La désertification, une crise environnementale ou pas ?
???
I.
Un continent en
crise ?
Par crise on entend
une situation où les conditions de reproduction d’un système ne fonctionnent
plus, le système ne peux donc plus se perpétuer. Cela peut toucher un système
économique, politique, … On insiste alors souvent sur le versant négatif de la
crise alors qu’on peut aussi mettre l’accent sur les transformations parfois
positives que la crise amène. D’autre
part, une crise est jugée brutale, elle induit une rupture. Or pour l’Afrique,
s’il y a une crise, elle dure depuis au moins 30 ans. Peut être y a-t-il dans
la crise africaine une résilience qui pérennise le système.
Des indépendances
aux années 1980, l’Afrique est assez stable avec des États possédant à leurs
têtes des présidents-dictateurs, qui furent élus une fois et qui ont conservé
le pouvoir par la suite. Les frontières ne sont pas remises en cause. Les
conflits sont donc peu nombreux. Ces rares conflits tiennent au contexte
politique de Guerre Froide où certains États sont alliés au bloc de l’Est et
d’autres au bloc de l’Ouest. Mais il s’agit plus de paralysie qu’autre chose.
Aux alentours des années 1980 – 1990, cela change. Les cours des
matières premières fluctuent de plus en plus et au final ont tendance à
décliner. Or les
économies africaines reposent sur cette exportation de matières premières. Du
coup, les pays se retrouvent vite endettés. De plus, des crises sociales émergent de cette économie fragile. A cela
s’ajoute les déstabilisations politiques puisque les présidents-dictateurs meurent ou sont remplacés. Les États
occidentaux s’en mêlent et la chute de l’URSS ajoute des flux d’armes en
circulation en Afrique qui jusque là était relativement limités.
En conséquence on a
parlé de « décennie de chaos » pour qualifier les années 1990 en Afrique, « guerre mondiale africaine » pour qualifier
les conflits du centre de l’Afrique (Rwanda – Burundi, …). Depuis 2005 – 2006, une nouvelle
zone d’instabilité émerge, la zone sahélienne. En effet, depuis le Darfour,
le Sahara est un espace de moins en moins contrôlé, un Islam radical et violent
s’y développe. Ces grandes zones instables sont aussi accompagnées de conflits
alentours.
Dans ces zones on
trouve des conflits et des guerres civiles mais aussi des guerres
interétatiques (souvent les deux aspects se mélangent). C’est donc la région du
monde où on trouve le plus d’États faillis, d’États voyous, … Mais de tels
modèles occidentaux ne peuvent se transposer si aisément en Afrique. L’idéal de l’État wébérien ne
peut pas s’appliquer à l’Afrique. Alors on a des États qui sont contestés dans
leur territoire, qui ne détiennent pas tous les pouvoirs régaliens.
On trouve aussi des
crises sanitaires
qui sont mesurées par les taux de mortalité (particulièrement avec le taux de
mortalité infantile puisque les enfants sont les plus touchés). Ces crises
tiennent à l’absence de conditions sanitaires décentes (eau potable, …), au
manque d’infrastructures (peu d’hôpitaux, de docteurs, …), … En moyenne en
Afrique, 1 enfant sur 10 n’atteint pas l’âge de 10 ans. Dans les pays d’Afrique
australe, on trouve parfois 30% de séropositifs au SIDA.
On parle aussi des
crises environnementales
avec une avancée progressive du désert dans le Sahel, cela qualifie surtout des
zones où les sécheresses sont de plus en plus longues. Or le continent est pour
un tiers en climat aride ou semi-aride, donc très sujet à des épisodes de
sécheresses. D’ailleurs le rapport du JIEC publié en septembre 2013 souligne
que l’aridité risque de s’accentuer en Afrique et les sécheresses exceptionnelles
pourraient bien se faire plus régulières. S’en suit alors la question de la
vulnérabilité des États africains face à ces changements climatiques.
Evidemment, ces
crises environnementales sont manipulées pour être associées aux crises
politiques
(comme la guerre du Darfour soi-disant consécutif à une aridité).
Les crises
alimentaires
perdurent en Afrique quand l’Inde et la Chine ont presque relevées le défi de
stabiliser ces crises. Depuis 2007 – 2008,
on revoit apparaître une certaine insécurité alimentaire.
Les crises
économiques ne sont pas non plus à négliger, la plupart des pays africains sont
pauvres si on excepte l’Afrique du Sud et le Nigéria qui s’en sortent bien. La plupart de ses économies sont primaires, donc
exportatrices de matières premières. On a alors des modèles rentiers, des
exportations de matières brutes qui sont transformées à l’étranger avec une
valeur ajoutée pour être revendues ensuite en Afrique. L’Afrique apparaît donc
en situation de vulnérabilité face aux cours mondiaux (mais en contrepartie en
période de mieux, l’Afrique est tirée vers le haut). Politiquement, l’État
rentier qualifie un État où les revenus issus de la rente sont captés par une
élite politique et / ou économique pour n’être redistribué que modérément vers
le pays. Le système ne marche que si la rente fonctionne, pas si elle est en
crise. Dans le système de rente, il faut
distinguer les exportateurs agricoles et les exportateurs miniers. Les
exportateurs agricoles furent touchés par les crises des matières premières
agricoles : Ethiopie, Kenya, …
Un autre versant de
cette économie révèle qu’en Afrique, les secteurs les plus importants sont
l’agriculture
(avec des transitions urbaines parfois achevées, parfois en cours et parfois
pas du tout entamées), puis en ville on trouve principalement comme activité
les économies informelles, le secteur des télécoms, le
commerce, l’artisanat, le bâtiment, … L’économie
informelle a bien des aspects négatifs. Ce système de débrouillardise empêche
tout revenu à l’État, les travailleurs vivent dans une situation assez
précaire, le développement du pays n’est pas possible.
La crise économique
se prolonge par l’aspect de mise à l’écart de l’Afrique dans la mondialisation.
Le continent ne touche que 1,5% des flux de capitaux mondiaux, concentrés surtout en Afrique
du Sud, au Nigéria et en Angola. Il faut tout de même souligner que le
continent s’inscrit malgré tout dans les nouvelles technologies, qu’il
continent est en lien avec tous les autres pays puisque ses premiers
partenaires économiques sont les USA puis la Chine. On a aussi les flux de population avec des facteurs push (qui repoussent la population,
comme la guerre) et d’autres facteurs pull (qui attirent la population,
comme la ville ou la richesse). L’essentiel des migrations sont intrafricaines
avec quelques nouvelles destinations hors Afrique : la Chine, l’Inde,
l’Afrique du Nord, les pays du Golfe et les USA.
Reste la crise
démographique,
où la population africaine a vu son taux de mortalité chuter rapidement mais
pas son taux de natalité. De plus, la fécondité reste à un niveau élevé depuis
longtemps. Du coup, on s’est dit que le modèle de la transition démographique
n’était pas valable pour l’Afrique. En fait, si, mais de manière assez
instable. Du coup, on a l’arrivée de plusieurs jeunes sur un marché du travail déjà
saturé.
Depuis
2005, les indicateurs si mauvais pour l’Afrique semblent
évoluer un peu plus positivement. Ainsi, on a parfois entendu parler de la « renaissance
africaine », discours qui s’appuie sur quelques pays modèles (l’Afrique du Sud, le Ghana, …).
On a donc certains pays jugés stables, d’autres qui se stabilisent, d’autres
qui ne s’effondrent pas en dépit des analyses, … D’autres au contraire
s’effondrent comme le Mali qui est passé de relativement stable à instable.
De plus, les taux
de croissance sont plutôt encourageants en Afrique, jusqu’à 7% dans certains pays.
Ainsi, la crise financière de 2008 ne les a
guère touché, du fait aussi qu’il étaient assez peu inscrits dans la
mondialisation. Cela s’explique aussi
par le fait que le prix des matières premières est monté avec l’émergence de
nouveaux États émergents très consommateurs (de la Chine au Brésil). On peut notamment souligner l’intérêt
nouveau pour le pétrole africain. En effet, le continent possède deux
grands bassins sédimentaires : le Sahara et le Golfe de Guinée. Du coup,
puisqu’on aurait dépassé le pic oil,
il faut diversifier les sources de pétrole. Ainsi, avec la remontée des cours,
les entreprises sont prêtes à miser davantage. On fonctionne sur du pétrole
off-shore en pleine mer ce qui est plus sur que de l’on-shore sur des pays
instables.
Les ressources
minières ne sont pas non plus négligeables. L’expression de « scandale géologique »
par exemple, fait référence au Katanga, une région scandaleusement riche en
minerais selon les experts. On y trouvait des métaux nobles et des terres
rares.
A cela on peut
ajouter le land grab, une prise de
terrain par des pays étrangers pour y faire des cultures agricoles.
Tout cela
diversifie les partenaires avec l’Afrique. L’Europe n’est plus la seule région à tenir
l’Afrique. On peut ajouter la Corée du Sud, la Chine, l’Indonésie, l’Inde, le
Japon, le Brésil, les pays arabes (tant historiquement que culturellement,
politiquement et religieusement). On trouve aussi des acteurs intrafricains
comme l’Afrique du Sud, mais aussi le Nigéria, … Sans compter les multinationales et les firmes implantées en Afrique,
les diasporas, …
Ainsi
les anciens alliés historiques de l’Afrique sont toujours très présents mais
méfiants face à l’arrivée de ces nouveaux acteurs qui proposent de meilleurs
conditions de partenariat.
Autre point
positif, un retour de classe moyenne africaine avec une élite qui part
temporairement à l’étranger pour revenir ensuite travailler dans leur pays
d’origine. Des artistes internationalement reconnus font aussi partis de ce
paysage positif.
D’un autre coté il
y a des points négatifs qui demeurent. La situation politique instable demeure surtout avec la crise sahélienne.
De plus, l’évolution de l’IDH stagne en
dépit de la montée économique du continent, le plan social ne s’améliore pas depuis les années 2000. Enfin, la question de l’État
rentier persiste : la rente est captée par une élite, le marché de
l’emploi stagne en l’absence de marché industriel, … L’expression de
« malédiction des matières premières » demeure.
II.
Comment aborder les
questions africaines ?
1.
Le courant ???
Ce courant a
longtemps souligné à quel point la réalité africaine était occulté derrière
l’afro-pessimisme. Cet afro-pessimisme qualifie l’Afrique de continent du
malheur, qui cumule toutes les crises et qui ne pourra évoluer. Ce discours est
très ancré dans le discours public, scientifique et politique.
L’afro-pessimisme revient à décrire une situation qui va mal. Pour ce courant,
un tel discours empêche de connaître la véritable situation africaine, il
fausse la donne et méconnaît le continent. De plus, ce discours est très ethnocentriste.
Enfin c’est une vision néocoloniale qui justifie le maintien d’une domination
des pays d’Europe.
La méconnaissance
de l’Afrique se révèle par l’utilisation des indices statistiques. Le Produit Intérieur Brut (PIB)
est impossible à mesurer avec l’économie informelle. Les statistiques
démographiques sont faussées, certains États les maximisent pour toucher des
subventions, d’autres les minimisent pour montrer leurs efforts. L’approche
quantitative est fragile et l’approche qualitative l’est tout autant. Cette
méconnaissance transparaît aussi par la prise en compte globale de l’Afrique.
Ce serait un tout, en dépit des différences de cultures, de langues, … Les
mesures qualitatives sont aussi parfois très difficiles d’accès, certaines
régions sont inaccessibles dans des périodes de l’année, d’autres trop
dangereuses. On qualifie ces espaces de « zones grises », qui sont
peu mesurées par les chercheurs, ou uniquement par des organismes humanitaires.
La méconnaissance repose aussi sur une série de discours déterministes avec
des modèles souvent décalés sur l’Afrique. C’est le cas de la notion d’« ethnie »,
notion qui résonne presque uniquement pour l’Afrique et qui sert d’explication
mécanique dans certains conflits. Idem pour le climat à l’origine de conflit,
comme on peut le lire pour le cas du Darfour. Ce discours apparaît alors
parfois comme simplificateur, ignorant d’autres facteurs d’influence et parfois
menant à une victimisation.
L’aspect
ethnocentriste transparait par des conceptions occidentales transposées en
Afrique. Parler
de l’État africain quand celui-ci existe depuis 60 ans, c’est difficile de
tenir la comparaison avec les États occidentaux. Du coup, on fait comme si l’État
était central et on minimise d’autres acteurs (les multinationales, les
systèmes corporatifs, la cellule familiale, …). Du coup, selon les indicateurs
européens, l’Afrique apparaît toujours inférieure (comme le caddie de denrées
nécessaires). On perpétue ainsi l’aspect néocolonialiste, à l’instar du
discours de Nicolas Sarkozy où « l’homme
africain n’a pas d’histoire ».
2.
La tentative de retournement des points de vue
Suite à ces
écueils, il s’avère difficile d’étudier l’Afrique. Les études postmodernes ont
montrés à quel point les discours scientifiques sont imprégnés de vanité et
sont construit par un groupe particulier d’individus. Cela impose au chercheur
de se replacer dans son contexte
et sa démarche, d’autant plus que
l’Afrique contient des morceaux d’identité française et que c’est une zone
dangereuse avec une grande misère humaine.
C’est aussi
difficile car le chercheur se retrouve face à des courants de pensées nationaux
voire internationaux. Il y a beaucoup de querelles d’écoles comme avec le courant
des postcolonial studies inspiré d’Edward Saïd, discours
parfois globalisant, discours militant, discours peu utilisé dans les relations
internationales.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire