Sociologie politique de l'Europe du Sud 26 - 11 (cours 7)



Europe du Sud et l'effet domino.




Les mutations de l’Europe contemporaine


La crise européenne de 2008 a rendu plus nette l’affaiblissement des États du Sud, d’autres pensent que cette crise a accentué les autres crises au sein de ces pays.


I.                   L’Europe du Sud, un « bloc géopolitique » ?

1.      La question de la « faiblesse » de l’État

Plus faible que dans les autres parties de l’Europe, les États d’Europe du Sud sont soit post-autoritaires, soit fragiles et poreux. On est loin d’États somalisés, mais ils sont relativement affaiblis. Si l’État est faible, c’est aussi parce qu’il y a une forme de clientélisme avec des groupes qui payent l’État ou un État qui paye d’autres élites pour se maintenir. L’hypothèse de l’Europe du Sud, est que ces pays seraient un peu plus clientélistes qu’en Europe du Nord.
La religion en apparence ne joue pas puisqu’on a des pays catholiques, d’autres protestants et d’autres encore musulmans. Les thèses affirmant le contraire sont largement dépassées aujourd’hui.

2.      Une normalisation et une autonomisation : la crise européenne contemporaine

D’un point de vue purement historique, on constate qu’il y a une normalisation du système étatique sur le long terme, notamment le Sud de la France. La seule vraie différence de l’Europe du Sud, c’est que ce sont les pays qui sont le plus plongés dans une crise économique (à l’exception notable de l’Irlande).
Avec la crise de 2008 venue des USA, la Grèce est la principale concernée. En novembre 2009, le gouvernement socialiste nouvellement élu décide de révéler l’ampleur du déficit grec, non pas 6% de déficit comme annoncé mais 12,7%. Le choc provoqué entraîne donc la crise grecque. Plus intéressant est le fait que la réalité de cette dette fut longtemps cachée, signe que les élites contrôlent mal ou cachent la vérité. L’État grec est donc devenu très rapidement un État faible. L’Union Européenne (UE) avec l’aide du Fond Monétaire International (FMI) et de la Banque Centrale Européenne (BCE), organise des plans de restructuration économique pour limiter les dégâts grecs. Or bien vite, on réalise que ce n’est pas une cure grecque qui va vraiment renforcer l’État, qu’au contraire, les plans d’austérité pour percevoir des taxes ne sont pas assurés par les fonctionnaires et cela affaiblit de nouveau ces États. Bien évidemment le cas grec se révèle se répéter ailleurs en Europe. De plus, il n’y a pas de solution à court terme pour solidifier l’État.
Les dettes se multiplient : Portugal, Espagne, Italie, Chypre, … Pourtant la dette portugaise est du même niveau que la dette française, seulement ce pays a du mal à lever ses propres impôts. Les Mécanismes Européens de Stabilité Financière de 2010 sont donc à destination de l’Europe du Sud, idem pour le Pacte Budgétaire Européen de 2012. En dépit de ces mesures, la dette grecque continue de grimper. Preuve qu’il est difficile de transformer un État de manière profonde.
Relativement faible et décentralisé comme l’Espagne, ces crises sapent aussi les systèmes alternatifs de soutien. Ainsi en Espagne, si l’État ne peut assurer l’aide, c’est au « matelas » (économie familiale et informelle) d’assurer l’alternative. Or un État qui se solidifie veut contrôler ce domaine détruisant un système économique de secours. Les États ont du mal à assurer ces politiques, du coup on voit une hausse des forces conservatrices hostiles à l’UE qui se double d’une scission entre une Europe du Nord et une Europe du Sud.
Le cercle vicieux de la dette se révélant difficile à quitter, l’UE tend maintenant à restructurer les dettes, soit les annuler, pour mieux faire repartir les États. Plus généralement, cela remet en cause l’Europe comme un État puisqu’on a des parties de l’Europe en faillite, d’autres non, qu’on a du mal à choisir son orientation, … En revanche depuis un an, la situation tend à se stabiliser, notamment depuis l’intervention de la BCE. Cela révèle qu’on a une UE peu influente politiquement excepté sous l’aspect économique avec cette BCE qui agit par elle-même. D’ailleurs la nomination de Mario Draghi à la tête de la BCE (après Jean-Claude Trichet), a révélé que les pays d’Europe du Sud, comptaient comme quantité négligeable dans l’UE. L’effet domino a été stoppé, les États douteux sont contenus à l’Europe du Sud. Il y a donc eu une solution externe à cette crise économique. Première variable d’ajustement, une cause externe. Seconde variable d’ajustement, l’immigration. Si l’État n’arrive pas à s’autorenforcer, alors seule l’immigration est possible. On voit donc les Espagnols et les Portugais émigrer en Allemagne, … De zone d’immigration, l’Europe du Sud est redevenue une zone d’émigration des élites et des plus diplômés notamment. Cette émigration est aussi un aveu de faiblesse de l’État qui ne parvient pas à employer sa main d’œuvre, ne peut contrôler ses propres flux, … Après cette émigration est plus restreinte qu’il y a longtemps. De plus, dans le cas du Portugal, on voit une émigration des diplômés portugais vers l’Angola et le Brésil. D’une part, on a du pétrole et de l’autre, on a un État en plein essor.


II.                Les spécificités de l’Europe du Sud

1.      Le maintien des particularités « méditerranéennes »

Dans plusieurs cas, en Grèce ou en Turquie, les armées restent des organisations contrôlées par l’État. La variable religieuse ne semble pas jouer tant que ça, même si la religion prend parfois le dessus sur la politique dans certains cas (Turquie islamiste, Grèce orthodoxe, …). Troisième particularité, un certain conservatisme social plus important en Europe du Sud qu’en Europe du Nord (la décohabitation, taux de nuptialité, …). La faiblesse de l’État renforçant le conservatisme social en faisant par exemple de la famille une institution importante.

2.      Des sociétés d’Europe du Sud en tension

Comme l’État est faible structurellement, il est peu en capacité de réguler les conflits sociaux qui vont alors se régler par des économies parallèles (famille, marché noir, …).
Les flux migratoires reviennent en force dans ces pays. On a donc une émigration de jeunes qui cherche à s’expatrier, doublée d’un phénomène d’immigration de jeunes diplômés des Pays du Sud qui tentent leur chance dans ces pays.
Troisième élément, le contexte géopolitique après la longue crise européenne s’est compliqué avec les Révolutions arabes. En effet, les pays d’Europe du Sud sont au premier plan lors de ces Révolutions et y sont donc confrontés. La déstabilisation de la Méditerranée Sud a indirectement touché la Méditerranée Nord, d’où leur silence quant aux instabilités dans ces régions, l’histoire et les tensions étant nombreux.
Quatrième élément, la question environnementale, épée de Damoclès qui pèse sur les pays d’Europe du Sud avec notamment la question du réchauffement climatique qui concernerait d’abord ces pays arides ou semi-arides. Cela toucherait évidemment aussi le domaine de l’eau, ces pays étant déjà plus ou moins en manque d’eau, il va leur falloir s’organiser autrement s’ils veulent conserver leur politique agricole. Autre dimension environnementale, la question énergétique puisque ces pays sont très dépendants des énergies étrangères (hydrocarbures, nucléaire, …). Mais ils sont en général assez en retard sur ces questions. Ces politiques demandent cependant des États stables, solides et forts qui peuvent trouver des ingénieurs, des diplômés disponibles, …

Les mutations de l’Europe du Sud sont certaines mais ne prouvent pas encore que les problèmes actuels sont réglés.

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