Géopolitique des Amériques 17 - 10 (cours 3)


Une petite portion de la flotte américaine, développée sur l'idée d'Alfred Mahan.



La doctrine Monroe est une doctrine qui relance le panaméricanisme qui aboutira en 1958 à l’organisation des États américains. Auparavant, cela fut envisagé par Bolivar, qui avait proposé de réunir un ensemble d’États nouvellement indépendants. Mais trois États refusent de se rendre à la conférence organisé par Bolivar à Panama : le Chili, l’Argentine et ???. Bolivar développe alors un anti-américanisme qui n’est pas un anti-impérialisme puisque l’adversaire de l’époque est pour lui le Royaume-Uni. Il n’ignore pas que les USA sont influents et qu’ils pèseront plus sur l’Amérique latine par la suite, mais au moment de la conférence, c’est d’abord l’ennemi britannique.

En 1890, Alfred Mahan a montré l’utilité d’avoir une marine de guerre même en temps de paix pour les USA. Comme à cette époque, chaque État fédéral possède sa propre constitution et son propre droit, la question se pose de savoir si le droit de l’Union dépasse ou non le droit des États américains. Ainsi John Calhoun, vice-président des USA, développe la théorie de la nullification du droit. Selon les cas, un État peut ou non rejeter le droit de l’Union. Rejeter le droit n’est pas l’ignorer d’où ce terme de nullification. Or au même moment, le président Jackson estime lui que la juridiction de l’Union doit préconiser sur celle des États. Seule la fin de la Civil War américaine règlera cette question qui tiraille les dirigeants américains.
Durant la Civil War, les deux sociétés américaines sont en pleine opposition : Un Nord démocratique, en pleine modernisation et sans esclavagisme et un Sud aristocratique, traditionnel avec institution de l’esclavagisme. La question est alors de savoir comment la société sudiste peut fonctionner avec une telle opposition face au régime de l’Union. En effet, la société sudiste pratique l’esclavage quand bien même la constitution de l’Union tente de l’abolir. Alexis de Tocqueville pressentait déjà le conflit entre un État et l’Union. Il lui semblait probable que cette situation foncièrement intenable finisse par exploser. Lorsque Lincoln arrive au pouvoir de cette « maison divisée » telle qu’il l’appelait, le conflit va éclater au grand jour. Ainsi, la Civil War débute lorsque le Sud attaque les casernes de soldats du Nord. Or un avantage de départ pour le Sud, c’est qu’ils détiennent plus d’écoles militaires que le Nord. En revanche, le Nord possède une industrie en développement qu’il mettra au service du conflit. Ce conflit révèle la nécessité d’avoir une armée permanente pour les USA. Ce d’autant plus que l’Europe s’affaiblit doucement quand les USA s’affirme de leur côté.

En 1898, Cuba est libérée de l’influence espagnole par l’aide des USA dirigée par Théodore Roosevelt. On voit alors un interventionnisme américain apparaître. Surtout lorsque Roosevelt déclarera que « La sécurité des USA dépend de la sécurité du monde et la sécurité du monde dépend de la sécurité des USA ». C’est là, le corollaire Roosevelt à la doctrine Monroe. Or, Roosevelt est à l’opposé de la doctrine Monroe puisqu’il est pro-intervention quand la doctrine Monroe est un non-interventionnisme.
L’intérêt national des USA se projette donc sur le monde. Cependant, cette intervention se fait sur appel des alliés extérieurs. C’est le cas lors de la Première Guerre Mondiale où les USA interviendront lorsque l’Europe demandera son secours. Et cela ne se fait pas sans un refus de la part de la population américaine. L’hégémonie des USA s’est faite malgré eux dans leur conception. Ils ont agit par le fait « d’alliances enchaînantes » jusqu’en 1949. Jusqu’alors ils ont agit de manière très localisée et surtout temporaire. Dans le langage américain, on constate alors une dialectique de l’engagement et du retrait. Certains diront que leur logique est incohérente du fait de cette alternance entre engagement et retrait. Ainsi, lors de la création de la Société Des Nations (SDN), les USA en sont à l’origine mais n’y siègeront pas. Et pourtant les juristes américains seront très nombreux à se rendre en Europe. Idem, lors de la Seconde Guerre Mondiale, les USA interviennent et une fois la guerre achevée, ils se retirent immédiatement.
Pour Tocqueville, le rapport à la guerre des USA sera long parce qu’ils seront réticents à entrer en guerre, mais une fois qu’ils y seront entrés, ils iront sans doute jusqu’au bout. Il est vrai que lors de la Civil War, le WWI et la WWII, les USA sont entrés avec difficultés et iront écraser leur adversaire. La guerre devient donc un outil qui peut servir la politique extérieure des USA.



Entre 1941 et 1949, deux phénomènes nouveaux arrivent. Il faudrait une hégémonie à trois, institutionnalisée au travers du plus grand nombre d’États possibles. Cela doit alors se faire grâce aux États-Unis et à leur rapport avec les autres nations. Il faut donc une relative interdépendance et l’esquisse, non pas d’alliances enchaînantes, mais de rapprochements entre certains États pour négocier certains problèmes de l’avenir. Ce rapprochement doit être politique mais surtout pas militaire. Ainsi les USA se retirent immédiatement de l’Europe à la fin de la Seconde Guerre Mondiale tout en incitant les Européens à s’unir politiquement pour éviter la guerre. Leur intervention sera indirecte, en favorisant par une aide économique le redressement de l’Europe, le plan Marshall. Parallèlement, les Européens poussent les USA à assurer la force militaire sur place, d’autant plus qu’ils se sentent menacés par les armées de l’URSS. L’Europe se soumet donc aux Américains sur ce plan là.
Truman qui est démocrate se retrouve opposé à l’avis de son parti sur une nouvelle position des USA, mais malgré tout parvient à convaincre les membres du Sénat. Il prononce alors la doctrine Truman énoncée en mars 1947, qui doit définir la position des USA face au nouvel ennemi. Cette position est l’une des trois positions possiblement réalisable au président. Soit les USA se retiraient définitivement au risque d’une indifférence américaine, or c’est intenable car les USA se sont déjà investis économiquement en Europe. L’autre solution est le refoulement, prônée par Richard Nixon, donc faire la guerre à l’URSS. Restait enfin la doctrine de l’endiguement et la mise en place d’un système de neutralisation réciproque qui est largement accepté par les hommes politiques de tous bords à Washington. Cette notion d’endiguement revient à dire à l’ennemi qu’il n’envahira pas les pays encore libres. Inversement, cela signifie que les USA sont prêts à ne pas envahir ou déstabiliser les pays sur lesquels l’URSS exerce son hégémonie.
Sitôt définie cette politique, il faut mettre en place des outils. Pour Truman, déclarer cette doctrine c’est aussi dire aux Européens qui supplient les USA, qu’ils ont été entendus. Deux ans plus tard, l’outil tant attendu est mis en place, l’Organisation du Traité Atlantique Nord (OTAN). L’OTAN c’est la confirmation de l’engagement militaire des Américains et toute agression d’un membre de l’OTAN est alors considérée par les USA comme une agression personnelle. C’est au chef du commandement de décider des actions, c’est en lui que se trouve l’autorité de l’organisation.

Après cette création de l’OTAN, deux guerres vont changer radicalement le placement des USA : la guerre de Corée (1950 – 1953) et la guerre du Vietnam (1954 – 1975). Ces deux guerres sont un changement de paradigme des USA qui vont tout de même à chaque fois affirmer leur prééminence mondiale.
La guerre de Corée est une guerre qui se fait au nom du droit. Les armées américaines et onusiennes se font sous l’égide McArthur. Quand la Corée du Sud est envahie par la Corée du Nord, les USA interviennent sous mandat de l’ONU avant d’être repoussés par les armées chinoises puis de stabiliser la frontière comme avant l’attaque de 1950. Truman voulait dés le départ un retour au statu quo. McArthur qui avait un grand champ d’action sur le terrain,  Mais McArthur va tenter de réunifier la Corée, ce que Truman ne voulait pas. De plus, le général, pour empêcher que les armées chinoises ne continuent de passer le fleuve frontière avec les armées du Nord, a voulu répandre des déchets nucléaires dans ledit fleuve. Truman l’a laissé en place le temps des combats en évitant l’utilisation des déchets nucléaires. Cependant, sitôt la guerre achevée, Truman démet McArthur de ses fonctions. Dorénavant, le Président américain va se mêler des affaires y compris sur l’action militaire, alors que jusque là, ce n’était pas le cas.
De là découle l’échec vietnamien. Les militaires, soumis à un regard continuel du domaine civil, vont entrer en guerre au Vietnam. De plus, alors qu’avant les militaires avaient toute l’expertise pour agir militairement, dorénavant, le pouvoir politique possède ses propres experts et se donne le droit d’intervenir. En tentant de mettre en place des concepts abstraits lors de la guerre du Vietnam, les civils en provoqueront aussi son échec.

Vient alors la crise des missiles de Cuba, qui montre l’extrême limite de la Guerre Froide. Pour Raymond Aron, la Guerre Froide est un triptyque : dissuasion, persuasion et subversion. Lors de la crise de Cuba, les trois éléments clés d’Aron se retrouvent imbriqués.

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