Sociologie politique de l'Europe du Sud 10 - 12 (cours 8, fin)



L’avenir de l’Europe du Sud


I.                   Le court terme de la décennie 2010

1.      Une période de stagnation pour l’Europe du Sud

Ce terme de stagnation semble parfois critique mais est bien moins lourd de sens que lorsqu’on parle de « crise », d’ « effondrement », … Ce d’autant plus que la situation économique n’est plus si mauvaise que ça. Le terme de stagnation est donc plus approprié.

On constate donc une stabilisation économique. Il est vrai qu’on ne connait pas de véritable essor économique comme d’autres régions du monde, mais pour autant nous ne sommes pas tant en crise que cela.
La stabilisation de l’État est aussi en cours avec des États d’Europe du Sud fragiles mais pas défaillant ou somalisé. Un cas d’école d’affaiblissement rapide de l’État serait la Centrafrique en 2013. Cette question de l’État fragile peut s’appliquer un peu partout (comme en Argentine).
Plus positif, on constate un maintien du cadre européen. En dépit des critiques, l’UE est parvenue à maintenir tous les pays en son sein et cela en dépit des secousses qui ont eu lieu. Personne n’a quitté l’UE ou même l’euro quand bien même on s’est retrouvé dans des situations très délicates (comme la Grèce à une certaine époque). De plus, cette attitude devrait stabiliser les États pour encore un certain temps. Ce n’est peut être pas glorieux pour l’Europe du Sud, mais cela demeure ???
Autre question, celle des migrations. Les pays d’Europe du Sud sont des pays d’émigration de la population locale, tout en recevant des immigrés venus de pays du Sud, qu’ils s’installent dans le pays, ou qu’ils fassent de ce pays un pays de transition. Ce sujet est assez particulier et plus ou moins récent.

2.      Panorama

La Grèce a longtemps été menacée de sortir de l’euro, comme nous l’annonçait de nombreux observateurs. On pensait aussi que le pays tomberait aux mains des néonazis. Finalement rien de tout cela n’est arrivé mais il faut reconnaître qu’on a un peu avancé dans ce sens. Il est donc évident qu’il faudra encore plusieurs années pour stabiliser la Grèce et reconstruire l’État. Il faudra aussi relancer l’économie grecque ainsi que réduire l’influence de ces partis néonazis. Ainsi, on va peut être voir prochainement un parti de gauche arriver au pouvoir en Grèce. Cela stabilisera-t-il le pays ou relancera-t-il des contestations, rien n’est clair mais il semble que la stabilisation soit plutôt l’ordre du jour.

L’Italie aussi semble avoir un avenir plus clair. En effet, on quitte l’ère politique de Silvio Berlusconi. Alors certes, il s’agit dans l’immédiat d’une crise politique, avec un éclatement de la droite italienne en 4 partis en 2013 et une réorganisation de tous les acteurs. Cependant le pays est dirigé plutôt correctement avec une alternance entre centre-gauche et centre-droit depuis quelques années. Plus flou qu’en Grèce, on sent cependant une potentielle stabilisation politique à moyen terme notamment du fait que la nouvelle élite politique (de droite comme de gauche) souhaite stabiliser l’État. Sous l’influence de Berlusconi, on avait un parti en conflit perpétuel avec l’État (justice, législatif, …). Cette élite politique adversaire de l’État demeure encore un peu comme avec Beppe Grillo.

L’Espagne qui a été très déstabilisée par la crise de l’euro est en cours de reconstruction économique. L’État est toujours affaibli mais cela l’amène a traité de front sa constitution et son rapport entre État central et autonomie des régions. L’État central ne veut plus être affaibli mais certaines régions veulent plus d’autonomie, notamment la Catalogne. La discussion est tendue mais ouverte. Il reste peu probable que la Catalogne devienne autonome et il semble plus certain que l’État central se solidifie. La stabilisation actuelle semble être positive mais on ne sait jamais.

Pour le Portugal, même problème, la relative fragilité de l’État. Ceci dit, le pays ne va pas éclater en différentes régions, c’est encore un État centralisé donc d’une certaine stabilité. Le problème principal à trois facettes : un problème économique notamment au Nord du Portugal, l’émigration forte des jeunes Portugais diplômés au Brésil et en Angola, et enfin une instabilité politique forte avec des leaders politiques qui alternent très rapidement.

Le cas de Chypre enfin est un des États les plus affaiblis par la crise européenne et pourtant c’est un de ceux dont on parle le moins. L’aide économique européenne fut considérable pour la population (18 milliards pour un million d’habitants). En plus de cela, depuis 2011, le pays est sous la tutelle du l’UE de même que son économie est sous la perfusion de la BCE. Tout cela est complété par la situation géopolitique très problématique de Chypre. Troubles économiques, politiques et géopolitiques, on peut croire que ce n’est que dans les prochaines décennies que ces problèmes seront résolus.


II.                Le long-terme : décennie 2020 - 2030

1.      Les perspectives régionales

Première perspective régionale, la Méditerranée su Sud qui n’a pas d’organisation régionale efficace. On a eu l’Union Pour la Méditerranée (UPM) en 2008, qui s’est suivie d’une crise des États du Sud puis des Révolutions Arabes. Le projet demeure donc enterré pour le moment mais reviendra peut être plus tard. En attendant, il faut régler des problèmes comme l’éclatement de la Libye, la guerre en Syrie ou l’instabilité en Égypte et en Tunisie.

Deuxième question importante, celle de l’environnement et du réchauffement climatique qui menace les pays d’Europe du Sud. Ainsi, ces pays se retrouvent de plus en plus soumis à un stress hydrique. La question de l’eau est donc un souci d’inquiétude pour ses pays avec les risques de sécheresses et d’aridité.

Troisième question de long terme, les grands flux migratoires Sud – Nord qui existent toujours. A l’échelle mondiale, ces flux sont ridicules, cependant pour les pays concernés cela est un problème majeur menant parfois à de graves affrontements entre communautés comme en Grèce ou en Italie. Ce phénomène se double d’une immigration de transit ou d’installation, compliquées par les territoires particuliers (îles grecques, Malte, Lampedusa, Gibraltar, Iles Canaries, …).

2.      Etude de cas

Dans le cas de la Turquie, on peut reprendre ces trois enjeux. La Turquie est dans une zone de pays un peu déstabilisés mais sa stabilité participe à celle de la région avec la population la plus élevée de la Méditerranée avec l’Égypte. Une coopération euro-méditerranéenne ne peut se faire qu’autour de la géopolitique turque. Sur le plan technique ou environnemental, la Turquie n’est pas en pointe. Pour l’enjeu démographique, la Turquie est centrale. On y trouve des migrants subsahariens mais aussi arabes et plus récemment, des réfugiés syriens.

Pour la Grèce, la stabilisation ne se fera qu’à long-terme et sa place dans la coopération euro-méditerranéenne sera importante. Pour l’aspect environnemental en revanche, le pays repassera. Enfin la question migratoire est difficile avec des bidonvilles de réfugiés, des camps assez glauques et la construction d’un mur à la frontière turque.

L’Italie, comme l’Égypte et la Turquie, devrait être un membre important dans une coopération euro-méditerranéenne. Sur les questions environnementales et migratoires, le pays n’en fait pourtant pas des priorités. Sur le cas de Lampeduza, l’Italie a fait appel à l’UE pour venir l’aider.

L’Espagne a aussi sa place dans un fonctionnement euro-méditerranéen de par sa place dans cet espace, de par son passage entre l’Afrique et l’Europe, de par ses colonies en Afrique, de par ses territoires dispatchés (îles Canaries). Le pays est donc dans une zone problématique mais demeure une clé de cet espace euro-méditerranéen quand les autres questions urgentes auront été réglées. Les migrations sont un enjeu important pour ce pays avec une pluralité de migrations qui existent dans ce pays (de tourisme, de transit, d’installation, …).

Le Portugal pour ses grandes perspectives lointaines reste un État en retrait géopolitiquement notamment pour la question euro-méditerranéenne, et se centre davantage sur ses liens avec ses anciennes colonies. Les politiques publiques envers l’environnement existent mais restent assez faibles (la preuve en est, la mauvaise gestion des incendies de forêts chaque été). Enfin à propos de la migration, on a aussi un enjeu classique avec émigration portugaise vers l’Angola et le Brésil quand traditionnellement, c’était l’inverse.


L’enjeu des décennies suivantes seront donc la consolidation interne des États d’Europe du Sud puis dans un cadre externe, une géopolitique plus vaste tourné vers la Méditerranée, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. L’État est donc une question interne mais aussi externe.

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