Europe du Sud et l'effet domino.
Les
mutations de l’Europe contemporaine
La
crise européenne de 2008 a rendu plus nette
l’affaiblissement des États du Sud, d’autres pensent que cette crise a accentué
les autres crises au sein de ces pays.
I.
L’Europe du Sud, un
« bloc géopolitique » ?
1.
La question de la « faiblesse » de l’État
Plus faible que
dans les autres parties de l’Europe, les États d’Europe du Sud sont soit
post-autoritaires, soit fragiles et poreux. On est loin d’États somalisés, mais ils sont
relativement affaiblis. Si l’État est faible, c’est aussi parce qu’il y a une
forme de clientélisme avec des groupes qui payent l’État ou un État qui paye
d’autres élites pour se maintenir. L’hypothèse de l’Europe du Sud, est que ces
pays seraient un peu plus clientélistes qu’en Europe du Nord.
La
religion en apparence ne joue pas puisqu’on a des pays catholiques, d’autres
protestants et d’autres encore musulmans. Les thèses affirmant le contraire
sont largement dépassées aujourd’hui.
2.
Une normalisation et une autonomisation : la crise
européenne contemporaine
D’un point de vue
purement historique, on constate qu’il y a une normalisation du système
étatique sur le long terme,
notamment le Sud de la France. La seule vraie différence de l’Europe du Sud,
c’est que ce sont les pays qui sont le plus plongés dans une crise économique
(à l’exception notable de l’Irlande).
Avec la crise de 2008 venue des USA, la Grèce est la principale
concernée. En novembre 2009, le gouvernement socialiste
nouvellement élu décide de révéler l’ampleur du déficit grec, non pas 6% de déficit
comme annoncé mais 12,7%. Le choc provoqué entraîne donc la crise grecque. Plus
intéressant est le fait que la réalité de cette dette fut longtemps cachée,
signe que les élites contrôlent mal ou cachent la vérité. L’État grec est donc
devenu très rapidement un État faible. L’Union Européenne (UE) avec l’aide du Fond
Monétaire International (FMI) et de la Banque Centrale Européenne (BCE),
organise des plans de restructuration économique pour limiter les dégâts grecs.
Or bien vite, on réalise que ce n’est pas une cure grecque qui va vraiment
renforcer l’État, qu’au contraire, les plans d’austérité pour percevoir des
taxes ne sont pas assurés par les fonctionnaires et cela affaiblit de nouveau
ces États. Bien évidemment le cas grec
se révèle se répéter ailleurs en Europe. De plus, il n’y a pas de solution à
court terme pour solidifier l’État.
Les dettes se
multiplient : Portugal, Espagne, Italie, Chypre, … Pourtant la dette portugaise est
du même niveau que la dette française, seulement ce pays a du mal à lever ses
propres impôts. Les Mécanismes Européens de Stabilité Financière de 2010 sont donc à destination de l’Europe du Sud,
idem pour le Pacte Budgétaire Européen de 2012.
En dépit de ces mesures, la dette grecque continue de grimper. Preuve qu’il est
difficile de transformer un État de manière profonde.
Relativement faible
et décentralisé comme l’Espagne, ces crises sapent aussi les systèmes
alternatifs de soutien.
Ainsi en Espagne, si l’État ne peut assurer l’aide, c’est au
« matelas » (économie familiale et informelle) d’assurer l’alternative.
Or un État qui se solidifie veut contrôler ce domaine détruisant un système
économique de secours. Les États ont du mal à assurer ces politiques, du coup
on voit une hausse des forces conservatrices hostiles à l’UE qui se double
d’une scission entre une Europe du Nord et une Europe du Sud.
Le cercle vicieux
de la dette se révélant difficile à quitter, l’UE tend maintenant à
restructurer les dettes, soit les annuler, pour mieux faire repartir les États.
Plus généralement, cela remet en cause l’Europe comme un État puisqu’on a des parties de
l’Europe en faillite, d’autres non, qu’on a du mal à choisir son orientation, …
En revanche depuis un an, la situation tend à se stabiliser, notamment depuis
l’intervention de la BCE. Cela révèle
qu’on a une UE peu influente politiquement excepté sous l’aspect économique
avec cette BCE qui agit par elle-même. D’ailleurs la nomination de Mario Draghi à la tête de la BCE (après Jean-Claude Trichet), a révélé que les pays
d’Europe du Sud, comptaient comme quantité négligeable dans l’UE. L’effet domino
a été stoppé, les États douteux sont contenus à l’Europe du Sud. Il y a donc eu
une solution externe à cette crise économique. Première variable d’ajustement, une cause externe. Seconde variable
d’ajustement, l’immigration. Si l’État n’arrive pas à s’autorenforcer,
alors seule l’immigration est possible. On voit donc les Espagnols et les
Portugais émigrer en Allemagne, … De zone d’immigration, l’Europe du Sud est
redevenue une zone d’émigration des élites et des plus diplômés notamment.
Cette émigration est aussi un aveu de faiblesse de l’État qui ne parvient pas à
employer sa main d’œuvre, ne peut contrôler ses propres flux, … Après cette émigration
est plus restreinte qu’il y a longtemps. De plus, dans le cas du Portugal, on
voit une émigration des diplômés portugais vers l’Angola et le Brésil. D’une
part, on a du pétrole et de l’autre, on a un État en plein essor.
II.
Les spécificités de
l’Europe du Sud
1.
Le maintien des particularités « méditerranéennes »
Dans plusieurs cas,
en Grèce ou en Turquie, les armées restent des organisations contrôlées par l’État.
La variable religieuse ne semble pas jouer tant que ça, même si la religion prend
parfois le dessus sur la politique dans certains cas (Turquie islamiste, Grèce
orthodoxe, …). Troisième particularité,
un certain conservatisme social plus important en Europe du Sud qu’en
Europe du Nord (la décohabitation, taux de nuptialité, …). La faiblesse de l’État
renforçant le conservatisme social en faisant par exemple de la famille une
institution importante.
2.
Des sociétés d’Europe du Sud en tension
Comme l’État est
faible structurellement, il est peu en capacité de réguler les conflits sociaux
qui vont alors se régler par des économies parallèles (famille, marché noir, …).
Les flux
migratoires reviennent en force dans ces pays. On a donc une émigration de
jeunes qui cherche à s’expatrier, doublée d’un phénomène d’immigration de
jeunes diplômés des Pays du Sud qui tentent leur chance dans ces pays.
Troisième élément,
le contexte géopolitique après la longue crise européenne s’est compliqué avec
les Révolutions arabes.
En effet, les pays d’Europe du Sud sont au premier plan lors de ces Révolutions
et y sont donc confrontés. La déstabilisation de la Méditerranée Sud a
indirectement touché la Méditerranée Nord, d’où leur silence quant aux
instabilités dans ces régions, l’histoire et les tensions étant nombreux.
Quatrième élément,
la question environnementale,
épée de Damoclès qui pèse sur les pays d’Europe du Sud avec notamment la
question du réchauffement climatique qui concernerait d’abord ces pays arides
ou semi-arides. Cela toucherait évidemment aussi le domaine de l’eau, ces pays
étant déjà plus ou moins en manque d’eau, il va leur falloir s’organiser
autrement s’ils veulent conserver leur politique agricole. Autre dimension environnementale, la question énergétique puisque
ces pays sont très dépendants des énergies étrangères (hydrocarbures,
nucléaire, …). Mais ils sont en général assez en retard sur ces questions. Ces politiques
demandent cependant des États stables, solides et forts qui peuvent trouver des
ingénieurs, des diplômés disponibles, …
Les
mutations de l’Europe du Sud sont certaines mais ne prouvent pas encore que les
problèmes actuels sont réglés.
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