Géopolitique des ressources 08 - 11 (cours 5)


L'eau comme conflit faussement explosif ?


·         Les conflits de pollution : on a une qualité de l’eau mauvaise qui pénalise des acteurs.
·         Les conflits de distribution relative (partage) : ici l’eau est abondante mais le partage de son usage est problématique et source de tensions.
·         Les conflits de distribution absolue (partage et disponibilité) :

Il n’existe pas véritablement de droit international de l’eau mais uniquement des doctrines peu homogènes. La doctrine Harmon fut élaborée par un juge américain sur le sujet de l’eau du Colorado entre les USA et le Mexique. Selon cette doctrine, il utilise le droit international pour affirmer que chaque État est souverain sur son territoire et donc sur ses ressources naturelles. Or l’eau, à la différence des autres ressources, est mobile. Ignorer cet aspect là, c’est avoir tendance à faire de l’eau un bien appropriable et donc cela favorise les États en amont des fleuves. Ceux qui possèdent la source, ont donc l’avantage. La Turquie mobilise souvent cette doctrine. Cela n’empêche pas que ce maquillage juridique est très fortement contesté et ne sert que les États puissants.
En contrepartie, les États aval se sont organisés et développe la doctrine de l’intégrité territoriale absolue. Cela signifie que le pays en aval estime avoir un droit à conserver un certain débit des fleuves. On fait de l’eau un bien commun, et les États doivent favoriser une répartition équitable de l’eau. C’est sur cette doctrine que repose la politique de l’Egypte.
Une autre doctrine a été développée par Israël dans son conflit avec ses voisins. Pour eux, il y a la doctrine de la première appropriation. Les premiers à être arrivés et à avoir aménager la ressource en eau, donne la propriété.
Aucune de ses doctrines ne fonctionne véritablement et n’est entièrement légitime. Le droit international fait donc en sorte qu’on traite au cas par cas. Lors de la convention de New-York de 1997, il a été défini de voir comment régler les désaccords autour d’une table. Cela marche très bien quand les États s’entendent plutôt bien. Ainsi la Kootenay River qui naissait au Canada, passait aux USA avant de revenir dans le Canada, fut un enjeu entre les deux pays. Les USA voulaient produire de l’hydro-électricité sur cette rivière en dédommageant le Canada des inconvénients de cette exploitation. Mais ce dernier ne le voulait pas. Le Canada proclamait la doctrine Harmon et les USA la doctrine de l’intégrité territoriale. Le conflit fut résolu grâce au bon sens des négociateurs et parce que les deux États ne s’opposaient pas complètement. Sur cette base fragile, des tas de traités furent signés qui ont stabilisés voire éliminés les conflits autour de certaines eaux.

Pour les économistes, la solution n’est pas le droit mais le marché. Il faudrait instaurer une notion qui intègre l’abondance ou la rareté de l’eau dans ses calculs, c’est la notion de l’eau virtuelle. Dans l’idée, on a des cultures qui sont vendues sans prendre en compte le prix de l’eau. Les économistes conseillent alors de faire des cultures où l’eau serait incorporée dans le prix, quitte à faire changer les cultures. Une tonne de céréales vaudrait 1 000 m3 d’eau, un tee-shirt en coton vaudrait 4 100 m3 d’eau, un kilo de bœuf vaudrait 15 500 m3 d’eau, … Si les pays émergents continuent à voir croître leur alimentation carnée, l’enjeu des eaux serait plus important. A défaut d’être parfait, ces calculs permettent de prendre conscience de l’influence de l’eau dans la production.
Grâce à ce système, on peut comparer les consommations en eau en fonction des régimes alimentaires des individus. Avec plus grande échelle, on peut voir les systèmes économiques très consommateurs en eau et ceux qui le sont moins. La tension apparaitra dés l’instant où les ressources en eau s’affaibliraient.

Des solutions pour préserver l’eau existent et en premier lieu, on s’attaque aux pertes en eau dans les systèmes. En réduisant des pertes de l’ordre de 40%, cela revient à doubler ses économies. Malgré tout, le consommateur individuel est marginal puisque c’est l’agriculture qui consomme le plus. Ainsi, Israël est parvenu à faire des économies en retravaillant son irrigation. La gestion de la demande est une solution mais reste limitée.
L’autre solution principale serait de trouver de nouvelles ressources en eau. La première de ses solutions est le dessalement de l’eau de mer. On connaît les techniques mais celles-ci coutent particulièrement chères. Cette solution est donc à la fois trouvable dans les pays en manque d’eau mais qui sont aussi assez riche, le Moyen-Orient.

Puisqu’on a peu de moyens pour résoudre les conflits, l’eau peut-elle devenir un prétexte de guerre ? Les cartes des services stratégiques relèvent quelques points chauds dans le globe : la mer Méditerranée, la frontière américano-mexicaine, l’Inde, … Certains conflits sont provoqués par des pénuries, tandis que d’autres tiennent au partage des eaux.
Pour Frédéric Julien, chercheur canadien, en regardant les grands conflits historiques autour de l’eau, il a constaté que les tensions qui ont dégénérés en conflit autour de l’eau sont toutes provoquées par d’autres circonstances. Selon lui, l’eau n’est qu’un élément de ces conflits et très souvent, c’est un prétexte. Cette tension sur l’eau est instrumentalisée en fonction de la nature des relations entre les États : Mauritanie et Sénégal, Namibie et Angola, …
En revanche, on constate bien une montée des tensions mais à une échelle très locale. Ainsi dans le cas de la Mauritanie et du Sénégal, on a bien eu un épisode tragique entre deux populations : des éleveurs nomades mauritaniens et des agriculteurs sénégalais, le tout sur un tronçon très spécifique du fleuve Sénégal. Occasionnellement, ce genre de conflits peut revenir dans le temps.
Selon les mesures de Julien, on a eu plus de 3 800 actes juridiques relevés depuis l’an 805. Dans 507 cas ce fut conflictuel, mais seuls 37 cas furent des conflits violents (dont 30 au Moyen-Orient)




Le pétrole, la géopolitique, 007 et ses girls.
Photo du générique Le monde ne suffit pas, Michael Apted, 1999.



Géopolitique du pétrole


La particularité du pétrole, à l’inverse d’autres ressources, c’est qu’on entre dans une géopolitique des routes. En effet, le pétrole n’est pas équitablement réparti dans le monde et sa consommation reste importante en de nombreux territoires. C’est donc les lieux de passage qui sont une nouvelle donnée.
Les lieux de production de pétrole sont très concentrés dans le monde et les acteurs sont relativement limités. Si l’on compare les producteurs et les consommateurs, les pétroles classiques sont produits au Moyen-Orient, en Russie, aux USA, … Les consommateurs sont en revanche très différents : Europe, Asie Pacifique et toujours les USA. On en vient donc à conclure que le contrôle des lieux de production est aussi important que la maîtrise des flux de pétrole.
Troisième caractéristique, la malédiction des ressources semble s’appliquer dans les pays producteurs. En effet, on a des conflits entre les élites qui possèdent les productions pétrolières ou on a des recherches continues pour davantage de pétrole.


I.                   Une ressource en voie de raréfaction ou de diversification ?

1.      Les caractéristiques de la ressource

Tout comme l’eau, le pétrole est aujourd’hui une ressource non-substituable, vitale pour le transport terrestre.
Autre caractéristique, cette ressource est très facile à produire, très facile à transporter et très simple à utiliser. Ainsi, Paul Franckle a souligné que le pétrole « est liquide », ce qui en fait une ressource simple à transporter, plus que le gaz ou l’électricité. En termes de valeur, le pétrole est la première composante du commerce mondial international (30% en 2008).
Troisième caractéristique, le pétrole est une économie de rente, donc n’est pas réinvesti dans l’extension de l’appareil de production. Pour l’Arabie Saoudite, la production d’un baril de pétrole coute 5 $ et le revend 75 $, la rente est donc de 70 $.
Enfin ultime caractéristique, les réserves de pétrole sont très mal connues. On a cherché à trouver de nouveaux types de pétrole que dans les années 1970 après le premier choc pétrolier. Les analyses évoluent donc constamment mais dans l’idée, le pic pétrolier est atteint pour le pétrole conventionnel, pour les autres ressources en pétrole (type gaz de schiste), on n’est pas loin de la moitié. Autre incertitude sur cette ressource, l’évolution des techniques d’extraction puisqu’aujourd’hui on n’extrait que 35% des réserves du fait des techniques. Dans les pétroles non-conventionnels, on a les pétroles lourds et extra-lourds (comme au Venezuela dans le bassin de l’Orénoque), les sables bitumeux (comme au Canada) ou les réserves en schiste. Ces ressources sont rentables actuellement du fait de la hausse du prix du baril. Les sables bitumeux mettent le Canada hors de la dépendance pétrolière mais plusieurs enjeux en découlent. D’abord, on a l’enjeu environnemental (vu les techniques utilisées) et en plus il faut beaucoup d’énergie pour extraire ce pétrole. La question de la rentabilité des sables bitumeux est donc toujours questionnée.

2.      Le débat sur les réserves de pétrole

A.     La théorie du « Oil peak »

L’oil peak, c’est la thèse pessimiste ou écologique. Pour eux, il est clair qu’en étudiant la théorie de King Robert, on a eu un pic des découvertes et de l’exploration en pétrole en 1970, le pic de production lui est décalé de 40 ans et explique que vient un moment où la production atteint un pic avant de décliner.

B.     Le plateau de production ; une thèse optimiste

Une théorie plus optimiste estime qu’on arrive bien à un moment où le pétrole est exploité à son maximum, mais que la chute ne sera pas immédiate. On connaît tellement mal les ressources en nouveau pétrole et on veut tellement faire des économies, qu’on va avoir après le pic, un plateau ondulé constamment alimenté par les nouvelles découvertes de pétrole ou de techniques d’exploitation. On aura donc des déséquilibres temporaires qui ne sont pas le signe d’une pénurie mais d’une distorsion des marchés.
D’ailleurs ces mêmes chercheurs montrent que les crises pétrolières qu’on a connues ne furent pas des crises de rareté mais des crises de capacité d’investissement. Ce fut le cas avec la raréfaction du pétrole des USA dans la fin des années 1990. En effet, ceux-ci produisaient autant de brut qu’auparavant mais les entreprises qui raffinaient ce pétrole n’avaient pas assez investi dans ce raffinage.

3.      Trois crises et une transition énergétique

Parmi ces trois crises, une seule relève de l’analyse géopolitique. On a la crise de marché, qui est le fait d’un décalage entre l’offre et la demande. En général, cette crise est relativement courte. On a bien une crise géopolitique qui vient du fait que les pays producteurs sont souvent des pays instables. Dans le cas du Moyen-Orient par exemple, peu de pays s’avèrent véritablement stables. Ainsi, en Russie ou au Nigeria, on a des petites instabilités du fait de situations politiques internes tendues. En Iran, les sanctions internationales empêchent l’usage de ce pétrole. Dernière crise, celle dite de « l’ère du pétrole », une crise à long terme ou le pétrole finirait par ne plus être utilisé mais avec les ressources en schiste, cela reste à vérifier.


II.                Conflits locaux : contrôle des revenus et pouvoir

1.       Conflits frontaliers concernant les revendications de souveraineté sur des territoires mal délimités

Opposant l’Indonésie et la Malaisie, le pétrole dans la mer de Chine du Sud est un enjeu de ce type. En effet, l’Indonésie, Etat insulaire définit d’une certaine manière son territoire. La Malaisie de son coté, Etat dit continental définit autrement son territoire maritime. Dans tous les cas, les deux pays revendique des espaces maritimes avec du pétrole en-dessous.
Entre le Cameroun et le Nigéria, même souci, on trouve une péninsule mal définie, la péninsule de Bakassi, qui donne accès à une nappe de pétrole. Après discussion, la cours de jugement internationale tranche en faveur du Cameroun. Le Nigéria s’en accommodait mais pas les peuplades armées des Ijaws et des Obonis, en froid avec le gouvernement nigérian. Du coup, ceux-ci faisaient régulièrement des incursions sur cette péninsule.
Au Sud-Soudan, après l’indépendance de 2011, les accords frontaliers ont été signés mais en laissant quelques kilomètres en suspens. Depuis, le conflit entre Sud-Soudan et Soudan demeure sur cette question. Le Sud-Soudan possède sur cette zone des infrastructures d’extraction du pétrole mais le Soudan possède les infrastructures de transport.
Idem autour de la Mer Caspienne. D’abord si l’on définit cet espace comme une mer ou un lac, l’accès maritime est différent. Or le pétrole est la principale ressource des pays alentours, et se situe sous la mer caspienne.

2.       Conflits pour la réappropriation des revenus d’une ressource « confisquées » par des intérêts étrangers

Il s’agit de conflits qui cette fois-ci concerne une zone appartenant à un Etat mais qui est chamboulé par les intérêts d’un autre pays. Ainsi en Iran dans les années 1940 – 1950, le gouvernement de Mossadegh a voulu nationaliser les entreprises pétrolières au grand dam des USA et du Royaume-Uni qui ont lancé l’opération Ajax qui a abouti à la chute de ce gouvernement et au renforcement du pouvoir du Shah.
Face à ce risque, plusieurs pays ont décidé de fonder une grande compagnie nationale pour fermer la production du pétrole en amont. Ainsi, la plupart des pays ont un opérateur national qui a le monopole de l’extraction du pétrole. En termes de réserve pétrolière ce sont eux les acteurs les plus lourds. En termes de chiffres d’affaires en revanche, ce sont les entreprises plus connues (BP, Shell, …).
Aujourd’hui, on constate que les entreprises en amont n’ont pas les capacités technologiques pour exploiter leurs ressources, tandis que celles en aval les ont mais ne peuvent agir sur les champs de pétrole. Du coup, assez récemment les entreprises nationales se sont ouvertes pour maximiser leurs productions. Pour Total, il n’y aura aucune ouverture du Mexique à court terme, d’autres pays sont en train de s’ouvrir moyennant des investissements (Arabie Saoudite, Koweït, …), d’autres sont en ouverture complète  mais restent soumis à la conjoncture politique (Iran, Lybie, Irak, …), d’autres pays sont ouverts mais la loi juridique étant instable, elle repousse les investisseurs, enfin les derniers ont annoncé une prochaine ouverture mais on reste dans l’attente (Algérie, Angola, Soudan, …).
Dans le style de négociations pacifiques, on a le cas de la Bolivie d’Evo Morales qui montre bien que si les bénéfices sont certains, les entreprises s’accommodent des charges du pays.

3.       Conflits internes opposant un Etat à un ou plusieurs groupes de population, éventuellement appuyés par des guérillas

Au Nigéria, le pétrole est proche des côtes, lieu où se trouvent les populations locales minoritaires en conflit avec le pouvoir central. Ces peuples déclarent donc que les revenus du pétrole ne les touchent pas puisqu’ils passent entre les mains des compagnies étrangères et du pouvoir central. Or les dégâts environnementaux concernent directement ces populations mais rien n’est fait pour les endiguer. On a donc de nombreuses marées noires provoquées par des sabotages ou des négligences.
Des tentatives politiques ont cherché à obtenir des droits sur cette situation (comme le MOSOP) mais sans succès. Du coup, la théorie développée est de semer le chaos dans cette zone pour faire en sorte que les compagnies ne trouvent plus intéressant de rester ici et s’en aillent. La situation actuelle est semis insurrectionnelle.

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