Une ville ? Non, une raffinerie de nuit.
III.
Echelle
internationale : sécurité et diversification des approvisionnements
1.
Domination du Moyen-Orient et de l’Organisation des Pays Exportateurs
de Pétrole (OPEP)
Contrairement à une
idée reçue, les ressources africaines en pétrole ne sont pas destinées à
croître de nouveau. La répartition des réserves de pétrole connues resteront de
l’ordre que l’on connaît aujourd’hui, avec un Moyen-Orient très important.
Le
raisonnement ne tient pas à une carte avec des producteurs et des pipelines, il
faut chercher les grands producteurs et les grands importateurs. On trouve
dedans l’OPEP, un cartel qui
s’entend sur les prix et la production autorisée des barils de pétrole. Leur
but est d’obtenir un maximum d’argent en échange de ce pétrole. Ils s’entendent
donc sur le juste milieu entre la rareté organisée et la production autorisée.
Aujourd’hui, il y a 12 pays dans l’OPEP, les principaux producteurs y sont
regroupés, exceptés quelques uns : Russie, Mexique, Canada, … Bien
entendu, les membres de l’OPEP étant parfois en conflit, certains des membres
trichent sur leur production.
Autour des
questions d’approvisionnement, on en conclu que la demande est de plus en plus
dispersée vers la Chine et l’Inde, en plus de l’Europe et de l’Amérique du
Nord. Du coté des producteurs en revanche, on a une reconcentration progressive
sans doute au profit du Moyen-Orient. Par contre, c’est sans prendre en compte
les gaz de schiste.
2.
Géopolitique des tubes et des voies maritimes
Les transports
principaux des gaz de schiste
se font à 60% par bateau, 40% par
oléoducs, chemins de fer et route. Les passages stratégiques entrent donc en
compte, souvent il s’agit des détroits dont la maitrise et la détention deviennent
des enjeux majeurs.
C’est
la situation du détroit d’Ormuz à l’extrémité du Golfe Persique entre l’Iran et
les Emirats Arabes Unis. Trouvant le lieu hautement stratégique et aux mains
d’autres acteurs qu’elle-même, l’Arabie Saoudite a décidé d’établir des
pipelines dans son désert à destination de la Méditerranée. L’idée est bonne
puisqu’on évite un détroit haut lieu du piratage et qu’on se rend en direction
de l’Union Européenne, un des consommateurs principaux. La construction d’un
pipeline est très couteuse, très peu rentable lorsqu’on le bloque.
En Asie centrale,
même problème autour de la Mer Caspienne. Longtemps le jeu fut simple, les
hydrocarbures de la mer caspienne étaient soit aux mains de la Russie, soit à
celles de l’Iran.
Avec l’explosion de l’URSS, on voit entrer l’Azerbaïdjan, la Géorgie, le
Kazakhstan et le Turkménistan. Comme les pays consommateurs souhaitent ne pas
être uniquement dépendants du Moyen-Orient instable, on a développé une
stratégie autour de cette mer. Les problèmes sont qu’on a une pluralité
d’acteurs, et que la Mer Caspienne est une mer fermée. Il faut donc construire
des infrastructures adaptées. Les infrastructures en place étaient russes, à
destination du cœur industriel russe. Mais les nouveaux pays ont souhaités, en
accord avec les pays consommateurs, développer une stratégie simple :
comment exporter le pétrole de la Mer Caspienne sans passer par la Russie.
L’Iran est sous les sanctions internationales, l’Afghanistan et l’Irak sont
déstabilisés par des guerres, le Kazakhstan ne peut plus imaginer un pipeline
passant dans le Xinjiang.
Un
des pipelines part du Kazakhstan, passe en Russie et débouche sur la Mer Noire.
Les Américains avaient financé ce projet mais ont réalisé que la Russie
effectuait régulièrement des chantages. Un autre, le BTC, fut construit depuis Bakou en Azerbaïdjan puis en Géorgie
et déboucher ainsi en Mer Noire. Les USA se sentant plus proche de la Turquie,
ils ont développé une autre branche qui débouche (après être passé par Bakou et
Tbilissi) sur un port turc de Méditerranée. Un des avantages non négligeables,
c’est qu’on évite de se rendre de la Mer Noire à la Mer Méditerranée et on n’a
plus besoin de passer par tous les détroits et bosphores très risqués. Le
risque n’est pas une instabilité politique autour de ces détroits, mais plus
des contraintes physiques et des risques environnementaux.
A
l’inverse, le projet du gazoduc TAP
(Turkménistan, Afghanistan et Pakistan) est en stand-by avec un Afghanistan
trop déstabilisé. La Chine envisage son projet de pipeline Kazakhstan – Chine.
La question des
détroits est donc cruciale.
Ormuz représente 30% du commerce total des hydrocarbures mais il est
susceptible d’être touché par des attentats. Le détroit de Bab-El-Mandab est
touché par la piraterie. Le détroit de Malacca est aussi plus ou moins instable
avec une Indonésie et une Malaisie qui ne contrôle qu’assez peu cette région.
Le détroit de Lambok qui passe en Indonésie est bien plus stable mais reste une
route secondaire actuellement. A l’inverse, le canal de Suez est très stable
grâce à l’armée égyptienne.
IV.
Les nouvelles
frontières
1.
Le pétrole du Xinjiang : une exploitation tardive mais à
haute valeur stratégique
Le Xinjiang, territoire le plus continental
de la Chine, est soumis à l’influence des Ouigours, musulmans qui ne parlent
pas le mandarin. Zone très éloignée du cœur chinois, elle n’a jamais connu un
seul investissement de la République Populaire. Si le pétrole qu’on y trouve
était déjà connu depuis longtemps, il n’a jamais été exploité car il était loin
et la Chine n’en avait pas besoin. Avec une consommation en pétrole croissante,
la Chine a décidé de réexploiter cette région dans
les années 1980. Ce faisant, les Ouigours marginalisés mais laissés en
paix, ont vu une arrivée massive de population Han. Le choc des cultures a
réveillé des velléités autonomistes, anti-Han, … Personne dans les années 1980 n’a voulu aidé au
développement de cette zone. Depuis les années 1990,
le Japon a donné des aides pour construire un pipeline qui longe la frontière
mongole.
D’autre part, si
l’on regarde les emplacements pétroliers en Russie et en Asie, on constate que
la technique champs de production – lieu de consommation n’est pas vraiment rentable. Des cabinets d’études ont
proposé que l’on fasse des transferts de barils entre zones. Plus clairement,
le pétrole du Xinjiang est vendu au Kazakhstan qui le raffine et le revend à
Moscou qui le consomme. Les nappes
pétrolières russes, en Sibérie n’ont plus besoin de se rendre à Moscou et sont
donc raffinées en Russie mais revendues au Japon et en Chine. Dans l’idée ce
n’est pas forcément compliqué, mais politiquement c’est beaucoup plus complexe
car les acteurs doivent se faire confiance et que cela reste limité. Ce sont les contrats SWAP.
2.
Les nouveaux enjeux pétroliers de la zone saharienne
Dans ce cadre
compliqué, l’Afrique subsaharienne est devenue un enjeu neuf. Si l’on avait
déjà d’anciens producteur type Nigéria, on en a des tous récents comme
l’Angola. Ce
pays a décidé de construire des infrastructures avec l’aide financière
chinoise. La Chine a accepté en échange d’un remboursement en pétrole de
l’Angola. Le Tchad a aussi des
petites réserves qu’il extrait avant de l’envoyer vers un port camerounais
(avec l’accord de la Banque Mondiale et des compagnies pétrolières). Enfin, on
a plus récemment le Soudan qui
débouche en Mer Rouge à destination de l’Asie.
On constate que les
grands consommateurs de pétrole se sont tous positionnés sur le marché africain dont on considère le pétrole
comme stratégique. Les grandes multinationales y sont aussi.
+
powerpoint.
Powerpoint du cours
Les drogues passionnent Hollywood : Breaking Bad, Weeds, The Wire
Powerpoint du cours
Géopolitique
des drogues illicites
I.
Introduction
1.
Définition
Dans ce cours,
l’objet lui-même est problématique.
Si l’on remonte dans l’histoire, on trouve une pluralité de définitions de ces
drogues. En géopolitique, trois branches existent : les lieux de
production, les moyens de transport et le ???
Par drogue
illicite, on qualifie en fait un phénomène qui existe depuis des siècles. Toutes les sociétés ont dans le
temps appris à identifier des plantes avec des effets sur les réactions
physiologiques et sur les états de conscience. Lorsque ces plantes s’enracinent
hors des rites religieux ou des usages classiques, on a eu une tendance à
les considérer comme des produits illicites. Les progrès de la médecine et
des sciences ont su identifier les composants à l’origine de ces états. A la fin du
XIX° siècle, on va définir un circuit légal d’usage de ces plantes
(médicaments, prescriptions, …) et en contrepartie des circuits illégaux avec
ce qu’on nommera des stupéfiants. Dans un cas, la légalité est avec nous,
dans l’autre on devient un délinquant. La notion de prohibition est à la base
de ces circuits des drogues illicites. D’où l’idée générale qui est que si on
légalise les drogues on fait exploser les circuits classiques et connus des
drogues.
2.
Histoire des plantes à drogue
Quatre types de
drogues illicites existent : la famille du cannabis, la famille de la
cocaïne, la famille de l’opium et les amphétamines. Ce dernier cas intéresse peu car
les lieux de production sont très proches des lieux de consommation. Beaucoup
plus intéressants sont les trois premières familles, des cultures de plantes.
La coca est produite historiquement au
Pérou, en Colombie et en Bolivie. Le Pérou a cependant très fortement diminué
sa production qui s’est déplacée en Bolivie. La coca est un excitant très
ancien qui n’a rien d’une drogue à l’état naturel. Après transformation, cela
devient une drogue illicite qui est très consommée dans les pays du Nord (USA,
Australie, Europe) et plus récemment en Amérique Latine.
Seconde culture, le
pavot, une
plante dont on incise le bulbe pour obtenir une sève à l’origine de la drogue
historique. Les champs de pavot sont dans deux régions : Afghanistan,
Pakistan, Iran pour la première zone ; Myanmar, Laos, Thaïlande pour la
seconde zone. Ces dérivés sont consommés aux USA, en Russie et en Océanie.
Dernière culture,
le cannabis qui
se cultive à peu près partout. Historiquement, c’est produit dans le rift
marocain en zone Berbère qui est en froid avec le pouvoir marocain. C’est de
loin la plus grande zone de production de cannabis, mais on en trouve à peu
près partout aujourd’hui. La consommation est elle aussi très étendue avec
l’Europe, les USA et l’Australie, mais plus récemment l’Amérique Latine et
l’Afrique.
La prohibition est
un système développé par les USA comme modèle d’interdiction légale et de
répression. Ce pays est d’ailleurs la seule superpuissance au monde qui soit
anti-drogue.
Sous couvert d’agir contre la drogue, les USA peuvent intervenir chez leurs
voisins pour d’autres raisons. Le
problème principal est cependant que la prohibition n’a aucun résultat
convaincant puisque supprimer un marché revient en fait à créer un appel
d’air et faire repousser ce marché ailleurs.
La théorie de la
répression vient
d’un courant américain qui a eu pour dogme que l’usage des stupéfiants est
moralement répréhensible. Le plaisir des corps issu d’une consommation de
drogue est avilissant, il est à l’opposé d’un plaisir qui serait lié à un
effort fourni. Donc c’est là qu’on décide de définir les usages sociaux
acceptables des inacceptables. Après selon la perception qu’on se fait du
consommateur et de l’usage de la drogue, cela est plus ou moins répréhensible.
Par exemple, un artiste qui peint sous l’emprise de drogues est plus ou moins
toléré, un pauvre des ghettos beaucoup moins.
Derrière
cet aspect moral de l’usage des drogues, on a tout une administration avec un
appareil de répression qui sévit et qui du coup définit la notion de
prohibition. L’interdiction créé la rentabilité. Dans la lutte anti-drogue, le système américain s’est déplacé à l’ONU
avec une convention unique sur les stupéfiants en 1961,
puis la convention sur les psychotropes en 1971
et la convention contre le trafic illicite des stupéfiants et des substances
psychotropes de 1988. Trois organisations
internationales en ont découlé : l’Organe International de Contrôle des
Stupéfiants (OICS), l’Organe pour les Contrôle des Drogues et la Prévention du
Crime (ODCCP) et le Programme des Nations Unies pour le Contrôle International
des Drogues (PNUCID).
3.
Une discipline en construction
La
géopolitique des drogues est une discipline en pleine construction évidemment
parce qu’il est délicat d’aborder ces sujets ou d’avoir des informations. Les premiers travaux furent
produits en 1972. On trouve d’abord un
chercheur américain, Alfred
W. MacCoy, et une chercheuse française, Catherine Lamour, dans le cadre de l’utilisation
des drogues dans des buts géopolitiques en Asie du Sud-Est de la part des
services secrets des puissances coloniales. Depuis lors, plusieurs travaux se
sont multipliés notamment sur les grands espaces où se développent les drogues
illicites. En 1990 est créé l’Observatoire
Géopolitique des Drogues (OGD).
II.
Qu’est ce que la
géopolitique des drogues illicites ?
1.
Les territoires de production
Pour
des raisons climatiques, historiques et politiques, la production de drogue est
généralement très limitée. Pour la cocaïne, 3 pays andins la produisent : Pérou,
Bolivie et Colombie. Quant aux marchés de consommation, ils se font
principalement dans les pays du Nord où c’est très rentable, plus que dans le
Sud. L’opium se produit dans les deux « triangles
d’or ». Pour le cannabis, c’est
plus complexe, on le produit facilement. Ainsi en Côte d’Ivoire, après
l’effondrement des prix des produits agricoles type café ou cacao, les
agriculteurs ont développé des plants de cannabis dont le retour financier
c’est avéré plus important. Plus une économie se détériore, plus le marché des
drogues illicites peut se développer.
Plus
localement, les régions de production des drogues illicites sont des régions
difficiles d’accès donc pas forcément bien maîtrisées par le pouvoir central. Il se trouve que cela se double souvent d’une population locale isolée
et ignorée par les pouvoirs en place. C’est le cas des Berbères au Maroc
dont la culture de cannabis est non seulement historique et culturelle, mais
dont l’interdiction des drogues donne une valeur marchande très intéressante et
produit des trafics. Idem pour les tribus montagnardes des deux
« triangles d’or » ou pour les populations indiennes dans les Andes,
elles ont très longtemps été reléguées par les pouvoirs. Ce n’est qu’avec
l’illégalité de la vente des drogues et les revenus que ces populations ont
cultivé ces plantes. Il y a un intérêt financier, un intérêt contestataire et
parfois les deux phénomènes se recoupent et la drogue permet de financer des
mouvements de contestation de ces peuples contre le pouvoir centrale.
2.
Les routes
La drogue est
cependant un processus complexe car depuis la plante jusqu’à la drogue, on a
des transformations constantes de la matière. On peut donc considérer que les
activités du narcotrafic se font tout au long de la chaîne.
Autre
caractéristique, cette géographie est très fluctuante. En effet, dés qu’on identifie le
trajet d’une drogue, les travailleurs en prennent une autre. Selon le géographe
Pierre-Arnaud Chouvy,
on peut parler d’anti-routes, des routes détournées où les contrôles du pouvoir
seront réduits.
Dernier point à
souligner, aujourd’hui les trafics de drogues prennent des routes de
« poly-trafics »,
où l’on trouve un commerce illégal d’armes, de clandestins, de contrefaçons, …
Pour
l’Amérique du Nord, les drogues de cocaïne passent par le Mexique. Pour
l’Europe, cela passe par l’Amérique du Sud et arrive ensuite en Europe. L’héroïne
européenne passe par les Balkans (cf diapo 28 à 30).
3.
Géopolitique des revenus
Deux sources
possibles existent pour ajouter de la valeur aux drogues. D’une part, on
raffine le produit, de l’autre, on passe des zones dangereuses. Ainsi, le prix de la drogue au
Texas sera trois fois supérieur à cette même drogue dans l’état mexicain voisin
du Coahuila.
On a aussi des
profits indirects
pour les forces de sécurité ou le personnel politique, parfois cela finance des
groupes armés rebelles. On trouve aussi des spécialistes en conseils financiers
pour blanchir l’argent (généralement dans le système immobilier, ou là où
l’appareil étatique est défaillant). En 2011,
l’ONUDC estime à 220 milliards de dollars les profits du narcotrafic blanchis.
III.
Drogues, guerres et
« guerres antidrogues »
1.
Les drogues comme instrument de la guerre
Les
guerres sont financées par de nombreux moyens, mais il faut reconnaître que la
drogue y est très souvent mêlée.
Par exemple, le terme français « assassin » est à la racine venu du
turc « haschischin », c'est-à-dire des hommes qui consomment du
haschisch pour de donner du courage en allant au combat.
2.
Les drogues comme ressource financière de la guerre
A.
Les guerres secrètes
Source
financière de nombreux conflits, on sait aussi que les drogues permettent de
servir de couverture et de prétexte à la guerre. Par exemple, la CIA est connue
pour avoir à plusieurs reprises toléré voire favoriser les trafics de drogue
pour obtenir des informations. Ce double-jeu n’est pas non plus l’exclusivité
américaine.
B.
Les guérillas
Là encore, en luttant contre la
drogue en Colombie, et donc le mouvement des FARC, les USA se sont assurés
d’avoir une hégémonie sur l’équipement et la formation de l’armée colombienne.
L’Etat colombien leur est donc redevable suite à cette intervention contre la
drogue.
3.
L’échec mondial de la lutte anti-drogue
Les
solutions prônées par les spécialistes découlent de l’échec des mesures prises
par les pays du Nord. Aujourd’hui le commerce des drogues demeure et s’amplifie
dans certains domaines.
La solution exemplaire fut la Thaïlande qui a proposé aux paysans des
ressources alternatives et un changement du système économique. Il n’est
cependant pas toujours facile de développer ce système, mais c’est la meilleure
solution qu’on connaisse actuellement.
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