Tocqueville himself.
La
démocratie selon Tocqueville
Longtemps
sous-estimé, Alexis de Tocqueville
publie son ouvrage en 1835 et étudie
spécifiquement le cas de la démocratie américaine car la France d’alors regarde
avec intérêt cette démocratie, qu’elle tente plus ou moins d’imiter. Le premier
volume a connu un certain succès, le second
passera inaperçu. Il publiera de manière posthume un ouvrage comparatiste entre
les deux cotés de l’Atlantique. Après la mort de Tocqueville, son œuvre est regardée
de manière assez distante car lui est un
homme sortie de l’aristocratie légitimiste mais qui reconnaît la puissance
démocratique. Il fait donc face à
une méfiance aigüe des courants conservateurs et des courants socialistes.
D’autant plus de méfiance de la part des Socialistes du fait de son origine
sociale. La démocratie qui se définit par un renouvellement constant entre la
pratique démocratique et sa théorie. C’est un peu le contraire de Karl Marx.
Le
succès de l’œuvre de Tocqueville vient de la manière dont il introduit une
nouvelle approche de la démocratie. Tocqueville a fait l’objet d’un
réinvestissement avec Raymond
Aron qui écrit Les étapes de la
pensée sociologique, où Tocqueville devient un élément essentiel dans
l’établissement de la science sociologique. Il théorise effectivement
l’expérience américaine, puis se questionne sur les particularités de l’homme
démocratique avant de finir sur ???. Pour
Tocqueville, le régime démocratique est un mouvement inéluctable mais qui
comporte des risques, l’un est inhérent à la démocratie, le second est d’ordre géopolitique.
Lors
de son voyage aux USA en 1831 avec son ami Gustave de Beaumont (un conservateur), Tocqueville
doit étudier le système pénitentiaire américain pour établir une comparaison
avec la France. Il en profite aussi pour échapper à un régime politique français
qu’il n’apprécie pas. Il va considérer
la démocratie comme un fait social total dont les conséquences sont diffusées
dans toute la société. On a alors là, une approche de la démocratie
libérale différente de la problématique classique. En effet, Tocqueville veut comprendre les tendances
de la démocratie en elle-même sans se référer aux tendances politiques
qu’elle provoque pour un régime monarchique ou aristocratique. Dans son premier
livre il déclare vouloir rendre compte de ce fait « fait providentiel », un « fait générateur dont chaque fait particulier semble descendre ».
Séduit
par un système mi-fédéral, mi-national, Tocqueville cherche une réponse pour
savoir comment réaliser une institution politique pour ??? tout en évitant
les maux d’une situation centralisatrice caractéristique de la
France ? » (à vérifier). Inspiré
par The Federalist,
Tocqueville espère que la situation américaine va permettre de réaliser un
gouvernement républicain à l’échelle d’un grand pays. Pour lui, ce projet
est réalisable puisque cela tient d’un fait absent des républiques anciennes.
En effet, à défaut de se réunir sur l’agora, les nouveaux citoyens s’appuient
sur des vertus venant de la sphère privée (commerce, échanges, …). On a un nouveau type de démocratie, très
éloigné de la démocratie antique ou ancienne. L’égalité des conditions n’est
pas étrangère à tout cela, en effet, elle est au cœur des relations humaines et
donc du système politique. D’autre
part, des traits de la politique américaine proviennent des circonstances
particulières que connaît le pays.
Il analyse alors
l’omnipotence de la majorité de la démocratie, un risque démocratique où le gouvernement reçoit une
force irrésistible puisque tout son pouvoir vient de la société et donc de la
majorité. La tyrannie de la majorité à
selon Tocqueville des racines plus profonde que le système politique. Le
ressort le plus profond du pouvoir de la majorité aux USA c’est la puissance de
l’opinion. Les corps intermédiaires entre la hiérarchie et les individus ayant
disparus, il n’y a plus de distance entre l’individu et la société : l’individu
est directement engagé dans la société. Les
dangers de la démocratie américaine ne viennent pas des restes de l’Ancien
Régime, mais sont bien inhérents à la démocratie elle-même et à l’égalité des
conditions. L’égalisation des conditions détruit les liens anciens de
protection et de dépendance des milieux aristocratiques. L’égalité, base de la
démocratie, ne peut alors pas faire appel à des modes de régulation. Il faut
donc potentiellement trouver des procédures pour créer du lien social entre les
hommes sans contredire le principe d’égalité. Il faut dans l’idéal trouver un remplaçant aux anciens systèmes de
dépendance. Ces contrepoids au pouvoir de la majorité sont le pouvoir
judiciaire, l’institution du jury, la presse, … Autant d’instruments, créés par des individus libres et devant canaliser
l’énergie démocratique. En outre, cela favorise la participation à la vie
publique.
Si les USA sont
bien un modèle démocratique, les Américains ne sont pas pour autant des êtres
de la démocratie. En effet, deux autres peuples sont entrés en conflit avec les
Américains : les Indiens et les Noirs.
Dans
un chapitre sur les races (bien que Tocqueville soit peu d’accord avec les théories
raciales de Gobineau,
le terme « race » est à l’époque très usité), il démontre que l’expansion de l’Union a conduit à un
déracinement violent des Indiens, les poussant à une disparition quasi-totale.
Du point de vue américain, les rapports avec les Indiens étaient du domaine des
relations internationales. Les Indiens n’étaient pas compris dans la société
démocratique sauf qui furent convertis mais ils étaient rares. La supériorité
technique des Blancs et la forte incompatibilité entre sociétés indiennes et société
américaine les a conduit à la disparition des Indiens.
Les Noirs pour leur
part, représentent l’extrême inégalité qui domine dans une société qui
revendique pourtant l’égalité.
Première conséquence perverse de cette population amenée dans la société
américaine par le maintien de l’esclavage, c’est que cela va faire une
discrimination visible entre les populations. Il anticipe alors les évènements
en considérant que l’affranchissement des Noirs sera plus dur que l’affranchissement
antique. De plus l’égalitarisme a pour effet paradoxal de renforcer la volonté
des Blancs les plus pauvres à se différencier des esclaves Noirs. On voit donc
bien comment la démocratie ne possède pas intrinsèquement le développement du
racisme, mais que cela relève bien de conditions de développement propres aux
USA.
L’autre problème
lié à l’esclavage, c’est la construction d’un ordre très particulier dans les États
du Nord et les États du Sud.
C’est là une autre menace assez grande pour l’Union, l’opposition entre la
société du Nord et celle du Sud. Cette opposition prendra corps lors de la Civil War.
Tocqueville
souligne de manière originale qu’avec les notions de liberté et d’égalité, la
démocratie développe un dynamisme social qui fait du statut des individus un
statut révisable,
où le maître et son serviteur peuvent évoluer socialement. Cette « égalité
imaginaire » par ses effets est plus importante que les inégalités réelles
qui demeurent dans la société démocratique mais qui sont différentes des autres
régimes. Ce rapport entre égalité
imaginaire et inégalités réelles développe donc une incertitude dans les
rapports sociaux.
Tocqueville va comprendre
que la société démocratique peut créer des rapports de pouvoir sur ses propres
principes. Les
libéraux trouvent impossible de limiter la revendication égalitaire à l’égalité
des droits, il faut une égalité sociale et cognitive en plus. Mais pour Tocqueville,
il demeure un écart permanent entre les principes et la réalité de ce régime.
Le second volume de
De la démocratie en Amérique
explore systématiquement la tension entre cette « égalité
imaginaire » et les inégalités réelles. En effet, la démocratie imprègne le monde
intellectuel, modifie les sentiments des Américains et changent leurs mœurs.
L’esprit démocratique a introduit l’importance des causes générales. Toutes
libertés à l’action supprime le regard sur la conjoncture et ???.
L’approche
de Tocqueville fait qu’il discerne un risque important dans l’égalitarisme
politique sans pour autant en faire un obstacle inévitable ou insurmontable.
L’égalisation sous un pouvoir tutélaire peut parfois aboutir à ??? par
privatisation des intérêts et plus généralement, tout ce qui permet de
surveiller la production des lois qui peuvent encadrer voir supprimer ???.
Dans
son ouvrage L’Ancien Régime et la
Révolution, Tocqueville insère une critique du despotisme et de
l’esprit révolutionnaire qui sont parfois à l’encontre de la démocratie.
Tocqueville possède deux thèses pessimistes.
La première est
qu’en France on trouve une continuité entre France d’Ancien Régime et nouvelle
France. La Révolution parachève pour lui la centralisation et le nivellement
social développés par la monarchie absolue. Développés par les adversaires de la Révolution qui
disaient ainsi que cette Révolution n’apportait rien, l’idée est donc reprise
par Tocqueville. Les institutions nées de la Révolution ont quand même des
spécificités. L’Ancien Régime avait une règlementation minutieuse, rigide et
peu applicable concrètement. La Révolution apporte un progrès puisque
l’exécution des lois devient plus efficace. Cependant, la Révolution a conservé
des dispositifs anciens fortement antilibéraux, donc un potentiel despotisme
administratif. La Révolution Française a donc tout de même détruit tout ce qui
se rattachait aux institutions féodales.
Autre point, la Révolution
est quelque chose d’assez étrange puisqu’elle articule deux traits qui peuvent
s’opposer, son radicalisme sans précédent, tout en étant incapable de
stabiliser un corps politique.
Dés le second régime, l’universalité est inscrit dans les textes français quand
les USA soulignaient les traits faisant de la Révolution américaine un cas
spécifiquement américain sous bien des points. L’abstraction revendiquée par
l’opinion publique éclairée vient de ce que les intellectuels du XVIII° siècle n’avaient eu aucune expérience
politique. De plus, les privilèges de la noblesse qui demeuraient depuis des
siècles reposaient sur du vent depuis Louis XIV,
ils n’avaient plus de réalité tangible. De ce fait, ces privilèges deviennent
intolérables pour la bourgeoisie montante. A cela s’ajoute le fait que le plus
souvent, les Révolutions naissent quand la situation économique s’améliore,
mais pas la situation des libertés. Certains sociologues parlent de ce
phénomène comme la « loi de Tocqueville ».
L’originalité mais
aussi le risque de la Révolution Française, c’est l’esprit révolutionnaire qui
peut parfois prendre le dessus sur l’esprit démocratique.
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