites ont lu Rousseau, et après cela ont compris qu’elles pouvaient être le porte-parole d’une idée nationale.
Cette logique a considéré l’Espagne comme une marâtre qui empêche de grandir, et la colonie c’est la nuit. Cette logique oblige aussi à un enfermement national (mythe indépendantiste en fonction d’une nation).
Dès le XIXe des gens d’opposent à ce schéma, sont plutôt des conservateurs qui vont dire que du temps de la colonie, « nous étions tous espagnols, tous catho – où sont ces nations dont vous parlez » ?
Autre schéma : empire de deux hémisphères (occidental/oriental)
En France, deux grands modèles interprétatifs, qui ont joué sur le plan mondial en ce qui concerne la perception de l’AmLa :
-          Celui de Pierre Chaunu
-          Celui de François-Xavier Guerre

I.                    Les institutions iconoclastes de Pierre Chaunu

A.      La remise en cause

L’Amérique et Les Amériques, 1964. Pierre Chaunu, prof à la Sorbonne et Henri IV, élève de Fernand Braudel, thèse sur Séville et l’Atlantique (7300 pages – 7 tomes). En réfléchissant sur l’Atlantique, il réfléchit sur le fait qu’il n’existe pas au XVIIe, et que d’ailleurs le Pacifique non plus (Espagne jusqu’aux Philippines).
On parle davantage sur soi que sur l’objet – donc quand on parle de l’indépendance, on en apprend plus sur les latino-américains que sur les dites guerres d’indépendances.
1e arg : Pour un latino-américain : le régime colonial a été terrible (service obligatoire) – Chaunu dit que ces abus sont fort abusants – ils nous trompent : ceux que l’on présente en victimes sont peut-être ceux qui ont opprimés les autres. Dans le discours officiel : l’Espagne opprime l’Amérique ; or dans la réalité ceux qui oppriment l’Amérique (les Indiens) sont des créoles d’Amérique au nom de l’Espagne. Créoles blancs, 19% de la population coloniale, ceux sont des blancs de peau, nés en Amérique, descendants d’espagnols.
2e argument : indépendance faite par des élites qui ont lu les Lumières. Selon Chaunu, seulement 2-3% des élites avaient accès aux Lumières ; il y a des Lumières latino-américaines, mais il est illusoire de penser à une diffusion des Lumières du Nord vers le Sud.
3e argument : Chaunu minimise les révoltes de Saint-Domingue (1795-1804) et de Tupar Amaru (1780).
·         On en a fait le premier héros de l’Amérique Latine, ils l’ont transformé comme un indien qui voulait se libérer de l’Espagne. Sa révolte se termine en 1782, à caractère ethnique, si vous n’êtes pas indiens, je vous coupe le nez et les oreilles. C’est révolte a eu lieu au Pérou, c’est le dernier pays qui s’est battu pour l’indépendance parce qu’ils avaient vu ce que le pouvoir indigène pouvait faire : si les indiens prennent le pouvoir, est ce que les blancs avaient encore leur place ? Amaru va retarder l’indépendance.
·         Saint-Domingue aussi un épouvantail, la révolte des noirs à fait prendre conscience aux Cubains blancs qui pouvaient être renvoyés en Espagne.
Ce modèle d’interprétation qu’on les latino-américains de leur propre indépendance, nous fait comprendre ce que sont cex latino-américains : des descendants d’espagnols qui continuent de dominer les indiens comme leurs parents conquistador l’ont fait. En cela le pouvoir n’a pas changé de main, la logique perdure, bien qu’on est remercié la métropole espagnole.

B.      Les temporalités de la rupture indépendantiste

Chaunu est élève de Braudel pour qui il y a 3 temps : structurel ( longue durée), conjoncturel, et évènementiel.
A l’indépendance en AmLa :
-          Causes structurelles : la croissance numérique des blancs créoles. En 1808, 3 millions de blancs dans l’Am de langue espagnole (de San Francisco au Détroit de Magellan), càd 20% de la population. Ces créoles sont plus nombreux que les très rares fonctionnaires espagnols (95% face à 5%). Les créoles contrôlent donc de plus en plus l’Amérique. Les zones les plus blanches sont les plus indépendantistes (Chili 37% sont blancs, Argentine 30%, Colombie 30%). Alors que les plus indiens sont seuls qui veulent le moins se séparer de l’Espagne (Bolivie 15%, Pérou 10%) ; Mexique est dans l’entre-deux, 22% de blancs. Plus il y a de blancs, plus le pays va vouloir être indépendant.
Les indiens n’ont aucun intérêt à se séparer de l’Espagne, et ils le savent : la cascade ethnique et sociale des mépris. « Moins vous êtes blancs plus vous êtes méprisés ». A la fin du XVIII, un mépris des créoles pour ceux qui sont plus blancs qu’eux (intuitions inconoclastes) : à partir de 1770 jusqu’à 1808, des espagnols du nord de l’Espagne arrivent en Amérique. Créoles : blancs nés en Amérique, mais pas tout à fait blanc à ces nouveaux arrivants perturbent le système : il est le plus blanc, donc vénéré, et l’aristocratie créole commence à détester ces gens qui leur volent la vedette, et l’autorité parce qu’ils sont plus blancs ; c’est le synrome du bus : l’immigration de première génération refuse les immigrants à venir. Ce ne sont pas les Indiens qui ont voulu l’indépendance (comme le prétend aujourd’hui l’AmLa), ce sont les créoles, leur logique est la suivante : faut devenir indépendant rapidement avant que d’autres n’arrivent.

-          Causes conjoncturelles : Chaunu réfléchit sur la part de l'empire américain dans la richesse de l'ESP à l'époque, en réalité l'AmLa était indépendante de l'ESP. Les deux Amériques avaient réussi à s'accommoder de la relation avec la métropole et à devenir riches seules sans reverser beaucoup à la métropole. Dans le cas des USA comme de l'AL les métropoles ont voulu reprendre le contrôle de leurs colonies, notamment suite à une prise de conscience du potentiel de richesses qu’elles constituaient. Chaunu met ainsi l'accent sur le fait que tant que les rois laissaient se développer de manière autonome les colonies, celles-ci lui prêtaient fidélité ; à l'inverse si le roi tentait de reprendre la tutelle sur ses colonies, celles-ci se braquaient et se retournaient contre la métropole.

Chaunu démontre ainsi qu'à partir de 1770-90 le commerce entre l'AmLa et l'ESP a été multiplié par 7 (en valeur). Ce commerce s'est fait au profit des maisons de commerces latino-américaines aux mains de Créoles blancs,  donc la métropole n'exploitait pas l'AL.
Cela nous fait ainsi comprendre, que ceux qui parleront d'indépendance les premiers seront les plus gros commerçants (Buenos Aires, Caracas) qui voudront être encore plus riches et surmonter le monopole commercial de la métropole.
è Cette hausse du commerce profitait donc aux américains qui trouvaient un motif supplémentaire pour couper les ponts avec l'ESP.

A cela doit être ajouté que Charles III (roi jusqu'en 1788) veut aussi reprendre militairement et administrativement les colonies, en y installant des intendances. Il met en place de grandes réformes en 1766-67, et les intendances dirigées par des Espagnols péninsulaires entrent en conflit avec le système administratif antérieur qui lui était déjà aux mains des latino-américainsconcurrence entre les deux systèmes d'administration. Les créoles refusent ces intendances et se soulèvent (cf. révolte des communards de nouvelle Grenade). Les intendances n'auront de succès qu'au Mexique, Pérou et Cuba là où on trouve le moins de blancs.

-          Les causes événementielles : L'ESP a été la première à réfléchir à l'indépendance de l’AL, avant même que celle-ci ne souhaite l'être. Au XVIIIe de nombreuses personnes considèrent que l'empire colonial ne rapporte rien à la métropole, ceci alors que la colonie américaine des anglais se bat pour l'indépendance et bénéficie du soutien Espagne.
Chaunu explique qu'il y a une erreur chronologique s'agissant de l'indépendance de l'AL. En effet, l'AL aurait dû devenir indépendante en 1700, à l’époque où il n'y a plus de roi ni d'héritiers en ESP. A ce moment l'Atlantique est fermé en raison de la guerre qui fait rage en Europe, l’AL est de facto indépendante, pour autant elle ne s'en proclame pas.
De même, elle aurait dû avoir lieu en 1797, avec une guerre qui oppose l'ESP à la GB en raison de plusieurs territoires en Amérique du Nord (Californie). Se déclenche alors une guerre entre la GB et la FR, et les anglais décident à nouveau de couper l'Atlantique en coulant un certains nombres de navires FR et ESP. L'ESP ne contrôle donc plus l'AL, pourtant là encore il n'y a pas revendications d'indépendance de la part de l'AL.
è Pour Chaunu, il y a donc une sorte d'erreur chronologique de l'indépendance en AL. L'AL n'est pas prête à devenir indépendante en 1808 mais l'invasion de Napoléon l'y pousse puisque l’empire Espagnol perd. Chaunu s'appuie sur des propos de Bolivar pour justifier cette constatation. Les latino-américains n'étaient pas prêts ni dans leur tête ni militairement pour l'indépendance, le moment idéal est apparu (T. PAINE) mais ils n'avaient pas les outils suffisants pour y faire efficacement face.

II.                  Rupture ou continuité ? La Révolution en question

A.      Le modèle de Chaunu  en porte-à-faux avec celui de la Révolution Atlantique

Au moment de l'écriture de l'ouvrage de Chaunu, il y a des débats houleux à la Sorbonne contre la Révolution Atlantique, concept de 1965 inventé par R. Palmer et J. Godechot selon lequel la révolution FR ne serait qu'un épiphénomène ; tout aurait commencé aux USA, puis ceci est passé à Genève, en GB, aux PB, puis en Belgique, puis en FR puis en AL → la révolution aurait été triangulaire spatialement. Toutes les révoltes auraient eu pour modèle la révolution US, qui a inventé une nouvelle façon de faire de la politique, ce qui a secoué l'ensemble des pays/régions que nous avons cités plus haut, avec la France en dernier.
Cette notion de révolutions en chaîne à un gros défaut → Palmer explique que tout repart en AL sans pour autant s'attarder sur cette région du monde (il ne lui accorde que deux pages sur un ouvrage de 500 p.). Chaunu y voit donc une théorie erronée, les auteurs n'auraient pas perçu les deux espaces Atlantiques, l'Atlantique Nord où leur théorie marche efficacement et un autre Atlantique Sud qui est lui aussi l'objet d'une incroyable circulation d'idées avec l'ESP. Chaunu invite donc  un autre modèle de révolution Atlantique adapté à l'Atlantique Sud, dans lequel il faut prendre en compte l'invasion de NAP, a un impact considérable sur l'Amérique de langue ESP (l’Atlantique n’existe pas entre l’Espagne et l’AmLa). L'indépendance de l'AL est fortement liée à cette invasion, puisqu’elle aurait ainsi des causes exogènes et non endogènes comme tendent à le véhiculer les pays concernés (mais pas uniquement on le retrouve dans tous les mouvements d'indépendance).

B.      Le réductionnisme d'une socio-histoire économique

Brito Figeror, Luis Villol, Garavalia sont des historiens de la guerre d'indépendance de l'AL. Ils invitent à cesser de parler de révolution d'indépendance, car il n'y a pas eu révolution il n'y a eu qu'indépendance. L'égalité y était de façade, les créoles ont voulu être plus tranquilles et ont exploités les indiens seuls. Ces historiens expliquent que la guerre d'indépendance de l'AL a rompu une dépendance horizontal, mais pas une dépendance verticale entre dominants et dominés, or les dominants n'ont jamais été les Espagnols mais les créoles blancs latino-américains qui avaient un ascendant sur les indiens et les noirs → débat des deux libertés.
La liberté* c’est ne pas être sujet à la tyrannie (tyrannie locale), tandis que l'indépendance* c’est être libéré de l'ESP (on ne veut pas du Roi) et peut être même dans certains cas de l'Eglise catholique.
è Se pose la question alors de la deuxième liberté, libération vàv de l'ESP certes mais pas vàv des maîtres de la terre, pas de liberté individuelle.
Face à cela FX Guerra a opposé des arguments critiques des 80s. Si la guerre d'indépendance avait eu des causes socio-économiques le mouvement d'indépendance n'aurait pas été unitaire. La synchronie du mouvement ne peut pas s'expliquer pas une cause endogène, mais par une cause exogène.
Il explique aussi que créoles et indiens n'ont jamais eu les même préoccupations ; d’un point de vue économique les indiens étaient les plus exploités et ne voulaient pas de l'indépendance, les Indiens encore après l'indépendance se soulèvent pour que le Roi revienne (1827 la révolution Quechua). Débat suscité par les indépendances de l'ESP et AL – il y a eu un débat unique des deux cotés de l'Atlantique avec d'un côté une monarchie constitutionnelle et de l'autre une indépendance de l'AL, ceci ayant été permis par l'invasion Napoléon.

C.      Guerra ou le postulat d'une modernité de rupture

La modernité de rupture ?
Guerra est persuadé que ce qui se passe de part et d'autre de l'Atlantique est une révolution, d'ailleurs les acteurs le disent eux-mêmes. L'invasion de NAP a fait prendre conscience qu'il fallait mettre fin à l'absolutisme et la meilleure manière de contrer NAP était de mettre en place un vrai roi qui puisse lui faire face. Il s'agissait de repenser la nature même de la fonction royale.
è Il y a eu une révolution ESP bi-hémisphérique.
Selon Guerra, la guerre d'indépendance a été une guerre civile plutôt qu'une révolution, tous ne voulaient pas l'indépendance (renversement du Roi), certains préféraient l'autonomie (moins d'impôts, moins d'armées), ce fut une guerre civile donc entre républicains et monarchistes. Plus les années vont avancer plus la guerre civile devient une guerre d'indépendance à cause de Bolivar qui déclare la guerre à mort face au nombre croissant de monarchiste.
À partir de 1813, transformation en guerre ethnique où les Espagnols se font fusiller, beaucoup de latino-américains deviendront alors républicains. Terrible pour les Espagnols qui étaient du côté républicain, progressivement simplification des enjeux (qui se retrouvent dans toute GC). Une idée qui est difficilement acceptée en AL.


Chapitre 2 Le laboratoire latino-américain (Mise en abîme)

Section 1 Quand le républicanisme de l’hémisphère occidental inspirait l’Europe (1783-1848)

Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, et Histoire morale et philosophique des deux Indes, écrit par l’Abbé G.Th. Raynal ; ce dernier est un pamphlet qui dénonçait le despotisme des rois et les colonies modernes de l'ESP, de la GB et de la FR. Ce livre est d'autant plus dangereux que Diderot en a écrit la plus grande partie. On y conseillait aux peuples américains et latino-américains de se réveiller et de se libérer du despotisme des rois (à l'époque Georges III en Angleterre et Charles III en Espagne) au nom de l'idéal républicain. La réédition de 1783 fut la plus lue en FR, à laquelle Raynal ajoute un chapitre sur la révolution des USA.
Le premier historien Fr de la Révolution FR est Kerverseau, 1790, seule histoire de la Révolution FR écrite au fil de la Révolution, dans cet ouvrage il commence en parlant des indiens de l'Amérique et explique que la Révolution FR s'en rapproche ; les latino-américains étaient friands de cet ouvrage. Les révolutionnaires Français ont toujours eu les américains en tête ainsi que les indiens d'Amérique qui étaient un peuple de référence pour les révolutionnaires puisqu’ils incarnent selon eux des peuples libres.
On retrouve cette idée chez Lord Byron, qui admirait ce qui se passait en Amérique (AL), il insiste sur l'importance de ce qui se passait en Amérique pour le reste du monde. Les deux vrais héros de la modernité étant selon lui Washington et Bolivar ; lui aussi a donc pour référence les peuples d'Amériques.
La notion de détour américain* est ici importante pour inventer la notion de liberté en Europe il a fallu que celle-ci soit développée en Amérique, pour pouvoir rêver sa propre liberté → le premier rêve américain avec une sorte de fascination à l'égard de l'Amérique. Un rêve américain qui portait à la fois sur l'Amérique du N et du S.

I.                    L'Amérique, berceau d'une révolution de la liberté

A.      Le patriotisme nord-américain érigé en modèle

1.       L'impact en France de la Révolution d'Indépendance nord-américaine

Les Français mettent en place leur propre rêve qui petit à petit va remplacer le rêve américain (EU). A partir d'août 1789, il y a cette idée que l'on peut développer un modèle propre qui supplanterait le modèle US, d'où la Terreur de 1993 et l'élimination des Girondins accrochés au rêve US.
Cette fascination pour l'EU existait aussi en Angleterre. Edmund Burke explique pourquoi les GB ne veulent pas de l'homme abstrait des FR, il critique l'abstraction qui est faite pour tous les hommes donc pour aucun. Il invite à regarder la révolution US, qui elle, propose une vraie liberté fondée sur l'histoire, et sur un nouveau monde. En cela, les EU rendent possible cette autre liberté, les FR n'y arriveront eux jamais car ils ont trop d'histoires croisées à l'abstraction totale. Burke à la Chambre des Communes admire la révolution US, car elle incarne les vraies libertés anglaises contre le despotisme des Rois. La déclaration d'indépendance de 1776 est donc extraordinaire puisqu’elle énonce l'égalité entre tous les hommes et l'inaliénabilité de leurs droits. Les EU réalisent mieux la GB que la GB elle-même, les EU incarneraient au mieux les libertés anglaises.
Montiel, péruvien, nous, les latino-américains, sommes les premiers lecteurs de Paine.

2.       Et ailleurs en Europe...

Les PB voient dans les EU une caisse de résonance de ce qu'ils pensent. John Adams, ambassadeur américain aux PB, fait le lien entre NYC et Amsterdam, et permet à tous les textes nord-américains d'entrer aux PB ce qui entraine une certaine révolution des PB. John Adams succèdera plus tard à Washington à la présidence des EU de 1797 à 1801. Annie Jourdan a beaucoup insisté sur cette fascination des PB vàv des EU, ce qui est narcissique car les PB réalisent les rêves du pays/peuple, ils sont d'ailleurs les inventeurs du fédéralisme au XVIe.
En Italie, l'Amérique fascine aussi. Vittorio Alfieri, poète du XVIIIe, exprime son admiration à l'égard de la Révolution américaine, et c’était l’un des auteurs les plus lus en Europe.

3.       Thomas Paine, ou la puissance de feu de l'esprit de Philadelphie

Anglais fils de Quakers, de l'autre côté de l'Atlantique il deviendra Américain. Il clarifie le concept même de République, dialogue poursuivi avec Condorcet, avec qui il montera un journal, pour essayer de démontrer aux FR qu'il fallait aimer l'esprit républicain et la forme républicaine de gouvernement.              
T. PAINE inquiet car il réalise lors des Etats généraux en 1789, que les révolutionnaires ne veulent pas de la république comme forme de gouvernement, mais comme forme des libertés, et de fin des privilèges. Inquiétude car il réalise que la révolution FR va donner lieu à une monarchie constitutionnelle ; ainsi il expliquera dans « tout l'enfer de la monarchie », seule la république comme esprit est aimable. La monarchie peut avoir un esprit républicain sans être une forme républicaine. Il invite à avoir la forme plus que l'esprit, il invite à s'inspirer du modèle républicain nord-américain, en attestant de la viabilité de ce modèle loin des biais de la république antique. Dans cet argumentaire, il a Jefferson comme allié.

B.      Les Indigènes américains, « peuple de référence »

1.       Crèvecœur : le mythe d'une société agreste, consensuelle et patriote par nature

Paine raconte comment il a couru avec les indiens dans les bois, il y raconte une humanité parfaite, dans une nature parfaitement édénique. Il raconte que les hommes blancs vivent en parfaite harmonie avec les indiens (il évoque ici les trappeurs). Il dédie par ailleurs son ouvrage à l'Abbé Raynal qui a su voir dans ces populations le berceau de la liberté et le refus du despotisme européen.
Dans la Lettre n°3 il explique « Qu'est-ce qu'être américain ? », notamment le phénomène de transformation en américain. L'Américain nait ainsi de la promiscuité des races, et par l'effet d'une transplantation, ce qui était inutile en Europe, devient végétation en Amérique. La transplantation permet à l'homme de rêver la liberté → ubi panis ibi patria : là où il y a du pain, là est ta patrie. Voilà comment tous ces européens vont se transformer en américains.

2.       L'effet de contraste entre l'Indien métaphorique et l'Indien idéalisé

Marienstras explique que l'Amérique est d'abord une pastorale, soit un amour de la nature énorme, une nation atemporelle, elle ne situe pas dans le temps, un éternel présent, car l'Amérique est le paradis. Elle explique comment les américains ont cette vision au moins en Amérique du N.
L'Européen a imaginé l'Américain et est pour lui la référence d'un homme nouveau.
·         Rousseau, La découverte du nouveau monde, comédie ballet où il fait l'éloge des indiens face à C. Colomb : « Vantes nous désormais ton éclat prétendu de l'Europe », la vertu se situe en Amérique.
·         De même dans Candide, de Voltaire, où il se rend compte que les indiens méprisent l'or, c’est pour lui un témoignage de leur vertu.
·         De même dans une tragédie, Alzir et les américains, de 1736 de Voltaire, dans laquelle il raconte les aventures d'une princesse péruvienne Alzir qui fait face aux méchants Espagnols. Elle incarne un personnage beau et vertueux.
·         Marmontel, 1777, Les Incas. Rôle important même si les Incas qu’il décrit sont totalement imaginaires = Romains avec des plus et des noms Incas ; qui auraient inventé une société où tous les hommes seraient égaux (comme le contrat social de Rousseau).
RQ : J. Renwick a réfléchi sur ce rêve Inca ;

è Une mode incroyable autour des indiens d'Amérique qui remplace la mode turque du 18é s.
Dans les pièces de théâtres jouées en Europe, image des Espagnols mauvais, les auteurs ayant lu une série de texte appelé Corpus de la Légende Noire pour noircir l'image mondiale de l'ESP, il fallait à tout prix démontrer que les ESP étaient le nouvel axe du mal. Les Indiens dépeints étaient imaginaires et à l'image du gentil sauvage, le mythe du bon sauvage repose ainsi sur une illusion. Il y a là un indien métaphorique.
Puis l'image de l’Indien idéalisé de Chateaubriand, qui aurait développé un christianisme naturel.
Ils seront contestés par Jefferson, qui viendra nuancer le tout.
RQ : on parle uniquement de l’Amérique hispanique, puisque le Brésil ne répond pas à cette logique du fait de son histoire, un roi qui s’installe dans sa colonie. Et de ce fait ne devient pas république, et intéresse beaucoup moins les Européens.
Chez Crèvecoeur, on a plus un indien idéalisé (qu’un indien métaphorique de Voltaire utilisé philosophiquement pour lutter contre le fanatisme), c’est plus l’image du bon sauvage du film Danse avec les Loups. L’Indien idéalisé est un des mythes fondateurs en Amérique du Nord, ce qui très paradoxal puisqu’ils les ont massacrés.

II.                  La possibilité d’un républicanisme apaisé

A.      La synchronicité de la « Révolution espagnole »

« Révolution espagnole » : entre 1808 et 1814, et cette expression est de l’époque, certainement utilisé pour la première fois par Blanco.
Il y aurait eu la Rév Am, la RF, et la RE qui est elle aussi une révolution d’indépendance contre Napoléon.

1.       La géopolitique de l’esprit de Philadelphie

Ces gens qui sont persuadés uqe l’Espagne est entrée en Révolution vont lire les pères fondateurs américains, et toutes les constitutions nord-américaines.
On trouve alors des choses étonnantes :
·          comme au Mexique, les habitants de Gualajara disent dans les années 1811-12 que Philly est leur modèle, nous voulons des institutions comparables à celle de l’Am du Nord, on ne veut pas de la République de Venise (autocratique) ou de la ligue des cantons Suisses. On voulait se séparer de l’Espagne et des monarchies, il fallait donc trouver d’autres modèles qui étaient souvent la Suisse et Venise.
·         Au Venezuela, en 1777, les Lettres de Philadelphie (1774), sont traduites en espagnoles et circulaient d’haciendas en haciendas de manière manuscrite ; traductions manuscrites confisquées par les Espagnols.
Auteur à l’époque Juan Roscio, avocat de Caracas, commence à réfléchir sur l’idée que Dieu aurait préféré la République à la Monarchie, et donc relit l’Ancien Testament pour attester son idée. Il écrit un livre sur ce sujet. Met par terre l’absolutisme monarchique de Bossuet, càd la base de la monarchie espagnole – droit divin. Il a lu les lettres de Philadelphie, mais aussi des sermons protestants dans lesquels il est dit effectivement que Dieu aimait la République.
·         Aussi Brésil – Oru Pretu (or noir) : publicistes brésiliens qui lisaient aussi ces textes
·         Argentine, également le cas.

2.       A Cadix : un débat euraméricain

Les Cortès de Cadix ont inventé la Nation espagnole ; l’Espagne est réduite à une seule ville, le reste est occupé par Napoléon. Napoléon bombarde Cadix tous les jours pendant 3 ans, mais elle est libre et indépendante. C’est dans cette ville surpeuplée que l’Espagne se dote d’une nouvelle constitution, et dans cette assemblée constituante, il y a 64 Américains qui lancent le débat sur l’avenir du monde hispanique.
Les Esp veulent une monarchie constitutionnelle qui ressemblerait à la GB, et les colonies seraient une sorte de Commonwealth. Mais les députés Américains n’ont pas le même projet, et préfèreraient des républiques sur le modèle nord-américain. Ils jouissent d’une immunité qui leur permet une liberté de parole sans précédent, et sans être arrêtés. Mejia ou Mexia (en latin): « Si vous ne voulez pas perdre l’Am, laissez-nous plus d’autonomie, et laissez-nous vivre pleinement l’esprit républicain », sans parler pour l’instant de la forme républicaine ; en face, un député espagnol, Argüelles, Galicien, droit constit, fasciné par Mejia, et répond : le modèle idéal c’est l’Angleterre et la monarchie constitutionnelle. Les Américains vont être dépités de l’issu de Cadix, et certains vont travailler à l’indépendance.
D’autres députés espagnols étonnants, comme Olmedo qui fait des discours sur les Indiens incroyables ; Dioniso Inca, néo-indien. 
Débat euraméricain : fonctionne dans un même monde.

3.       La passion de l’Europe pour les « passeurs de Révolution »

Toute l’Europe observe ce qui se passe à Cadix, et pense que Mejia est le meilleur des députés et c’est un américain.
Aussi des américains qui traversent l’Europe (appelés plus tard les rastaquères), comme Milanda (Venezuela), combattu en Louisiane contre les anglais, un des artisans de la victoire de Mobile (dans le sud des EU)… C’est d’abord un excellent militaire qui a appris la guérilla avec les patriotes nord-américains. Ensuite on le trouve à la Havane, et en Europe (amant de Catherine de Russie), très grand latino-américain, cheveux longs et blancs ; à Paris, général à la bataille de Valmy (son nom sur l’arc de triomphe), maison à Londres de 7 étages, avec une biblio au 7e qui lui permet de rassembler tous les latino-américains qui venaient de passage à Londres. Personnage colossal, c’est un passeur de révolution qui a fasciné toute l’Europe. Bonaparte veut le rencontrer, et dine avec lui.
Pablo De Olavide, péruvien, installé à Paris depuis longtemps, doué – thèse de doctorat à 17 ans, prof d’université à 20 ans, quand Lima rayé par tremblement de terre, et on lui demande de reconstruire Lima à 22 ans, et remplacent les églises par des théâtres et des bibliothèques – choc, et on veut le lyncher, se retrouve alors à Séville, et le roi d’Espagne le nomme gouverneur de Séville. Il trouve qu’il y a trop de fêtes, et suppriment la semaine sainte et les processions. Les sévillans sont mécontents, mais le roi est fasciné et le nomme gouverneur d’Andalousie. Il considère que les andalous sont fainéants, et fait venir des travailleurs (des milliers d’Allemands). Il est dénoncé à l’Inquisition, en cachot, et s’échappe jusqu’à Paris. Se fait appeler le Péruvien – femme française lui offre son château. En 1789, 50aine d’années – en prison en 1793 où il retrouve Milanda. Olavide fascine autant les français (Diderot écrit une biographie) que Milanda, mais pour des raisons différentes.
Cette fascination est la preuve qu’un latino-américains ce n’est pas que des « rastaquères » (moustache, plumes, qui parle avec un accent, et qui fait la cours à toutes les dames), ils tirent fierté de ces personnages qui incarnaient le lien entre l’Amérique et l’Europe, c’étaient des passeurs de révolution.
L’Abbé de Pradt – confesseur de Napoléon, et est le français qui se rend compte de ce potentiel latino-américains. De l’Europe et les Amériques, 1822 : chers amis européens, vous habitez un vieux monde, et l’avenir du monde est américain, et républicain. Epoque où l’Europe est monarchique, il écirt ça en 1822, quand les Espagnols sont de nouveau en révolution, Rejio, en re-proclame la constitution de Cadix (idem pour Palerme qui considère que ces les institutions les plus modernes). C’est balayé par les monarchies, avec l’invasion de l’Espagne et de l’Italie par les Autrichiens.

B.      L’Amérique espagnole : laboratoire de l’imaginaire national-républicain

Avant 1822, fascination pour quelques figures latino-américaines, mais après 1822 on comment à s’intéresse à l’AmLa pour des expériences politiques qui ont lieu là-bas ; c’est à ce moment-là que pour la 1ière fois on parle de Bolivar.
1.       La Colombie, objet de fascination (1822-1829)

Colombie, crée en 1819, et va devenir connue. C’est celle de Bolivar et  sans doute celle qui fascine le plus l’Europe. Les autres jeunes pays ont peur du mot république, qui est encore connoté négativement (Mexique se proclame Empire). Deux seuls pays qui se disent authentiquement républicains : le Chili et la Colombie (plus haut et plus fort). Tout le monde se passionne pour la Colombie et tout le monde veut y aller. D’autant plus que la Colombie est un pays qui ne va cesser de grandir géographiquement parlant (1821 : Venezuela, et 1822 : Equateur).
1er voyageur français, espion, Gaspar Théodore de Mollien – réchappé du naufrage de la Méduse ; légion d’honneur à 22 ans, Chateaubriand lui demande de partir comme espion en Colombie en nov 1822 : témoignage fascinant, c’est le 1ier qui dit comme une république nait et fonctionne.
Avait voyagé d’abord par les EU qui l’avait déjà fasciné, et juste parce qu’il avait un sabre on le prenait pour un colonel de la révolution. Réfléchit sur le côté artéfactuelle de cette jeune république, qui est une république sur les signes mais pas encore en substance. Le seul européen qui assiste à la 1ier législature de cette république, observe le vote des lois : 1ière assemblée colombienne de 72 députés au 1er étage, et au rdc c’est un bar – effluves d’alcool. Ecrit des choses assez dures, et amusantes sur la Colombie : « peut-on être républicain en mangeant tant de haricots ? ». Retour à Paris : tous le questionne – alors c’est quoi une république ? Gros engouement médiatique.
A la suite de lui, de nombreux voyageurs vont en Colombie, des américains (Hamilton), des anglais – 40aine de récits de voyage qui décrivent cette première république (à part le Chili).
La Colombie fascine tellement que les Européens veulent exporter leurs expériences politiques. –
-          Bentham, utilitarisme, et si j’exportais ça en Colombie ? Bolivar dit d’accord, et on enseigne l’utilitarisme à Bogotà.
-          J.Lancaster, invente l’éducation mutuelle ; les prof ne suffisent pas, il faut que les étudiants s’interrogent entre eux, il faut devenir enseignant pour bien apprendre. Ca plaisait pas tellement en Angleterre, mais fonctionne très bien en Colombie avec l’accord de Bolivar.
-          Owell, usines parfaites et nouvelles, ne les crée qu’au Texas
CCl : la Colombie fascine et toutes les utopies européennes veulent se diriger en Colombie en tout cas entre 1822 et 1829. A partir de 1826, la Colombie commence à se déliter, le Venezuela quitte en 27, l’Equateur en 30, Bolivar meurt en 1830. Et ensuite on ne parle plus de la Colombie, mais on en a  beaucoup parlé.

2.       Le déclin du modèle nord-américain (1837…)

L’Am du Nord se remet à fasciner, oubliée pendant la RF et l’Empire, au début des années 1830 ; René Raymond, thèse de 1500 pages sur le modèle Nord Am en France : réfléchit sur le 1er rêve américain. Il dit qu’à partir de 1837 que les EU n’intéressent plus : finalement ce pays est esclavagiste, et n’est pas un modèle. Raymond pense qu’au-delà de 1837 jusqu’en 1848, l’Am intéresse mais sous un angle plus utopique.
Raymond parle beaucoup d’un livre de 1842, Cabet, Voyage en Icarie, dans lequel Cabet rêve des EU nouveaux. Tout le monde lisait ça en France avant la révolution de 1848. On rêve d’une utopie américaine, mais on ne veut plus voir le réel qui est l’esclavage, il faudra attendre Lincoln pour que ça redevienne une Rép acceptable. RQ : Ceux sont des communistes qui adorent Jésus-Christ, des Européens sont allés construire Icarie d’abord au Texas à Crosstimber, puis en Nouvelle Orléans, Illinois, Californie et disparait en 1895 – là où a fonctionné cette utopie sociale.

3.       Les « avances d’idées » de l’Amérique espagnole (1829-1848)

L’Am hispanique fascine encore entre 1829 et 1848 mais de façon plus abstraite, ce n’est plus lié à la Colombie de Bolivar qui n’existe plus, mais on parle beaucoup des républiques : Benjamin Constant, et De Tracy. Dans le salon de Saint en Laye de Lafayette, c’est là où on se rencontre entre républicains – c’est eux qui développent cette fascination qui a eu un rôle important dans la révolution de 1830.
RQ : Louis-Philippe devait être roi de Colombie s’il n’avait pas été roi de France en 1830.
Le groupe de de Copet, à Genève, est un des foyers de la pensée Européenne avant  1848.  Simon de Cismondis.
Benjamin Constant, suisse, met Nap à distance, en 1814 écrit un texte qui ne sera connu qu’en 1819, Conférence de l’Athémée, dans lequel il fait la différence entre la liberté des Anciens et la liberté des Modernes. Dans l’Antiquité on a inventé la liberté, mais ce n’est pas la même que celle des modernes.
Qu’est-ce qu’un romain appelé « libertas » ? La liberté des Anciens :
·         C’est le fait que tout le monde doit prendre les armes pour défendre sa cité, défendre la liberté.
·         La liberté suppose aussi la privation de la liberté des autres, on réduit les autres en esclavage pour pouvoir être un citoyen libre. La guerre de conquête est indissociable de votre liberté.
·         Dans la cité grecque, et dans la cité romaine, quand vous n’êtes pas d’accord vous devez partir, c’est l’exile, autrement on vous assassine.
Liberté des Modernes* :
·         Tout le monde n’a pas à porter les armes, car nous avons inventé la représentation : dans le politique, et dans l’armée. Chacun doit faire au mieux en fonction de ses qualités.
·         En aucun cas on ne pratique la conquête, ou l’esclavage. On pratique la guerre commerciale.
·         Pas d’exile, car les modernes ont inventé les partis politiques ; on peut rester jusqu’à ce qu’on soit à son tour au pouvoir.
è Liberté des Modernes supérieure ; néanmoins liberté des Anciens à quelque chose de beau : l’héroïsme ; nous les modernes, nous ne pouvons pas être des héros.
Ce texte a fait le tour de la planète, texte très important au XIXe s, à lire absolument. Et ce qui fascine à Paris en 1829 et 1848, c’est la possibilité que la liberté des Modernes exista dans les Républiques d’Am du Sud (Bolivar, Liberté des Anciens).
RQ : on ne peut pas observer cette différence dans une monarchie.

Epilogue : révolution de la liberté versus révolution de l’égalité
Pourquoi elle fascine avant 1848, parce qu’elles semblent être des révolutions de liberté, et non pas une révolution de l’égalité comme en France (Arendt).
-          Rév de la liberté* où on proclame la république sans faire table rase du corps social, on essaie de conserver ce qui avait de mieux (on les dit conservatrices).
-          Révolution de l’égalité - RF : table rase du passé, avec une révolution de l’égalité ; et 1793 a fait très peur à toute la planète ; et en 1789 : propriété, sécurité et ce n’est qu’en 1793 qu’on ajoute la fraternité.
Voilà pourquoi l’Am passionne c’est la possibilité d’un républicanisme apaisée. Les deux Amériques attirent moins le regard à partir du moment où la France entre en Rév en 184_ qui fait de nouveau coïncidé la France réelle (monarchique) et la France idéale (rép). En Fév, Lamartine et Ledru Rollin, révolution bourgeoise de 48 d’après Marx. En Juin, se soulèvent parce que pas n’ont pas eu ce qu’ils voulaient en Janvier, 30 000 morts en 2 jours – dont les héros : Raspail. Impression que la France renoue avec le républicanisme mais de nouveau 2 modèles : en Janvier, apaisé, bourgeois ; et en juin, assoiffé de sang, jacobin, inacceptable.


Section 2 Le Paradoxe du « recours de la méthode » (pdf – cours publié)

Proclamation de Bolivar du 19 avril 1820, s’adresse à ses soldats « soldats, le genre humain pleuré la ruine la plus belle partie du monde, qui était esclave… », maintenant elle est libre (grâce aux soldats). Léopold Zea – preuve en 1820 : l’Amérique entre dans l’histoire ; fin de l’exil de l’Histoire grâce à ses libérateurs.
Idée : l’Amérique a été isolée par un cordon sanitaire. Ministre du roi Charles IV, Flori Da Blanca, épouvanté par la RF a voulu crée un cordon sanitaire, càd mettre l’Am en quarantaine pour lui éviter la contagion des idées françaises (film Master and Commander). Protéger l’Am des « nouvelles de France » (nouvelles, et nouveautés).
Nous latino-américains, on nous a gardé dans le noir.
Citation de Bolivar « nous avons passé les siècles comme des aveugles dans un monde de couleurs » - c’est la métaphore de l’éruption du jour ; moi Bolivar je vous ai rendu la vue, la couleur à vous latino-américains, symbolisé par le drapeau arc-en-ciel. Lorsqu’il rentre à Bogotà en 1919, il demande à tous de s’habiller en couleurs au levée du jour ; parce que lorsque l’armée espagnole en 1515 à Bogota, c’est de nuit, habillés en noir, avec des torches – armée de justice.
Dans l’esprit de Bolivar : l’indépendance est aussi une révolution ; non seulement on coupe avec l’Espagne, mais on coupe avec l’Ancien Régime, je vous offre un nouveau régime : la République. Bolivar nous trompe, parce qu’aujourd’hui on sait que l’Espagne n’a pas tenu l’Am dans les ténèbres, notamment parce que l’Atlantique n’existait pas. L’indépendance, on prétend installer la modernité, alors qu’en réalité on ne touche pas au corps social ; avances d’idées dans des sociétés qui restent traditionnelles.
Deux termes du paradoxe :
-          Les latino-am ne vont cesser de dire « nous sommes des européens en exil » (Borjes - argentin)
-           Et en même temps, parce qu’ils croient qu’ils sont européens, ne vont cesser d’importer des normes européennes, qui pour la plupart ne fonctionnent pas en Amérique du Sud, donc en réalité nous sommes américains

I.                    « Nous sommes vraiment des Européens en exil »

A.      L’atlantique n’existe pas

1.       Un « globus intellectualis » hispanique

Expression du XVIIIe, globus intellectualis = une république des lettres ; l’homme du XVIIIe, parce que vous lisez le même livre, c’est que vous appartenez au même monde. Or les latino-américains ont toujours appartenu au globus intellectualis hispanique, càd que quand les conquistadors sont arrivés en Amérique c’est pour créer des villes, dupliquer l’Espagne outremer (à la différence du Brésil, le Portugal crée des ports sur le chemin de l’Inde, à la recherche d’épices et d’or). Au XVI, ils sont là pour étendre l’Espagne et amène donc des pretres, des architectes… appareil intellectuel qui se projette.

a)      Aristote fait créole
Un petit latino-américain du XVI quand il va trivium, quadrium (écoles) étudie exactement la même chose que le petit espagnol, enseigné par les curés ; les indiens n’étaient pas privés d’éducation, ce n’est pas réservé au blanc. Fin XVIIIe, 95% de la population au Mexique est alphabétisé, assuré par l’Eglise, alors que milieu XIXe on retombe à 40%.
Education aristotélicienne : catégories d’Aristote (Organone)  -> scolastique [c’est la spéculation] ; ensuite Saint Thomas d’Aquin. Ce n’est pas une logique de l’utilité, pas une logique des Lumières. Mais ne condamnons pas trop vite la scolastique ; parce qu’il a une autre modernité qui était en jeu à ce moment-là.

b)      L’universalité de la contagion moderne
Si le commun lit Aristote, mais aussi élite qui lit autre chose : beaucoup des fonctionnaires espagnols qui arrivent en Amérique ne sont pas des espagnols de souche. Souvent les vice-rois sont des Espagnols de souche, et apportent avec la modernité de manière synchrone en AmLa – ex : théorie de l’hygiénisme (faire respirer les villes)… L’Amérique participe des Lumières catholique – l’Illustracion –les Lumières tamisées.
Luces – les Lumières radicales.
L’Am n’a pas été tenue dans l’obscurité par l’Espagne – nuance : latino-américain ne peut pas écrire un livre d’histoire, il faut le faire valider par la censure royale, et publié en Espagne. Pas d’histoire autochtone.

2.       La mobilité des élites contredit le postulat de l’enclavement

a)      Vers l’Amérique…
Colossal – entre 1770 et 1790 environ un million d’Espagnols (presque tous d’Espagne du Nord), or ces gens-là quand ils arrivent, ils arrivent avec des savoir-faire, des idées, et souvent se marient avec des créoles et participent à cette connexion en l’Amérique et l’Europe.

b)      Vers la péninsule…
En permanence, et sont tellement nombreux, qu’il faut créer des collèges des nobles à Madrid et à Grenade pour les nobles américains. Collège de Grenade, crée en 1792 par Charles IV où sont passés des latino-américains fameux comme Bolivar, Mejia (parfaire sa formation).
La seule ville interdite aux latino-américains c’était Londres, parce que Londres était considéré comme une sorte de Babylone parce qu’anglicane et protestante, et un latino-américain devait aller en France du fait du pacte de famille (monarchies sœurs – les Bourbons).
B.      L’Europe modèle avoué de civilisation (1820-1914)
L’am se sépare de l‘Espagne de façon nette à partir de 1820, et quand plus de roi il faut se refonder, refondation a radice (sans racines).

B. L'Europe modèle avoué de civilisation (1820-1914)

1.       La nécessité d’une « refondation a radice »

a)      La déception à l’égard du fédéralisme de Philadelphie ?
A très vite fasciné les Mexicains, les Colombiens, Buenos Aires. Pourquoi une déception ? Parce que le fédéralisme c’est aussi la matrice de la guerre civile si les gens ne sont pas suffisamment murs pour pratique le fédéralisme ; et donc on se tourne alors vers le modèle du Directoire français càd le laisser faire en éco mais la main ferme en politique.

b)      La France ou l’Angleterre ?
France du Directoire est celle qui fascine le plus, parce qu’ils ont souvent connu Paris à l’époque du Directoire de 1795 à 1799. Mais assez vite le pragmatisme rappelle le modèle anglais. L’Angleterre, c’est le plus grand pays du monde, a inventé la liberté (Bill of Rights) – sorte d’hésitation tout au long du XIXe ; et cette hésitation se traduit en terme politique : les conservateurs préfèrent la France, et les libéraux l’Angleterre. Les conservateurs sont attirés par le centralisme, les libéraux aime la tolérance Angleterre, et veulent l’entrée massive de protestants en AmLa pour améliorer la vertu, mais aussi le rapport à l’argent.
La France l’emporte dans les années 1830, pendant les années Guizot (chef d’Etat Français), lui-même fasciné par l’Angleterre (modèle des doctrinaires). A la fin des années 1830, l’Angleterre reprend le dessus, l’Angleterre réforme et élargie sa société civile – représente le pays le plus démocratique de l’époque. A partir de 1848, la France intéresse de nouveau les latino-américains à travers :
-          l’Histoire des Girondins par Lamartine (chef d’Etat de la France en 1848, même si à le titre de MAE – RQ : Ledru Rollin gère tellement mal le pays que c’est Lamartine qui contrôle), il sait pratiquer un républicanisme apaisé.
-          Eugène Su – détestait les jésuites.
-          Louis Blanc…
-          Auguste Comte (Nap III) et apprentissage du positivisme, textes de 1855-56 : l’avenir du monde appartient à ceux qui ont le plus de sensibilité, or les plus aptes à devenir spiritualistes : les latins et les noirs (les Brésiliens sont les deux, et sont le mot d’ordre).
-          Concurrence avec l’Angleterre : Darwinisme social (Chamberlain, Spencer, Kipling « Livre de la Jungle ») – struggle for life

2.       Deux cas de figures de mimétisme prononcé :

a)      1842 : l’homologie des deux « Héros du Siècle »
Retour des cendres de Bolivar en 1842 (mort en Colombie à Santa Marta), et depuis 1840, au Venezuela il y a une sorte de mea culpa (avant il était détesté). En 1840 : les français font revenir Napoléon à Paris. Nous allons faire tout pareil dans les  moindres détails (même église).

b)      1889 : Equateur : une transposition de la « guerre des deux France »..
1889 : Equateur – entre ceux qui veulent aller à l’exposition universelle de Paris (celle de la Tour Eiffel) et ceux qui ne veulent pas s’écharpent en français (cf : Cours sur la Nation) pour qui ces derniers c’est aller chez Satan parce que la Tour Eiffel c’est l’illustration du mal, puisqu’on célèbre le fer et l’industrie.
Pour l’Equateur comme pour la France  - cette exposition sauve la République ; défaite des conservateurs puisque cette exposition a grandi notre pays.

Epilogue : le retour des images contradictoires (1918)
Cet amour de l’Europe, et de la France en particulier s’achève avec la 1GM (Compagnon, Adieu à l’Europe), ils vont être déçus ; parce qu’ils pensaient que la France allait gagné en 3 semaines, déception de ce qu’il pensait comme la plus grande puissance militaire ; l’Allemagne mène, et c’est les EU qui gagnent la guerre. A partir de 1918, les élites latino-américaines ne regarderont plus que vers l’Amérique du Nord.

II.                  Un hypothétique « recours de la méthode » (Alenjo Carpentier)

Dans son livre Carpentier – démontre que Descartes n’est pas appliquable à l’Amérique puisqu’elle est passionnelle et loin de toutes méthodes/raisons.

A.      De l’inadéquation des modèles importés

Pourquoi ça ne fonctionnait pas en AmLa  alors que l’on est la même chose ?

1.       Deux repoussoirs

a)      Le refus des « constitutions de papier »
Expression de Bolivar qui avait lu Montesquieu, ce dernier écrit dans l’Esprit des Lois « ce sont les passions humaines qui font mouvoir les gouvernements », et si constitution, elle doit être en accord avec la nature de notre pays. Le droit n’est pas universel, la constitution doit traduire la nature de ce que l’on est.
Discours, 1819, l’excellence d’un gouvernement ne constitue pas en sa théorie mais son adaptation à la nature du pays, s’il y a un écart ça ne fonctionne pas.
Constitution de papier : sont importées et donc ne peuvent fonctionner. Bolivar veut abandonner la constitution en 1826 qui avait été modelé en fonction de l’Am du Nord ; en 1826 instaure le pouvoir à vie pour le Président, qui doit être le soleil de la nation. Pour lui, la nature de la Colombie est d’être peu vertueuse, et donc il faut un gendarme. Constitution Bolivarienne refusée par les Péruviens, les Equatoriens, et grand échec pour Bolivar qui se déclare dictateur en 1828 [comparaison avec Chavèz].
Livre : Vallenilla Lanz, élève de Durkheim, met sur le papier cette théorie du gendarme nécessaire. Il faut des constitutions qui prévoient des hommes forts ; sert de livre de chevet à Vincente Gomez, dictateur du Venezuela dans les années 1930, porté que du blanc ; fait parvenir le livre à Mussolini, qui adore à son tour. 
Refus des constitutions de papier, est toujours dans des discours des hommes politiques actuels, il faut des institutions propres – « ou nous inventons, ou nous sommes perdus », Chavez.

b)      L’impossible retour de la monarchie
Le modèle monarchique – les nations ont fait le choix de la république à jamais, ne peuvent pas revenir, parce que si monarchie il faut une dynastie, ce qu’il n’y a pas en AmLa. Celui qui a essayé de d’installer la monarchie, Garcia del Rio entre 1822 et 1829.
Projets monarchiques tout au long du XIXe, mais on les connait mal, c’est comme une trahison donc on n’en parle pas. 1846, Equateur a failli redevenir une monarchie.
Il aurait fallu peut être que les pays redeviennent monarchiques pour avoir une 2e chance, il n’y a pas eu d’alternance de modèle politique et social.
Elle ne peut pas revenir monarchique, et a peur de ces constitutions de papier ; et donc ce n’est pas l’Europe.

2.       L’Amérique n’est pas l’Europe…

a)      Un modèle thermidorien pour l’Amérique ?
Les latino-am regardent sans cesse vers des formes du politique où l’on pourrait croiser la main ferme et le libéralisme économique – Adam Smith + politique de Bonaparte. L’AmLa est un vrai laboratoire notamment au XIXe, puisque l’on n’a pas beaucoup d’exemple en Europe, hormis Napoléon III. C’est à ce moment que l’AmLa voit une sorte de parfait miroir en Europe, les latinos vont être fascinés d’autant plus que Napoléon III est un grand catholique : bonapartisme politique, libéralisme économique, et catholicisme.
Nap III, président avant d’être Empereur – normal pour les latino-américains.
Donc recherche d’une 3e voie,  que l’on trouve dans la deuxième moitié du XIXe ; Rafael Nunes : centralisme, catholicisme, originaire de Carthagène (périphérie) – peur du fédéralisme ; Antoni Flores, en Equateur, président qui essaie de réfléchir à une Rép à la fois catho et libérale – « le libéralisme catholique ». Dans les deux cas, Bolivar est utilisé, en insistant sur le fait qu’il avait signé un concordat avec le pape, qu’il était un président dur, et avait permis un développement économique.
Les libéraux économiques finissent par accrocher Bolivar au registre conservateur.
è Modèle thermidorien et libéralisme catholique. Chefs d’Etats sont tous catho et centralistes.

b)      Le pessimisme conservateur
Cette volonté de régénérer l’Am que l’on peut dater des années 1880 -1920/30 : génération qui a le sentiment qu’il faut faire venir beaucoup d’Européen en AmLa pour l’améliorer. Sentiment que la race est viciée : du fait de métissage l’Amérique ne sera jamais vertueuse. Marque du darwinisme social, mais aussi quand on passe d’esclave à l’homme libre ne peut plus être vertueux (a appris la ruse). Parce que nous avons été esclaves 300 ans sous l’Espagne, ne peut plus être vertueux à ce sont les Blancs qui disent ça, qui pensent surtout aux Indiens et aux noirs ; mais parce que nous sommes Blancs nous pouvons toujours être vertueux donc réduction de la sphère publique aux Blancs (très vrais au Pérou). Logique qui fonctionne beaucoup moins dans les pays où très peu de Blancs comme au Guatemala (élites blanches massacres les Indiens pour purifier le Guatemala, et font venir des anglais et allemands pour blanchir la race).
On pense que l’Am ne s’en sortira pas parce qu’elle est métisse, et donc non vertueuse. Ces conservateurs aiment Bolivar, parce qu’il  « labourait la mère », incarnant la liberté des Anciens, très conservateur, 1ier dictateur.

B.      Une interprétation : l’étroitesse de la sphère publique moderne

Les modèles importés ne fonctionnent pas et démontre a contrario que l’AmLa n’est pas l’Europe. Travaux des années 90, avec FX Guerra, équipe de travail : Espacio Publicos, travaillez sur l’adéquation ou l’inadéquation de la théorie d’Habermas.
Théorie d’Habermas – espace public, fin 70. Philosophe allemand, toujours vivant, fin XVIIIe, l’homme européen (londonien, parisien, weimar) se met à lire beaucoup parce qu’on a enfin des vitres (lumière) et des couloirs : espace bourgeois qui est en train d’inventer l’espace privé, pouvoir jouir de privacité. L’homme européen commence à fonctionner autrement, la sphère publique bourgeoise : une opinion est en train du naitre du fait de ces lectures – pendant que les femmes lisent à la maison avec les nouveaux romans, les hommes sont aux Cafés, et parlent de politique – créent une politique qui devient concurrent de l’opinion du roi. La théorie d’Habermas : cette opinion publique bourgeoise grossit et on arrive à vouloir se substituer au Roi à RF d’après lui. Modèle simple.
Guerra : est-ce que ça marche en AmLa ? Au moment des guerres d’indépendance : ce sont les pays qui lisent le moins qui sont le plus révolutionnaires comme le Venezuela (aucun journal avant 1808) ; alors que Pérou, Cuba, Mexique sont les plus fidèles à la Monarchie espagnole – vont être ceux qui seront les plus attachés aux idées Marxistes.
Il n’y pas de couloirs, souvent la maison romain avec deux atrium avec le premier public, et un deuxième patio davantage privé, mais les chambres restent en enfilade, ou autour du patio. Sans portes.  Maison d’AR où tout le monde circulent.
L’idée de Guerra : la théorie d’Habermas ne fonctionne pas ; il faut penser autrement l’espace public, il faut réfléchir une combinatoire de l’espace public : espace public de l’AR entre en hybridation avec l’espace public moderne.
Rôle de l’espace public physique – villes romaines (forum), vie dans la rue, et quand il rentre chez lui, il est encore dans la rue. Inertie de l’espace public ancien avec les nouvelles pratiques à crée une singularité de l’AmLa.
1.       Le modèle d’Habermas est-il applicable à l’Am hispanique ?

a)      Eléments de convergence
1830- la nation remplace le roi – et se crée un espace de lecture semblable à celui en Europe.

b)      Eléments de divergence
En AmLA il n’y avait pas autant d’élites qu’en Europe, et surement pas autant qui lisaient ; et même s’il y en avait, beaucoup sont morts durant les guerres d’indépendance (Bogota, sur 600 fusillés, 400 formaient l’élite). La république se fonde avec des gens qui ne viennent pas des élites – le 1er président du Venezuela ne savait pas lire/ni écrire.
Ce n’est pas lié à la lecture – passe par l’oralité, la lecture des imprimés en public …
D’après Guerra, dans le modèle d’Habermas, l’Etat est très important, mais il n’a jamais été construit en AmLa, dans laquelle la société l’a toujours emporté sur l’Etat. C’est pourquoi il est difficile de comprendre l’AmLa pour un Européen qui a un certain bagage intellectuel et on ne saisit pas toujours la singulière modernité de l’AmLa.

2.       Divers types de « fictions démocratiques »

a)      L’illusion d’un suffrage ouvert
Ces Rép d’AmLa sont en réalité des fictions démocratiques parce qu’imprégnées de leur pessimisme conservateur elles n’ouvrent pas la sphère publique au plus grand nombre.
Guerra : ces rép vont restreindre le suffrage au maximum – Colombie 800 000 pers votent pour 8 millions d’habitants, une meilleure proportion dans les Monarchies : les Européens comprennent que c’est fictif. Les Européens, racistes, disent que ceux qui valent le coup votent càd les Blancs à vote censitaire.
Cette fiction démocratique tient aussi au phénomène du suffrage ouvert (Pilar Gonzales) : on vote en Argentine dans les années 1840 comme on vote à Londres càd sur une estrade avec une urne, ceux qui votent laissent leurs bulletins dans l’urne : autour ceux qui ne votent pas, sifflent. Le candidat, à Londres, boit des bières pour souler les populations dans les bas quartiers de Londres, qui a moitié saoule siffle et s’énerve contre ceux qui « voterait mal » à affiche l’opinion, le vote n’est pas secret.

b)      Un bipartisme de façade
Parti Libéral/parti conservateur – copie de l’Angleterre des Whighs et les Torries : mais en réalité cette logique se joue dans un terrain circonscrit – ils sont tous plus ou moins parents, c’est un même groupe social avec un certain nb de grandes familles qui se partagent le pouvoir. Et la coloration libéral/conservateur est importante au niveau politique, mais pas au niveau social (hormis le fait qu’ils n’aillent pas à la messe à la même heure, ils boivent et dansent ensemble).
La sphère publique est coupée de la sphère plébéienne ; cette dernière commence à s’exprimer que dans les années 1930.

Epilogue Tropismes américains
Revient à l’idée que la modernité est singulière – ex : l’icône de la République est un homme, chez nous c’est une femme, c’est parce qu’il n’y a pas d’espace pour une autre femme : la Vierge Marie prend toute la place (50% des Mexicains ont la vierge de la Guadalupe tatoué), image écrasante depuis le XVIIe – Philippe III déclare que l’AmLa sera protégée par la Vierge, l’Am est consacrée à la Vierge, armée pour se défendre contre les protestants et la bête de l’apocalypse. 
è Tropisme/Singulière modernité : Mariage secret entre les héros masculins, et la Vierge.

Chapitre 3 Une grammaire politique occidentale ? (Dévoilement)

Fils rouge en AmLa : le républicanisme – un de ses articles, concept du république. Est-ce que les Indiens ont inventé une nouvelle façon de la politique ?

Section 1 Le Républicanisme

On veut proposer à Bolivar de devenir roi en 1829, mais il ne vient pas. « Si vous acceptez de devenir roi constitutionnel (garantir par la France), on vous donne de l’argent, mais à votre mort, deviendra roi de Colombie un prince française (Louis-Philippe) » - les émissaires sont installés à Bogota, les ministres disent oui, tout le monde pense que la République c’est l’anarchie,  mais faut que Bolivar réponde : ECHEC. Plusieurs mois plus tard, Bolivar dit non : je préfère ma gloire, et mon titre de libérateur, à une couronne – je préfère l’idéal républicain.
RQ : il est finalement arrivé à Bogota trois jours avant le départ des émissaires français –entretiens secrets conservés au Quai D’Orsay – Bolivar aurait dit j’ai mis un déguisement républicain, mais en vérité j’aurais voulu aller plus loin que la Constitution de 1826 (celle qui a échoué) – il voulait être Roi Amérique (Empereur des Andes – cf : rêves bolivarien), mais républicain. Il renonce à tout cela parce que la gloire est plus importante, mais aussi il n’arrive plus à lever les impôts, n’a plus d’armées, n’a plus de ressources. A pu gouverner parce qu’il arrivait à confondre sa gloire avec la majesté d’un roi, et tant que Bolivar sera vivant, sa gloire maintiendra sa république debout.
Signification du terme de république ? « Monarchie républicaine », très utilisé fin XIXe, Abbé Mabely : le plus sûr – être un monarque républicain, c’est contradictoire avec l’idée de la représentation. Et Bolivar se trouve du côté des anciens, et de leur liberté.
è Nécessité de réfléchir sur ce que veut dire République (rq : Chavez voulait aussi être un monarque républicain, avec un vernis cubain – monarque à vie).
Beaucoup d’auteurs latino-américains : en AmLa il y a des libertés espagnoles qui sont là depuis longtemps, sont anciennes. Un monde de libertés (au pluriel).
Il y aurait un républicanisme créole dès le XVIIe, presque naturel. Les idéaux anti-absolutistes seraient dans la population depuis très longtemps, venus avec la conquête. L’idée républicaine serait là parce que les libertés communales sont là.
Sociétés frontières où des fronts pionniers – dans ces zones, le respect du droit est très flottant ; dans ces sociétés, les libertés trouveraient une caisse de résonnance particulière, c’est souvent là où éclatent les plus grandes rébellions coloniales.
è Il y aurait une sorte de république naturelle, avec un  héritage des libertés espagnoles (le roi est là parce qu’on le veut bien, s’il est tyran on le renverse) + zones de frontières qui servent de caisse de résonnance.
Fin XVIIIe, moment Lockien, XVIIIe : siècle qui vit des expériences ; et Locke : éloigne l’homme de Dieu, et ce moment Lockien permet de réveiller l’idéal républicain ; Locke écrit au moment de la Glorious Revolution en 1688, et la monarchie devient constitutionnelle habitée par les libertés anglaises. Et Locke écrit dans ce contexte qui ravive l’idée de république, et comme l’Angleterre est imbibée de protestantisme, et on fait déjà le lien entre Dieu et la République.
Skinner, école de Cambridge, spécialiste du XVIe et XVIIe c’est peut-être le monde hispanique qui a inventé la liberté et pas les anglais comme tout le monde pense (Habeas Corpus, Bill of Rights). A l’époque de Cromwell, s’appellent les patriotes et lisent les auteurs espagnols (jésuites), puisque l’Espagne dominait le monde, et que le savoir espagnole était le savoir commun. Est-ce que les anglais, Locke en particulier, ne seraient pas sous l’influence directe d’une pensée des libertés espagnole : un roi est un homme comme les autres, un peuple peut lui donner le pouvoir, mais quand le roi devient tyran il est légitime pour le peuple de le renverser – vox populi vox Dei : jugement de Dieu, si Dieu fait triompher le peuple, c’est qu’il avait raison.
On utilisé ça pour justifier la révolte de Cromwell, on a eu raison de couper la tête du roi.
Est-ce qu’il n’y aurait pas une pensée république d’origine hispanique, très ancienne ? Et est-ce que très paradoxalement les latino-républicains n’étaient pas mieux préparés à la République que l’Europe ?
RQ : l’hispanique c’est l’angle mort de la science politique.

I.                    Les origines monarchiques de la République

L’esprit républicain a toujours habité la monarchie. Le terme de république on le trouve tout le temps au XVIe/XVIIe, et quand on décrit une monarchie on parle de république au sens latin –Res Publica : la chose publique, le gouvernement. La République a toujours été là en tant que corps politique.
En 1737, dans le dico – République veut le dire le gouvernement du public, donc le corps du public, sans considération pour la forme qu’il prendra (aristocratique, monarchique, démocratique).
Pour les gens de l’AR, qui vivent sous la monarchie, la République est un état d’esprit, éthique républicaine même si forme monarchique. Très fidèle au roi, mais a lu Cicéron – un bon républicain. A la fin du XVIIIe en Europe et en Amérique on voit se développer l’ethos  civique, avec les Lumières : il faut augmenter la vertu, et la capacité d’être au service du Bien Commun (devient Intérêt Général) en abandonnant ses égoïsmes à c’est être un bon républicain. Pour l’AR, le Noble doit être complètement au service du bien commun, doit être un miroir de vertu et distribuer la richesse. L’aristocratie déteste la bourgeoisie qui ne cherche qu’à s’enrichir.
République est ancienne sans rentrer en contradiction avec la Monarchie.
Polyde, et Cicéron : monarchie républicaine, mais aussi chez des auteurs du XVIIIe comme Mabely. Il pourrait avoir encore plus de synergie entre monarchie et république. Si on pense que Dieu est tout puissant, il est légitime de laisser au pouvoir un seul homme choisi par Dieu, mais la plèbe doit aussi chercher le bien commun à équilibre entre un parfait gouvernant et un peuple vertueux.

II.                  De l’ethos civique aux formes de gouvernement républicain

Comment passe-t-on de la République comme état d’esprit à une forme de gouvernement ? Les hommes d’AR, fidèles au roi, et républicains – fin XVIIIe, certains disent que ça doit être plus : l’état d’esprit doit devenir souverain : il faut qu’il soit esprit ET forme ; débat pour la meilleure forme républicaine : démocratique ou aristocratique ?
Aux EU, on met en place une république aristocratique, état intermédiaire (dans Aristote, La Politique) ; parce que la démocratie rappelle le Jacobinisme français, et les guerres entres cités grecques.
Quand les latino-américains commencent à se séparer de l’Espagne entre 1809 et 1820, ils se posent la question : on abandonne la rép monarchique – que doit-on devenir : rép aristocratique ou rép démocratique ? Aristocratique : imitation de l’Am du nord, pour éviter la tentation jacobine, mais on n’ose pas mettre le mot de République en avant, sorte de peur. Si l’homme d’AR dit qu’il vit en république, la RF change le sens, et la république est forcément une forme habitée d’un esprit.
Le mot de république crée une timidité chez les latino-américains, les mexicains l’utilisent en 1814, les Argentin qu’en 1826 dans leur constitution alors qu’ils sont indépendants depuis 1811. On s’appelle alors la « patrie » - comme substitue d’un mot qui fait trop peur. Commun avant fin XVIIIe, mais connoté sanguinaire, et jacobisme après la RF/Terreur.
Tunja, 1ière constitution d’Am du S, au nord de Bogota, 1811 : on ose dire que l’on crée une République (réduite à une ville) : qui imite les EU – elle se trouve dans une région de frontière, très distincte de la région de Bogota.
Une fois que l’Am devient indépendante : question de la forme du fédéralisme  - fédéral à la mode de Jefferson avec un vrai fédéralisme où chaque état est indépendant (pensée démocratique); et le modèle de Hamilton et Washington est un fédéralisme très centralisé, Washington DC contrôle bien les Etats (pensée républicaine).
Le modèle française républicain, pour les latino-am est très radical, n’était pas apaisé. On parle plus de Robespierre, que de Mirabeau et Selliès – c’est aussi de notre faute. Bi-centenaire de la RF en 1989 : quelle image allions-nous donner ? Bi-centenaire du 14 juillet 1789, pas plus, on célèbre un symbole, on se bat contre toutes les Bastilles qui existent, le gouvernement français a réduit la RF à l’épisode le plus sage – le reste est un grand bain de sang.

III.                Entre la « république possible » et la « république véritable »

Argentins du XIXe réfléchissent sur l’écart entre la rép possible et la république véritable. Beaucoup de latino-américains ont été déçu de la république de Colombie entre 1819 et 1829 – parce que nobiliaire (comme en Pologne du XVIIIe), càd des chefs de guerre qui s’arrogent tous les pouvoirs, et dominent tout le corps social. Mais alors quelles seraient les expériences républicaines de l’AmLa ? Celle de Rosa, Argentin en 1830, devient le prototype du dictateur latino-américain, donc encore pire que celle de Bolivar.
Docteur Francia, Paraguay, 1812, Francia prend le pouvoir et se prend pour Robespierre, installe le Jacobinisme le plus pur, et ferme le Paraguay – personne ne sait vraiment ce qui s’est passé pendant cette dictature, fait fusiller un tiers du pays. Sorte d’utopie plébéienne pendant des années. Il y a 30ans, le PCF s’est passionné pour cette période.
Brésil, Jean VI préfère sa colonie à la métropole, et déclare l’indépendance du Brésil lui-même. Son fils, Pierre Ier crée un empire au Brésil, maintenu par son fils Pierre II. Echappe à l’idéal républicain à pas de question sur le fédéralisme, et donc maintien son territoire. Pourquoi devenu une république ? En une matinée est devenu une République, maréchal Deodoro a crié vive la République, et Pierre II s’est en allé. Proclamation de l’indépendance, zéro mort, proclamation de la République, zéro mort. Devient Républicain, parce qu’il est aussi allé à l’expo universelle de Paris 1889, alors qu’il était un Empire et que normalement seule les républiques étaient inventé à c’est à ce moment-là que les brésiliens envisagent sérieusement de devenir une république.

Conclusion : ceux qui vénère la Rép et vivent en monarchie, deviennent Rép en forme et en esprit : dans les années 1830-40 : la forme est restée, mais l’esprit est parti ; plébiscites latino : l’ethos républicain a disparu. Effet pervers de la forme républicaine : pouvait être président que 4 ans, sans réélection possible à 4-5 ans pour s’enrichir, après je ne peux plus. L’esprit républicain était alors plus vivace sous la monarchie.
Ces auteurs n’auront d’yeux que  pour l’Europe, où il y a encore de la vertu. Pessimisme : elle ne croit pas en elle, pas d’estime de soi ; parce que depuis le XIXe on dit à l’AmLa qu’elle n’est pas capable d’être vertu.
è C’est de la pseudo-mormophose : une forme reste en place mais que la substance a chanté.

è Populisme en AmLa aujourd’hui : gens qui pensent que la vertu se trouve au-delà de la sphère publique, elle se trouve dans la sphère plébéienne. L’oligarchie n’est pas vertueuse, c’est elle qui a vidé de sens la république ; il faut retrouver la vertu en bas, chez les gens qui ont une vie simple (utopie de la gauche américaine). 

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