L'eau comme conflit faussement explosif ?
·
Les conflits de pollution : on a une qualité de l’eau
mauvaise qui pénalise des acteurs.
·
Les conflits de distribution
relative (partage) :
ici l’eau est abondante mais le partage de son usage est problématique et
source de tensions.
·
Les conflits de distribution
absolue (partage et disponibilité) :
Il n’existe pas
véritablement de droit international de l’eau mais uniquement des doctrines peu
homogènes. La doctrine Harmon fut élaborée par un juge
américain sur le sujet de l’eau du Colorado entre les USA et le Mexique. Selon
cette doctrine, il utilise le droit international pour affirmer que chaque État
est souverain sur son territoire et donc sur ses ressources naturelles. Or
l’eau, à la différence des autres ressources, est mobile. Ignorer cet aspect
là, c’est avoir tendance à faire de l’eau un bien appropriable et donc cela
favorise les États en amont des fleuves. Ceux qui possèdent la source, ont donc
l’avantage. La Turquie mobilise souvent cette doctrine. Cela n’empêche pas que
ce maquillage juridique est très fortement contesté et ne sert que les États
puissants.
En contrepartie,
les États aval se sont organisés et développe la doctrine de l’intégrité
territoriale absolue.
Cela signifie que le pays en aval estime avoir un droit à conserver un certain
débit des fleuves. On fait de l’eau un bien commun, et les États doivent
favoriser une répartition équitable de l’eau. C’est sur cette doctrine que
repose la politique de l’Egypte.
Une
autre doctrine a été développée par Israël dans son conflit avec ses voisins.
Pour eux, il y a la doctrine de la
première appropriation. Les premiers à être arrivés et à avoir aménager la
ressource en eau, donne la propriété.
Aucune de ses
doctrines ne fonctionne véritablement et n’est entièrement légitime. Le droit
international fait donc en sorte qu’on traite au cas par cas. Lors de la convention de
New-York de 1997, il a été défini de voir
comment régler les désaccords autour d’une table. Cela marche très bien quand
les États s’entendent plutôt bien. Ainsi la Kootenay River qui naissait au
Canada, passait aux USA avant de revenir dans le Canada, fut un enjeu entre les
deux pays. Les USA voulaient produire de l’hydro-électricité sur cette rivière
en dédommageant le Canada des inconvénients de cette exploitation. Mais ce
dernier ne le voulait pas. Le Canada proclamait la doctrine Harmon et les USA
la doctrine de l’intégrité territoriale. Le conflit fut résolu grâce au bon
sens des négociateurs et parce que les deux États ne s’opposaient pas
complètement. Sur cette base fragile, des tas de traités furent signés qui ont
stabilisés voire éliminés les conflits autour de certaines eaux.
Pour les
économistes, la solution n’est pas le droit mais le marché. Il faudrait
instaurer une notion qui intègre l’abondance ou la rareté de l’eau dans ses
calculs, c’est la notion de l’eau virtuelle. Dans l’idée, on a des cultures qui sont vendues
sans prendre en compte le prix de l’eau. Les économistes conseillent alors de
faire des cultures où l’eau serait incorporée dans le prix, quitte à faire
changer les cultures. Une tonne de céréales vaudrait 1 000 m3 d’eau, un tee-shirt en coton
vaudrait 4 100 m3 d’eau, un kilo de bœuf vaudrait
15 500 m3 d’eau, … Si les pays émergents continuent à voir
croître leur alimentation carnée, l’enjeu des eaux serait plus important. A
défaut d’être parfait, ces calculs permettent de prendre conscience de
l’influence de l’eau dans la production.
Grâce à ce système,
on peut comparer les consommations en eau en fonction des régimes alimentaires des individus.
Avec plus grande échelle, on peut voir les systèmes économiques très
consommateurs en eau et ceux qui le sont moins. La tension apparaitra dés
l’instant où les ressources en eau s’affaibliraient.
Des solutions pour
préserver l’eau existent et en premier lieu, on s’attaque aux pertes en eau
dans les systèmes.
En réduisant des pertes de l’ordre de 40%, cela revient à doubler ses
économies. Malgré tout, le consommateur individuel est marginal puisque c’est
l’agriculture qui consomme le plus. Ainsi, Israël est parvenu à faire des
économies en retravaillant son irrigation. La gestion de la demande est une
solution mais reste limitée.
L’autre solution
principale serait de trouver de nouvelles ressources en eau. La première de ses
solutions est le dessalement de l’eau de mer. On connaît les techniques mais celles-ci coutent
particulièrement chères. Cette solution est donc à la fois trouvable dans les
pays en manque d’eau mais qui sont aussi assez riche, le Moyen-Orient.
Puisqu’on a peu de
moyens pour résoudre les conflits, l’eau peut-elle devenir un prétexte de
guerre ?
Les cartes des services stratégiques relèvent quelques points chauds dans le
globe : la mer Méditerranée, la frontière américano-mexicaine, l’Inde, …
Certains conflits sont provoqués par des pénuries, tandis que d’autres tiennent
au partage des eaux.
Pour Frédéric Julien, chercheur canadien, en
regardant les grands conflits historiques autour de l’eau, il a constaté que
les tensions qui ont dégénérés en conflit autour de l’eau sont toutes
provoquées par d’autres circonstances. Selon lui, l’eau n’est qu’un élément de ces conflits et très souvent, c’est un
prétexte. Cette tension sur l’eau est instrumentalisée en fonction de la
nature des relations entre les États : Mauritanie et Sénégal, Namibie et
Angola, …
En revanche, on
constate bien une montée des tensions mais à une échelle très locale. Ainsi dans le cas de la
Mauritanie et du Sénégal, on a bien eu un épisode tragique entre deux
populations : des éleveurs nomades mauritaniens et des
agriculteurs sénégalais, le tout sur un tronçon très spécifique du
fleuve Sénégal. Occasionnellement, ce genre de conflits peut revenir dans
le temps.
Selon
les mesures de Julien, on a eu plus de 3 800 actes juridiques relevés
depuis l’an 805. Dans 507 cas ce fut
conflictuel, mais seuls 37 cas furent des conflits violents (dont 30 au
Moyen-Orient)
Le pétrole, la géopolitique, 007 et ses girls.
Photo du générique Le monde ne suffit pas, Michael Apted, 1999.
Géopolitique
du pétrole
La particularité du
pétrole, à l’inverse d’autres ressources, c’est qu’on entre dans une
géopolitique des routes. En
effet, le pétrole n’est pas équitablement réparti dans le monde et sa
consommation reste importante en de nombreux territoires. C’est donc les lieux
de passage qui sont une nouvelle donnée.
Les lieux de
production de pétrole sont très concentrés dans le monde et les acteurs sont
relativement limités.
Si l’on compare les producteurs et les consommateurs, les pétroles classiques
sont produits au Moyen-Orient, en Russie, aux USA, … Les consommateurs sont en
revanche très différents : Europe, Asie Pacifique et toujours les USA. On
en vient donc à conclure que le contrôle des lieux de production est aussi
important que la maîtrise des flux de pétrole.
Troisième
caractéristique, la malédiction des ressources semble s’appliquer dans les pays
producteurs. En
effet, on a des conflits entre les élites qui possèdent les productions
pétrolières ou on a des recherches continues pour davantage de pétrole.
I.
Une ressource en
voie de raréfaction ou de diversification ?
1.
Les caractéristiques de la ressource
Tout comme l’eau,
le pétrole est aujourd’hui une ressource non-substituable, vitale pour le transport
terrestre.
Autre
caractéristique, cette ressource est très facile à produire, très facile à
transporter et très simple à utiliser.
Ainsi, Paul Franckle
a souligné que le pétrole « est liquide », ce qui en fait une
ressource simple à transporter, plus que le gaz ou l’électricité. En termes de
valeur, le pétrole est la première composante du commerce mondial international
(30% en 2008).
Troisième
caractéristique, le pétrole est une économie de rente, donc n’est pas réinvesti dans
l’extension de l’appareil de production. Pour l’Arabie Saoudite, la production
d’un baril de pétrole coute 5 $ et le revend 75 $, la rente est donc de 70 $.
Enfin ultime
caractéristique, les réserves de pétrole sont très mal connues. On a cherché à trouver de nouveaux types de pétrole que dans les années 1970 après le premier choc
pétrolier. Les analyses évoluent donc constamment mais dans l’idée, le pic
pétrolier est atteint pour le pétrole conventionnel, pour les autres ressources
en pétrole (type gaz de schiste), on n’est pas loin de la moitié. Autre incertitude sur cette ressource,
l’évolution des techniques d’extraction puisqu’aujourd’hui on n’extrait que
35% des réserves du fait des techniques. Dans les pétroles non-conventionnels,
on a les pétroles lourds et extra-lourds (comme au Venezuela dans le bassin de
l’Orénoque), les sables bitumeux (comme au Canada) ou les réserves en schiste.
Ces ressources sont rentables actuellement du fait de la hausse du prix du
baril. Les sables bitumeux mettent le Canada hors de la dépendance pétrolière
mais plusieurs enjeux en découlent. D’abord, on a l’enjeu environnemental (vu
les techniques utilisées) et en plus il faut beaucoup d’énergie pour extraire
ce pétrole. La question de la rentabilité des sables bitumeux est donc toujours
questionnée.
2.
Le débat sur les réserves de pétrole
A.
La théorie du « Oil peak »
L’oil peak, c’est la thèse pessimiste ou
écologique. Pour
eux, il est clair qu’en étudiant la théorie de King Robert, on a eu un pic des découvertes et
de l’exploration en pétrole en 1970, le pic
de production lui est décalé de 40 ans et explique que vient un moment où la
production atteint un pic avant de décliner.
B.
Le plateau de production ; une thèse optimiste
Une théorie plus
optimiste estime qu’on arrive bien à un moment où le pétrole est exploité à son
maximum, mais que la chute ne sera pas immédiate. On connaît tellement mal les
ressources en nouveau pétrole et on veut tellement faire des économies, qu’on
va avoir après le pic, un plateau ondulé constamment alimenté par les nouvelles
découvertes de pétrole ou de techniques d’exploitation. On aura donc des
déséquilibres temporaires qui ne sont pas le signe d’une pénurie mais d’une
distorsion des marchés.
D’ailleurs ces
mêmes chercheurs montrent que les crises pétrolières qu’on a connues ne furent
pas des crises de rareté mais des crises de capacité d’investissement. Ce fut le cas avec la
raréfaction du pétrole des USA dans la fin des
années 1990. En effet, ceux-ci produisaient autant de brut qu’auparavant
mais les entreprises qui raffinaient ce pétrole n’avaient pas assez investi
dans ce raffinage.
3.
Trois crises et une transition énergétique
Parmi ces trois
crises, une seule relève de l’analyse géopolitique. On a la crise de marché, qui est le fait d’un décalage
entre l’offre et la demande. En général, cette crise est relativement courte. On a bien une crise géopolitique qui
vient du fait que les pays producteurs sont souvent des pays instables. Dans le
cas du Moyen-Orient par exemple, peu de pays s’avèrent véritablement stables.
Ainsi, en Russie ou au Nigeria, on a des petites instabilités du fait de
situations politiques internes tendues. En Iran, les sanctions internationales
empêchent l’usage de ce pétrole. Dernière
crise, celle dite de « l’ère du pétrole », une crise à long terme
ou le pétrole finirait par ne plus être utilisé mais avec les ressources en
schiste, cela reste à vérifier.
II.
Conflits
locaux : contrôle des revenus et pouvoir
1.
Conflits frontaliers concernant les revendications de
souveraineté sur des territoires mal délimités
Opposant
l’Indonésie et la Malaisie,
le pétrole dans la mer de Chine du Sud est un enjeu de ce type. En effet,
l’Indonésie, Etat insulaire définit d’une certaine manière son territoire. La
Malaisie de son coté, Etat dit continental définit autrement son territoire
maritime. Dans tous les cas, les deux pays revendique des espaces maritimes
avec du pétrole en-dessous.
Entre le Cameroun
et le Nigéria,
même souci, on trouve une péninsule mal définie, la péninsule de Bakassi, qui
donne accès à une nappe de pétrole. Après discussion, la cours de jugement
internationale tranche en faveur du Cameroun. Le Nigéria s’en accommodait mais
pas les peuplades armées des Ijaws et des Obonis, en froid avec le gouvernement
nigérian. Du coup, ceux-ci faisaient régulièrement des incursions sur cette
péninsule.
Au Sud-Soudan, après l’indépendance de 2011, les accords frontaliers ont été signés mais
en laissant quelques kilomètres en suspens. Depuis, le conflit entre Sud-Soudan
et Soudan demeure sur cette question. Le Sud-Soudan possède sur cette zone des
infrastructures d’extraction du pétrole mais le Soudan possède les
infrastructures de transport.
Idem autour de la
Mer Caspienne.
D’abord si l’on définit cet espace comme une mer ou un lac, l’accès maritime
est différent. Or le pétrole est la principale ressource des pays alentours, et
se situe sous la mer caspienne.
2.
Conflits pour la réappropriation des revenus d’une
ressource « confisquées » par des intérêts étrangers
Il s’agit de
conflits qui cette fois-ci concerne une zone appartenant à un Etat mais qui est
chamboulé par les intérêts d’un autre pays. Ainsi en Iran dans les
années 1940 – 1950, le gouvernement de Mossadegh
a voulu nationaliser les entreprises pétrolières au grand dam des USA et du
Royaume-Uni qui ont lancé l’opération Ajax qui a abouti à la chute de ce
gouvernement et au renforcement du pouvoir du Shah.
Face à ce risque,
plusieurs pays ont décidé de fonder une grande compagnie nationale pour fermer
la production du pétrole en amont.
Ainsi, la plupart des pays ont un opérateur national qui a le monopole de
l’extraction du pétrole. En termes de réserve pétrolière ce sont eux les
acteurs les plus lourds. En termes de chiffres d’affaires en revanche, ce sont
les entreprises plus connues (BP, Shell, …).
Aujourd’hui, on
constate que les entreprises en amont n’ont pas les capacités technologiques
pour exploiter leurs ressources, tandis que celles en aval les ont mais ne
peuvent agir sur les champs de pétrole. Du coup, assez récemment les
entreprises nationales se sont ouvertes pour maximiser leurs productions. Pour Total, il n’y aura aucune
ouverture du Mexique à court terme, d’autres pays sont en train de s’ouvrir
moyennant des investissements (Arabie Saoudite, Koweït, …), d’autres sont en
ouverture complète mais restent soumis à
la conjoncture politique (Iran, Lybie, Irak, …), d’autres pays sont ouverts
mais la loi juridique étant instable, elle repousse les investisseurs, enfin
les derniers ont annoncé une prochaine ouverture mais on reste dans l’attente
(Algérie, Angola, Soudan, …).
Dans
le style de négociations pacifiques, on a le cas de la Bolivie d’Evo Morales qui montre bien que si les
bénéfices sont certains, les entreprises s’accommodent des charges du pays.
3.
Conflits internes opposant un Etat à un ou plusieurs
groupes de population, éventuellement appuyés par des guérillas
Au Nigéria, le pétrole est proche des
côtes, lieu où se trouvent les populations locales minoritaires en conflit avec
le pouvoir central. Ces peuples déclarent donc que les revenus du pétrole ne
les touchent pas puisqu’ils passent entre les mains des compagnies étrangères
et du pouvoir central. Or les dégâts environnementaux concernent directement
ces populations mais rien n’est fait pour les endiguer. On a donc de nombreuses
marées noires provoquées par des sabotages ou des négligences.
Des
tentatives politiques ont cherché à obtenir des droits sur cette situation
(comme le MOSOP) mais sans succès. Du coup, la théorie développée est de semer
le chaos dans cette zone pour faire en sorte que les compagnies ne trouvent
plus intéressant de rester ici et s’en aillent. La situation actuelle est semis
insurrectionnelle.
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