Sociologie politique de l'Europe du Sud 19 - 11 (cours 6)





 Le Musée des Civilisations Méditerranéennes, à Marseille.




La France Méditerranéenne : entre normalisation et autonomisation


Cette zone comporte quatre régions françaises le Languedoc Roussillon (chef lieu, Montpellier), la région Provence Alpes Côtes d’Azur (dite région PACA, chef lieu Marseille), la Corse (chef lieu Ajaccio) et Monaco. C’est un espace très tourné vers la Méditerranée avec un héritage colonial et méditerranéen qui pèse beaucoup. C’est aussi un espace fait d’entreprises politiques très autonomes ce qui en fait un enjeu important lors des prochaines élections municipales et européennes. La forte médiatisation de cet espace en fait donc une zone très particulière de l’État français.


I.                   La différenciation politique

1.      Une « sous-région » divisée

Historiquement, on avait des départements classifiés comme étant « du Sud » ou « du Midi » mais ils n’avaient pas de véritable existence administrative. C’était un territoire tourné vers la Méditerranée et les colonies. En 1956, on donne une existence à ces régions sur le papier, avec la création de la région PACAC (le dernier C représente la Corse) ou Languedoc-Roussillon. Le nom même de ces espaces montre à quel point cette construction est artificielle (à l’inverse de l’Aquitaine ou de la Bretagne). Notons qu’au début, la Corse ne formait qu’un seul département (numéro 20) compris dans la région PACAC.

En 1962, deuxième évènement important pour cet espace, la décolonisation. En effet, les rapatriés des anciennes colonies françaises se réfugient au plus proche et viennent s’installer dans cet espace. La France Méditerranéenne devient donc le pôle principal d’immigration en Europe. C’est ainsi que Marseille devient une ville cosmopolite avec des grandes communautés.

En 1972, les régions ont de véritables droits administratifs.
En 1975, la Corse est scindée. Non seulement la Corse devient une région à part et quitte la région PACA, mais en plus, deux départements sont créés Haute-Corse (2a) et Corse du Sud (2b).

En 1982, la période de décentralisation fait de la Corse un lieu d’observation. On applique des lois à la Corse et en fonction des résultats, on généralise le système ou non. On y teste le droit électoral entre autres.
En 1986, les tests effectués en Corse sont mis en place dans le reste de la France. La région PACA et le Languedoc-Roussillon ont donc les mêmes prérogatives que la Corse. Immédiatement le Front National (FN), le Rassemblement Pour la République (RPR) et l’Union pour la Démocratie Française (UDF) mettent en place des coalitions pour diriger cet espace. Aujourd’hui encore, la question d’une droite très conservatrice dans le Sud de la France demeure active.

En 1992, cette sous-région est divisée mais se normalise sur le plan politique. En effet, avec des élections qui ont amenées des alternances, on voit la fin des coalitions avec le FN. On a aussi un éloignement de la Corse qui s’amorce  avec quelques points légaux qui font de la Corse une zone d’outre-mer. Cela se confirmera en 2010, avec l’élection au conseil régional d’autonomistes corses qui ont voté, en 2013, la cooffficialité de la langue corse et française.






2.      Le cas de Monaco

Que faire de l’État de Monaco ? C’est un État très petit sur le papier, la preuve en est qu’ils construisent sur la mer. La côte ne fait que 3 km de long, mais si l’on comprend l’espace maritime, on a du Nord au Sud 88km. C’est un espace très cher et très riche. Monaco s’est développé au XIX° siècle dans un traité avec la France qui lui a donné son indépendance. C’est un État relativement démocratique avec sa propre constitution. Monaco est à l’ONU, au Conseil de l’Europe, signe que c’est un État reconnu internationalement. Et pourtant sur d’autres plans c’est étrange, par exemple, Monaco fut champion de France au football.
Donc à la fois très intégré dans le fonctionnement français, Monaco reste un État indépendant avec une religion d’État, une royauté constitutionnelle et un système fiscal très particulier. L’évasion fiscale de Monaco est très connue mais peu en France car ce système fiscal est interdit aux Français.

3.      Les spécificités des territoires de la France du Sud

Cette sous-région assez divisée ???. Première hypothèse, l’État français serait-il plus faible dans cet espace ? On peut supposer que oui. L’État français est plus poreux et plus remis en question dans son espace méditerranéen. Ainsi, on constate qu’il a des difficultés à intervenir contre la pègre marseillaise. Peut être que cela demande du temps, mais pour le moment, l’État a du mal à y intervenir. Ainsi les travaux locaux doivent être acceptés par des organisations criminelles moyennant des rémunérations. On peut noter la faiblesse du système sécuritaire de l’État aussi qui a du mal à appréhender lesdits criminels.
La nuance peut être apportée si on considère que tous les évènements journalistiques se limitent à Marseille, pas particulièrement à la région. On a donc une normalisation régionale avec une exception marseillaise. On peut rajouter un second bémol, la criminalité dans les Alpes maritimes qui se fait pourtant avec très peu de violence (blanchiment d’argent sale, …).

Autre spécificité, la Corse, une région qui s’autonomise progressivement. Le rapport avec l’État est d’ailleurs très difficile depuis que les nationalistes corses ont pris un tiers des sièges du conseil régional. Historiquement, la France est l’État colonial et on a vu émerger le Front de Libération National Corse (FLNC, en référence au FLN d’Algérie). Il y avait aussi un terrorisme corse tourné contre les « continentaux », habitants de la France métropolitaine, mais aussi contre les institutions françaises (commissariat, palais de justice, …). Enfin, il y a une autonomisation de la culture corse qui en fait un espace social plus différencié que le reste de la France. D’ailleurs on a quelques clans familiaux qui dominent en Corse et l’État est parfois instrumentalisé, parfois il doit négocier avec eux.

Pour le Languedoc-Roussillon, on a une particularité inverse, c’est une des régions les plus dépendantes de l’État en termes d’emplois publics, de financements, de redistribution, … Cet espace a été complètement aménagée par l’État en 1955, on en a fait une zone balnéaire pour les classes populaires (type la Grande Motte). On a donc une spécificité aussi de cette région.

Deuxième ensemble de spécificité, celle des élites politiques. On a tendance a souvent se demander dans ses régions ce que fait l’État. On a donc des élites politiques plutôt « traditionnelles », plutôt issues de la notabilité, blanches, catholiques, masculines, … Alors même que les populations locales sont très diversifiées. Monaco est encore plus particulière du fait que c’est un micro-État monarchique. Pour la région PACA et Languedoc-Roussillon, les élites sont assez traditionnelles quand la population est diversifiées (Italiens en région PACA ; Marocains en Corse ; pieds-noirs et maghrébins à Nice, Montpellier, Perpignan, Marseille ; Gitans à Perpignan, Arméniens à Marseille). On a la dimension très traditionnelle de certaines élites comme Jean-Claude Gaudin, tout en ayant de nouvelles élites très diversifiées venues des immigrés, tout en se confrontant aux élites du Front National.




II.                Le champ politique

1.      Des leaderships « atypiques »

C’est notamment le cas avec le Languedoc-Roussillon dont on connaît les grands noms : Jacques Blanc et Georges Frêche. Le premier a fait deux coalitions avec le FN. Le second qualifié de populiste avec un clientélisme affiché et revendiqué, a eu des propos véhéments contre l’État français, où ses propos racistes (sur les Noirs en équipe de France, les Harkis, …). Du coup, les élections de 2010, il a du les faire seul car aucun parti ne le soutenait. En dépit de cela, il a gagné assez largement ces élections régionales. Son succès tient à sa politique de construction très visible entre autres.

En Corse, on trouve deux présidents, celui du Conseil exécutif de Corse et celui de l’assemblée. Cette bicéphalie permet d’éviter un leadership d’un seul individu.

Auparavant, on a longtemps eu des chefs de clans qui tenaient des mairies, des régions, … Dorénavant, cela devient assez rare et c’est donc notable.

2.      La normalisation ?

Le cadre de la région PACA illustre cette normalisation. Ainsi Nice, a longtemps été gouverné par la famille Médecin entre 1928 et 1991, de tendance extrême-droite. En 1991, le fils Médecin est parti en Uruguay suite à une grosse affaire de corruption. En 1995, après avoir quitté le FN, Jacques Peyrat passe et devient maire de Nice jusqu’en 2000. En 2008, c’est une alternance classique qui a lieu avec l’élection de Christian Estrosi. La vie politique a donc été très particulière.

Autre exemple, le cas de Marseille, avec Gaston Defferre qui a dirigé une mairie droite-gauche avec des soutiens plus ou moins douteux de 1953 à 1986. On a ensuite eu des mandats courts et très instables, puis cela s’est stabilisé avec Jean-Claude Gaudin pour trois mandats et un potentiel quatrième mandat. On a donc eu une alternance à peu près stable depuis 1986.

Troisième exemple, les élections des Bouches-du-Rhône, dirigées par Jean-Noël Guérini depuis 1998, un homme politique très controversé mais en place depuis peu de temps. Controversé dans son propre Parti (le PS), il est mis en examen dans plusieurs affaires, ce qui semble le plomber pour les prochaines élections.

Dernier exemple reflétant la normalisation de la vie politique, c’est la Côte d’Azur. Ce département est tenu entièrement par l’UMP de Menton à Cannes. On a toujours quelques petites particularités avec des candidats qui se tirent dans les jambes, comme à Cannes. Mais on constate une normalisation de l’extrême-droite vers une droite UMP plus classique.

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