Géopolitique des ressources 14 - 11 (cours 6, fin)


Une ville ? Non, une raffinerie de nuit.






III.                   Echelle internationale : sécurité et diversification des approvisionnements

1.      Domination du Moyen-Orient et de l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP)

Contrairement à une idée reçue, les ressources africaines en pétrole ne sont pas destinées à croître de nouveau. La répartition des réserves de pétrole connues resteront de l’ordre que l’on connaît aujourd’hui, avec un Moyen-Orient très important.
Le raisonnement ne tient pas à une carte avec des producteurs et des pipelines, il faut chercher les grands producteurs et les grands importateurs. On trouve dedans l’OPEP, un cartel qui s’entend sur les prix et la production autorisée des barils de pétrole. Leur but est d’obtenir un maximum d’argent en échange de ce pétrole. Ils s’entendent donc sur le juste milieu entre la rareté organisée et la production autorisée. Aujourd’hui, il y a 12 pays dans l’OPEP, les principaux producteurs y sont regroupés, exceptés quelques uns : Russie, Mexique, Canada, … Bien entendu, les membres de l’OPEP étant parfois en conflit, certains des membres trichent sur leur production.
Autour des questions d’approvisionnement, on en conclu que la demande est de plus en plus dispersée vers la Chine et l’Inde, en plus de l’Europe et de l’Amérique du Nord. Du coté des producteurs en revanche, on a une reconcentration progressive sans doute au profit du Moyen-Orient. Par contre, c’est sans prendre en compte les gaz de schiste.




2.      Géopolitique des tubes et des voies maritimes

Les transports principaux des gaz de schiste se font à 60% par bateau, 40% par oléoducs, chemins de fer et route. Les passages stratégiques entrent donc en compte, souvent il s’agit des détroits dont la maitrise et la détention deviennent des enjeux majeurs.
C’est la situation du détroit d’Ormuz à l’extrémité du Golfe Persique entre l’Iran et les Emirats Arabes Unis. Trouvant le lieu hautement stratégique et aux mains d’autres acteurs qu’elle-même, l’Arabie Saoudite a décidé d’établir des pipelines dans son désert à destination de la Méditerranée. L’idée est bonne puisqu’on évite un détroit haut lieu du piratage et qu’on se rend en direction de l’Union Européenne, un des consommateurs principaux. La construction d’un pipeline est très couteuse, très peu rentable lorsqu’on le bloque.

En Asie centrale, même problème autour de la Mer Caspienne. Longtemps le jeu fut simple, les hydrocarbures de la mer caspienne étaient soit aux mains de la Russie, soit à celles de l’Iran. Avec l’explosion de l’URSS, on voit entrer l’Azerbaïdjan, la Géorgie, le Kazakhstan et le Turkménistan. Comme les pays consommateurs souhaitent ne pas être uniquement dépendants du Moyen-Orient instable, on a développé une stratégie autour de cette mer. Les problèmes sont qu’on a une pluralité d’acteurs, et que la Mer Caspienne est une mer fermée. Il faut donc construire des infrastructures adaptées. Les infrastructures en place étaient russes, à destination du cœur industriel russe. Mais les nouveaux pays ont souhaités, en accord avec les pays consommateurs, développer une stratégie simple : comment exporter le pétrole de la Mer Caspienne sans passer par la Russie. L’Iran est sous les sanctions internationales, l’Afghanistan et l’Irak sont déstabilisés par des guerres, le Kazakhstan ne peut plus imaginer un pipeline passant dans le Xinjiang.
Un des pipelines part du Kazakhstan, passe en Russie et débouche sur la Mer Noire. Les Américains avaient financé ce projet mais ont réalisé que la Russie effectuait régulièrement des chantages. Un autre, le BTC, fut construit depuis Bakou en Azerbaïdjan puis en Géorgie et déboucher ainsi en Mer Noire. Les USA se sentant plus proche de la Turquie, ils ont développé une autre branche qui débouche (après être passé par Bakou et Tbilissi) sur un port turc de Méditerranée. Un des avantages non négligeables, c’est qu’on évite de se rendre de la Mer Noire à la Mer Méditerranée et on n’a plus besoin de passer par tous les détroits et bosphores très risqués. Le risque n’est pas une instabilité politique autour de ces détroits, mais plus des contraintes physiques et des risques environnementaux.
A l’inverse, le projet du gazoduc TAP (Turkménistan, Afghanistan et Pakistan) est en stand-by avec un Afghanistan trop déstabilisé. La Chine envisage son projet de pipeline Kazakhstan – Chine.

La question des détroits est donc cruciale. Ormuz représente 30% du commerce total des hydrocarbures mais il est susceptible d’être touché par des attentats. Le détroit de Bab-El-Mandab est touché par la piraterie. Le détroit de Malacca est aussi plus ou moins instable avec une Indonésie et une Malaisie qui ne contrôle qu’assez peu cette région. Le détroit de Lambok qui passe en Indonésie est bien plus stable mais reste une route secondaire actuellement. A l’inverse, le canal de Suez est très stable grâce à l’armée égyptienne.


IV.                Les nouvelles frontières

1.      Le pétrole du Xinjiang : une exploitation tardive mais à haute valeur stratégique

Le Xinjiang, territoire le plus continental de la Chine, est soumis à l’influence des Ouigours, musulmans qui ne parlent pas le mandarin. Zone très éloignée du cœur chinois, elle n’a jamais connu un seul investissement de la République Populaire. Si le pétrole qu’on y trouve était déjà connu depuis longtemps, il n’a jamais été exploité car il était loin et la Chine n’en avait pas besoin. Avec une consommation en pétrole croissante, la Chine a décidé de réexploiter cette région dans les années 1980. Ce faisant, les Ouigours marginalisés mais laissés en paix, ont vu une arrivée massive de population Han. Le choc des cultures a réveillé des velléités autonomistes, anti-Han, … Personne dans les années 1980 n’a voulu aidé au développement de cette zone. Depuis les années 1990, le Japon a donné des aides pour construire un pipeline qui longe la frontière mongole.

D’autre part, si l’on regarde les emplacements pétroliers en Russie et en Asie, on constate que la technique champs de production – lieu de consommation n’est pas vraiment rentable. Des cabinets d’études ont proposé que l’on fasse des transferts de barils entre zones. Plus clairement, le pétrole du Xinjiang est vendu au Kazakhstan qui le raffine et le revend à Moscou qui  le consomme. Les nappes pétrolières russes, en Sibérie n’ont plus besoin de se rendre à Moscou et sont donc raffinées en Russie mais revendues au Japon et en Chine. Dans l’idée ce n’est pas forcément compliqué, mais politiquement c’est beaucoup plus complexe car les acteurs doivent se faire confiance et que cela reste limité. Ce sont les contrats SWAP.

2.      Les nouveaux enjeux pétroliers de la zone saharienne

Dans ce cadre compliqué, l’Afrique subsaharienne est devenue un enjeu neuf. Si l’on avait déjà d’anciens producteur type Nigéria, on en a des tous récents comme l’Angola. Ce pays a décidé de construire des infrastructures avec l’aide financière chinoise. La Chine a accepté en échange d’un remboursement en pétrole de l’Angola. Le Tchad a aussi des petites réserves qu’il extrait avant de l’envoyer vers un port camerounais (avec l’accord de la Banque Mondiale et des compagnies pétrolières). Enfin, on a plus récemment le Soudan qui débouche en Mer Rouge à destination de l’Asie.
On constate que les grands consommateurs de pétrole se sont tous positionnés sur le marché africain dont on considère le pétrole comme stratégique. Les grandes multinationales y sont aussi.
+ powerpoint.



Les drogues passionnent Hollywood : Breaking Bad, Weeds, The Wire


Powerpoint du cours
 

Géopolitique des drogues illicites


I.                   Introduction

1.      Définition

Dans ce cours, l’objet lui-même est problématique. Si l’on remonte dans l’histoire, on trouve une pluralité de définitions de ces drogues. En géopolitique, trois branches existent : les lieux de production, les moyens de transport et le ???
Par drogue illicite, on qualifie en fait un phénomène qui existe depuis des siècles. Toutes les sociétés ont dans le temps appris à identifier des plantes avec des effets sur les réactions physiologiques et sur les états de conscience. Lorsque ces plantes s’enracinent hors des rites religieux ou des usages classiques, on a eu une tendance à les considérer comme des produits illicites. Les progrès de la médecine et des sciences ont su identifier les composants à l’origine de ces états. A la fin du XIX° siècle, on va définir un circuit légal d’usage de ces plantes (médicaments, prescriptions, …) et en contrepartie des circuits illégaux avec ce qu’on nommera des stupéfiants. Dans un cas, la légalité est avec nous, dans l’autre on devient un délinquant. La notion de prohibition est à la base de ces circuits des drogues illicites. D’où l’idée générale qui est que si on légalise les drogues on fait exploser les circuits classiques et connus des drogues.

2.      Histoire des plantes à drogue

Quatre types de drogues illicites existent : la famille du cannabis, la famille de la cocaïne, la famille de l’opium et les amphétamines. Ce dernier cas intéresse peu car les lieux de production sont très proches des lieux de consommation. Beaucoup plus intéressants sont les trois premières familles, des cultures de plantes.
La coca est produite historiquement au Pérou, en Colombie et en Bolivie. Le Pérou a cependant très fortement diminué sa production qui s’est déplacée en Bolivie. La coca est un excitant très ancien qui n’a rien d’une drogue à l’état naturel. Après transformation, cela devient une drogue illicite qui est très consommée dans les pays du Nord (USA, Australie, Europe) et plus récemment en Amérique Latine.
Seconde culture, le pavot, une plante dont on incise le bulbe pour obtenir une sève à l’origine de la drogue historique. Les champs de pavot sont dans deux régions : Afghanistan, Pakistan, Iran pour la première zone ; Myanmar, Laos, Thaïlande pour la seconde zone. Ces dérivés sont consommés aux USA, en Russie et en Océanie.
Dernière culture, le cannabis qui se cultive à peu près partout. Historiquement, c’est produit dans le rift marocain en zone Berbère qui est en froid avec le pouvoir marocain. C’est de loin la plus grande zone de production de cannabis, mais on en trouve à peu près partout aujourd’hui. La consommation est elle aussi très étendue avec l’Europe, les USA et l’Australie, mais plus récemment l’Amérique Latine et l’Afrique.

La prohibition est un système développé par les USA comme modèle d’interdiction légale et de répression. Ce pays est d’ailleurs la seule superpuissance au monde qui soit anti-drogue. Sous couvert d’agir contre la drogue, les USA peuvent intervenir chez leurs voisins pour d’autres raisons. Le problème principal est cependant que la prohibition n’a aucun résultat convaincant puisque supprimer un marché revient en fait à créer un appel d’air et faire repousser ce marché ailleurs.
La théorie de la répression vient d’un courant américain qui a eu pour dogme que l’usage des stupéfiants est moralement répréhensible. Le plaisir des corps issu d’une consommation de drogue est avilissant, il est à l’opposé d’un plaisir qui serait lié à un effort fourni. Donc c’est là qu’on décide de définir les usages sociaux acceptables des inacceptables. Après selon la perception qu’on se fait du consommateur et de l’usage de la drogue, cela est plus ou moins répréhensible. Par exemple, un artiste qui peint sous l’emprise de drogues est plus ou moins toléré, un pauvre des ghettos beaucoup moins.
Derrière cet aspect moral de l’usage des drogues, on a tout une administration avec un appareil de répression qui sévit et qui du coup définit la notion de prohibition. L’interdiction créé la rentabilité. Dans la lutte anti-drogue, le système américain s’est déplacé à l’ONU avec une convention unique sur les stupéfiants en 1961, puis la convention sur les psychotropes en 1971 et la convention contre le trafic illicite des stupéfiants et des substances psychotropes de 1988. Trois organisations internationales en ont découlé : l’Organe International de Contrôle des Stupéfiants (OICS), l’Organe pour les Contrôle des Drogues et la Prévention du Crime (ODCCP) et le Programme des Nations Unies pour le Contrôle International des Drogues (PNUCID).

3.      Une discipline en construction

La géopolitique des drogues est une discipline en pleine construction évidemment parce qu’il est délicat d’aborder ces sujets ou d’avoir des informations. Les premiers travaux furent produits en 1972. On trouve d’abord un chercheur américain, Alfred W. MacCoy, et une chercheuse française, Catherine Lamour, dans le cadre de l’utilisation des drogues dans des buts géopolitiques en Asie du Sud-Est de la part des services secrets des puissances coloniales. Depuis lors, plusieurs travaux se sont multipliés notamment sur les grands espaces où se développent les drogues illicites. En 1990 est créé l’Observatoire Géopolitique des Drogues (OGD).


II.                Qu’est ce que la géopolitique des drogues illicites ?

1.      Les territoires de production

Pour des raisons climatiques, historiques et politiques, la production de drogue est généralement très limitée. Pour la cocaïne, 3 pays andins la produisent : Pérou, Bolivie et Colombie. Quant aux marchés de consommation, ils se font principalement dans les pays du Nord où c’est très rentable, plus que dans le Sud. L’opium se produit dans les deux « triangles d’or ». Pour le cannabis, c’est plus complexe, on le produit facilement. Ainsi en Côte d’Ivoire, après l’effondrement des prix des produits agricoles type café ou cacao, les agriculteurs ont développé des plants de cannabis dont le retour financier c’est avéré plus important. Plus une économie se détériore, plus le marché des drogues illicites peut se développer.

Plus localement, les régions de production des drogues illicites sont des régions difficiles d’accès donc pas forcément bien maîtrisées par le pouvoir central. Il se trouve que cela se double souvent d’une population locale isolée et ignorée par les pouvoirs en place. C’est le cas des Berbères au Maroc dont la culture de cannabis est non seulement historique et culturelle, mais dont l’interdiction des drogues donne une valeur marchande très intéressante et produit des trafics. Idem pour les tribus montagnardes des deux « triangles d’or » ou pour les populations indiennes dans les Andes, elles ont très longtemps été reléguées par les pouvoirs. Ce n’est qu’avec l’illégalité de la vente des drogues et les revenus que ces populations ont cultivé ces plantes. Il y a un intérêt financier, un intérêt contestataire et parfois les deux phénomènes se recoupent et la drogue permet de financer des mouvements de contestation de ces peuples contre le pouvoir centrale.

2.      Les routes

La drogue est cependant un processus complexe car depuis la plante jusqu’à la drogue, on a des transformations constantes de la matière. On peut donc considérer que les activités du narcotrafic se font tout au long de la chaîne.
Autre caractéristique, cette géographie est très fluctuante. En effet, dés qu’on identifie le trajet d’une drogue, les travailleurs en prennent une autre. Selon le géographe Pierre-Arnaud Chouvy, on peut parler d’anti-routes, des routes détournées où les contrôles du pouvoir seront réduits.
Dernier point à souligner, aujourd’hui les trafics de drogues prennent des routes de « poly-trafics », où l’on trouve un commerce illégal d’armes, de clandestins, de contrefaçons, …

Pour l’Amérique du Nord, les drogues de cocaïne passent par le Mexique. Pour l’Europe, cela passe par l’Amérique du Sud et arrive ensuite en Europe. L’héroïne européenne passe par les Balkans (cf diapo 28 à 30).

3.      Géopolitique des revenus

Deux sources possibles existent pour ajouter de la valeur aux drogues. D’une part, on raffine le produit, de l’autre, on passe des zones dangereuses. Ainsi, le prix de la drogue au Texas sera trois fois supérieur à cette même drogue dans l’état mexicain voisin du Coahuila.
On a aussi des profits indirects pour les forces de sécurité ou le personnel politique, parfois cela finance des groupes armés rebelles. On trouve aussi des spécialistes en conseils financiers pour blanchir l’argent (généralement dans le système immobilier, ou là où l’appareil étatique est défaillant). En 2011, l’ONUDC estime à 220 milliards de dollars les profits du narcotrafic blanchis.


III.             Drogues, guerres et « guerres antidrogues »

1.      Les drogues comme instrument de la guerre

Les guerres sont financées par de nombreux moyens, mais il faut reconnaître que la drogue y est très souvent mêlée. Par exemple, le terme français « assassin » est à la racine venu du turc « haschischin », c'est-à-dire des hommes qui consomment du haschisch pour de donner du courage en allant au combat.

2.      Les drogues comme ressource financière de la guerre

A.     Les guerres secrètes

Source financière de nombreux conflits, on sait aussi que les drogues permettent de servir de couverture et de prétexte à la guerre. Par exemple, la CIA est connue pour avoir à plusieurs reprises toléré voire favoriser les trafics de drogue pour obtenir des informations. Ce double-jeu n’est pas non plus l’exclusivité américaine.

B.     Les guérillas

Là encore, en luttant contre la drogue en Colombie, et donc le mouvement des FARC, les USA se sont assurés d’avoir une hégémonie sur l’équipement et la formation de l’armée colombienne. L’Etat colombien leur est donc redevable suite à cette intervention contre la drogue.

3.      L’échec mondial de la lutte anti-drogue

Les solutions prônées par les spécialistes découlent de l’échec des mesures prises par les pays du Nord. Aujourd’hui le commerce des drogues demeure et s’amplifie dans certains domaines. La solution exemplaire fut la Thaïlande qui a proposé aux paysans des ressources alternatives et un changement du système économique. Il n’est cependant pas toujours facile de développer ce système, mais c’est la meilleure solution qu’on connaisse actuellement.

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