Géopolitique de l'Afrique 30 - 09 (cours 1)




 La désertification, une crise environnementale ou pas ?


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I.                   Un continent en crise ?

Par crise on entend une situation où les conditions de reproduction d’un système ne fonctionnent plus, le système ne peux donc plus se perpétuer. Cela peut toucher un système économique, politique, … On insiste alors souvent sur le versant négatif de la crise alors qu’on peut aussi mettre l’accent sur les transformations parfois positives que la crise amène. D’autre part, une crise est jugée brutale, elle induit une rupture. Or pour l’Afrique, s’il y a une crise, elle dure depuis au moins 30 ans. Peut être y a-t-il dans la crise africaine une résilience qui pérennise le système.

Des indépendances aux années 1980, l’Afrique est assez stable avec des États possédant à leurs têtes des présidents-dictateurs, qui furent élus une fois et qui ont conservé le pouvoir par la suite. Les frontières ne sont pas remises en cause. Les conflits sont donc peu nombreux. Ces rares conflits tiennent au contexte politique de Guerre Froide où certains États sont alliés au bloc de l’Est et d’autres au bloc de l’Ouest. Mais il s’agit plus de paralysie qu’autre chose.
Aux alentours des années 1980 – 1990, cela change. Les cours des matières premières fluctuent de plus en plus et au final ont tendance à décliner. Or les économies africaines reposent sur cette exportation de matières premières. Du coup, les pays se retrouvent vite endettés. De plus, des crises sociales émergent de cette économie fragile. A cela s’ajoute les déstabilisations politiques puisque les présidents-dictateurs meurent ou sont remplacés. Les États occidentaux s’en mêlent et la chute de l’URSS ajoute des flux d’armes en circulation en Afrique qui jusque là était relativement limités.
En conséquence on a parlé de « décennie de chaos » pour qualifier les années 1990 en Afrique, « guerre mondiale africaine » pour qualifier les conflits du centre de l’Afrique (Rwanda – Burundi, …). Depuis 2005 – 2006, une nouvelle zone d’instabilité émerge, la zone sahélienne. En effet, depuis le Darfour, le Sahara est un espace de moins en moins contrôlé, un Islam radical et violent s’y développe. Ces grandes zones instables sont aussi accompagnées de conflits alentours.
Dans ces zones on trouve des conflits et des guerres civiles mais aussi des guerres interétatiques (souvent les deux aspects se mélangent). C’est donc la région du monde où on trouve le plus d’États faillis, d’États voyous, … Mais de tels modèles occidentaux ne peuvent se transposer si aisément en Afrique. L’idéal de l’État wébérien ne peut pas s’appliquer à l’Afrique. Alors on a des États qui sont contestés dans leur territoire, qui ne détiennent pas tous les pouvoirs régaliens.

On trouve aussi des crises sanitaires qui sont mesurées par les taux de mortalité (particulièrement avec le taux de mortalité infantile puisque les enfants sont les plus touchés). Ces crises tiennent à l’absence de conditions sanitaires décentes (eau potable, …), au manque d’infrastructures (peu d’hôpitaux, de docteurs, …), … En moyenne en Afrique, 1 enfant sur 10 n’atteint pas l’âge de 10 ans. Dans les pays d’Afrique australe, on trouve parfois 30% de séropositifs au SIDA.

On parle aussi des crises environnementales avec une avancée progressive du désert dans le Sahel, cela qualifie surtout des zones où les sécheresses sont de plus en plus longues. Or le continent est pour un tiers en climat aride ou semi-aride, donc très sujet à des épisodes de sécheresses. D’ailleurs le rapport du JIEC publié en septembre 2013 souligne que l’aridité risque de s’accentuer en Afrique et les sécheresses exceptionnelles pourraient bien se faire plus régulières. S’en suit alors la question de la vulnérabilité des États africains face à ces changements climatiques.
Evidemment, ces crises environnementales sont manipulées pour être associées aux crises politiques (comme la guerre du Darfour soi-disant consécutif à une aridité).

Les crises alimentaires perdurent en Afrique quand l’Inde et la Chine ont presque relevées le défi de stabiliser ces crises. Depuis 2007 – 2008, on revoit apparaître une certaine insécurité alimentaire.

Les crises économiques ne sont pas non plus à négliger, la plupart des pays africains sont pauvres si on excepte l’Afrique du Sud et le Nigéria qui s’en sortent bien. La plupart de ses économies sont primaires, donc exportatrices de matières premières. On a alors des modèles rentiers, des exportations de matières brutes qui sont transformées à l’étranger avec une valeur ajoutée pour être revendues ensuite en Afrique. L’Afrique apparaît donc en situation de vulnérabilité face aux cours mondiaux (mais en contrepartie en période de mieux, l’Afrique est tirée vers le haut). Politiquement, l’État rentier qualifie un État où les revenus issus de la rente sont captés par une élite politique et / ou économique pour n’être redistribué que modérément vers le pays. Le système ne marche que si la rente fonctionne, pas si elle est en crise. Dans le système de rente, il faut distinguer les exportateurs agricoles et les exportateurs miniers. Les exportateurs agricoles furent touchés par les crises des matières premières agricoles : Ethiopie, Kenya, …
Un autre versant de cette économie révèle qu’en Afrique, les secteurs les plus importants sont l’agriculture (avec des transitions urbaines parfois achevées, parfois en cours et parfois pas du tout entamées), puis en ville on trouve principalement comme activité les économies informelles, le secteur des télécoms, le commerce, l’artisanat, le bâtiment, … L’économie informelle a bien des aspects négatifs. Ce système de débrouillardise empêche tout revenu à l’État, les travailleurs vivent dans une situation assez précaire, le développement du pays n’est pas possible.
La crise économique se prolonge par l’aspect de mise à l’écart de l’Afrique dans la mondialisation. Le continent ne touche que 1,5% des flux de capitaux mondiaux, concentrés surtout en Afrique du Sud, au Nigéria et en Angola. Il faut tout de même souligner que le continent s’inscrit malgré tout dans les nouvelles technologies, qu’il continent est en lien avec tous les autres pays puisque ses premiers partenaires économiques sont les USA puis la Chine. On a aussi les flux de population avec des facteurs push (qui repoussent la population, comme la guerre) et d’autres facteurs pull (qui attirent la population, comme la ville ou la richesse). L’essentiel des migrations sont intrafricaines avec quelques nouvelles destinations hors Afrique : la Chine, l’Inde, l’Afrique du Nord, les pays du Golfe et les USA.

Reste la crise démographique, où la population africaine a vu son taux de mortalité chuter rapidement mais pas son taux de natalité. De plus, la fécondité reste à un niveau élevé depuis longtemps. Du coup, on s’est dit que le modèle de la transition démographique n’était pas valable pour l’Afrique. En fait, si, mais de manière assez instable. Du coup, on a l’arrivée de plusieurs jeunes sur un marché du travail déjà saturé.

Depuis 2005, les indicateurs si mauvais pour l’Afrique semblent évoluer un peu plus positivement. Ainsi, on a parfois entendu parler de la « renaissance africaine », discours qui s’appuie sur quelques pays modèles (l’Afrique du Sud, le Ghana, …). On a donc certains pays jugés stables, d’autres qui se stabilisent, d’autres qui ne s’effondrent pas en dépit des analyses, … D’autres au contraire s’effondrent comme le Mali qui est passé de relativement stable à instable.
De plus, les taux de croissance sont plutôt encourageants en Afrique, jusqu’à 7% dans certains pays. Ainsi, la crise financière de 2008 ne les a guère touché, du fait aussi qu’il étaient assez peu inscrits dans la mondialisation. Cela s’explique aussi par le fait que le prix des matières premières est monté avec l’émergence de nouveaux États émergents très consommateurs (de la Chine au Brésil). On peut notamment souligner l’intérêt nouveau pour le pétrole africain. En effet, le continent possède deux grands bassins sédimentaires : le Sahara et le Golfe de Guinée. Du coup, puisqu’on aurait dépassé le pic oil, il faut diversifier les sources de pétrole. Ainsi, avec la remontée des cours, les entreprises sont prêtes à miser davantage. On fonctionne sur du pétrole off-shore en pleine mer ce qui est plus sur que de l’on-shore sur des pays instables.
Les ressources minières ne sont pas non plus négligeables. L’expression de « scandale géologique » par exemple, fait référence au Katanga, une région scandaleusement riche en minerais selon les experts. On y trouvait des métaux nobles et des terres rares.
A cela on peut ajouter le land grab, une prise de terrain par des pays étrangers pour y faire des cultures agricoles.

Tout cela diversifie les partenaires avec l’Afrique. L’Europe n’est plus la seule région à tenir l’Afrique. On peut ajouter la Corée du Sud, la Chine, l’Indonésie, l’Inde, le Japon, le Brésil, les pays arabes (tant historiquement que culturellement, politiquement et  religieusement). On trouve aussi des acteurs intrafricains comme l’Afrique du Sud, mais aussi le Nigéria, … Sans compter les multinationales et les firmes implantées en Afrique, les diasporas, …
Ainsi les anciens alliés historiques de l’Afrique sont toujours très présents mais méfiants face à l’arrivée de ces nouveaux acteurs qui proposent de meilleurs conditions de partenariat.

Autre point positif, un retour de classe moyenne africaine avec une élite qui part temporairement à l’étranger pour revenir ensuite travailler dans leur pays d’origine. Des artistes internationalement reconnus font aussi partis de ce paysage positif.

D’un autre coté il y a des points négatifs qui demeurent. La situation politique instable demeure surtout avec la crise sahélienne. De plus, l’évolution de l’IDH stagne en dépit de la montée économique du continent, le plan social ne s’améliore pas depuis les années 2000. Enfin, la question de l’État rentier persiste : la rente est captée par une élite, le marché de l’emploi stagne en l’absence de marché industriel, … L’expression de « malédiction des matières premières » demeure.


II.                Comment aborder les questions africaines ?

1.      Le courant ???

Ce courant a longtemps souligné à quel point la réalité africaine était occulté derrière l’afro-pessimisme. Cet afro-pessimisme qualifie l’Afrique de continent du malheur, qui cumule toutes les crises et qui ne pourra évoluer. Ce discours est très ancré dans le discours public, scientifique et politique. L’afro-pessimisme revient à décrire une situation qui va mal. Pour ce courant, un tel discours empêche de connaître la véritable situation africaine, il fausse la donne et méconnaît le continent. De plus, ce discours est très ethnocentriste. Enfin c’est une vision néocoloniale qui justifie le maintien d’une domination des pays d’Europe.
La méconnaissance de l’Afrique se révèle par l’utilisation des indices statistiques. Le Produit Intérieur Brut (PIB) est impossible à mesurer avec l’économie informelle. Les statistiques démographiques sont faussées, certains États les maximisent pour toucher des subventions, d’autres les minimisent pour montrer leurs efforts. L’approche quantitative est fragile et l’approche qualitative l’est tout autant. Cette méconnaissance transparaît aussi par la prise en compte globale de l’Afrique. Ce serait un tout, en dépit des différences de cultures, de langues, … Les mesures qualitatives sont aussi parfois très difficiles d’accès, certaines régions sont inaccessibles dans des périodes de l’année, d’autres trop dangereuses. On qualifie ces espaces de « zones grises », qui sont peu mesurées par les chercheurs, ou uniquement par des organismes humanitaires. La méconnaissance repose aussi sur une série de discours déterministes avec des modèles souvent décalés sur l’Afrique. C’est le cas de la notion d’« ethnie », notion qui résonne presque uniquement pour l’Afrique et qui sert d’explication mécanique dans certains conflits. Idem pour le climat à l’origine de conflit, comme on peut le lire pour le cas du Darfour. Ce discours apparaît alors parfois comme simplificateur, ignorant d’autres facteurs d’influence et parfois menant à une victimisation.
L’aspect ethnocentriste transparait par des conceptions occidentales transposées en Afrique. Parler de l’État africain quand celui-ci existe depuis 60 ans, c’est difficile de tenir la comparaison avec les États occidentaux. Du coup, on fait comme si l’État était central et on minimise d’autres acteurs (les multinationales, les systèmes corporatifs, la cellule familiale, …). Du coup, selon les indicateurs européens, l’Afrique apparaît toujours inférieure (comme le caddie de denrées nécessaires). On perpétue ainsi l’aspect néocolonialiste, à l’instar du discours de Nicolas Sarkozy où « l’homme africain n’a pas d’histoire ».




2.      La tentative de retournement des points de vue

Suite à ces écueils, il s’avère difficile d’étudier l’Afrique. Les études postmodernes ont montrés à quel point les discours scientifiques sont imprégnés de vanité et sont construit par un groupe particulier d’individus. Cela impose au chercheur de se replacer dans son contexte et sa démarche, d’autant plus que l’Afrique contient des morceaux d’identité française et que c’est une zone dangereuse avec une grande misère humaine.
C’est aussi difficile car le chercheur se retrouve face à des courants de pensées nationaux voire internationaux. Il y a beaucoup de querelles d’écoles comme avec le courant des postcolonial studies inspiré d’Edward Saïd, discours parfois globalisant, discours militant, discours peu utilisé dans les relations internationales.

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