La célèbre photo du pope, du Parlement et du peuple grec.
Sociohistoire politique de l’Europe méridionale
L’espace de l’Europe
du Sud se caractérise par une crise.
Comment cette crise est arrivée et qui y a-t-il derrière ? On trouve en
fait en arrière-plan une crise politique et notamment une crise de l’État,
celui-ci va mal. En France, l’État n’est pas affaibli et fonctionne correctement,
pas en Europe du Sud. Traditionnellement, quand un État va mal, on passe d’État
défaillant (qui ne remplit pas tous ses devoirs) à État faillis (qui perd le
contrôle d’une partie de son territoire) puis à l’État somalisé (qui implose). En Europe du Sud, ce serait surtout des États
faibles, donc pas encore défaillant. Les concepts appliqués pour l’Europe
du Sud peuvent servir pour une portée plus vaste. Des États faibles, on peut en
retrouver en Afrique, en Europe du Nord, en Amérique du Sud, …
I.
Les sentiers d’« étatisation »
différenciés
1.
Structure
Les États d’Europe
du Sud ont des constructions d’États différenciées du reste de l’Europe mais
aussi différenciés entre eux.
La structure de l’Europe du Sud repose entre autres là-dessus. Ainsi, quand l’État
wébérien s’est construit au cours du XX° siècle,
l’Espagne voyait au même moment son État détruit par différents régimes (dont celui
de Franco). On avait donc des pays
soumis à des dictatures. Parfois les Etats étaient difficilement détachés de la
religion qui parfois dominait l’aspect social de l’État. Cette question de
la religion qui prend en charge des tâches de l’État révèle une sorte de
pouvoir complémentaire mais parfois concurrent, on avait en quelques sortes
deux États : l’un officiel, l’autre religieux. En Grèce, c’est un sujet
récurrent, l’Eglise orthodoxe possède plein de choses dont entre autre des
territoires entiers qui sont sous le contrôle, non pas du Gouvernement, mais de
l’Eglise orthodoxe. Ainsi, ces États d’Europe
du Sud sont souvent très faibles d’un point de vue social. En Espagne, pour
compenser la faiblesse de l’État face à la santé ou au système locatif, les
étudiants restent longtemps chez leurs parents. Selon les propos de Pierre
Bourdieu, on a la main droite de l’État (coté strict et sécuritaire)
et la main gauche de l’État (coté
social et protecteur). De ce point
de vue en Italie, sans système étatique de soins, l’Italie n’aurait pas de main
gauche. D’autres pays n’ont pas de main droite.
2.
L’étatisation
Le problème d’une
étatisation différenciée c’est que cela implique que l’État n’est pas neutre.
L’État est plus faible, il lui plus difficile de se défendre.
De plus, l’État est
parfois poreux,
il ne parvient pas à monopoliser certaines tâches. C’est ce qui pousse à des
phénomènes de concurrence. Ainsi, un État faible sur l’aspect éducatif va voir
des systèmes privés se multiplier pour pallier à l’absence de l’État dans ce
domaine éducatif. Cet affaiblissement favorise le développement d’un
clientélisme.
Enfin, un État
faible, on peut essayer de le contrôler, alors différents groupes vont tenter
de le maîtriser.
Cela favorise une compétition entre ces groupes pour utiliser et mener l’État
selon son souhait. L’État n’est jamais totalement indépendant, mais dans les États
du Nord, on voit des États qui essayent de se détacher des lobbies et groupes
de pression. Dans les États du Sud, cette domination est beaucoup plus forte.
Ainsi en Grèce, la police semble partiellement infiltrée par des groupes
néonazis.
II.
L’État en Europe du
Sud, un espace de lutte entre élites
1.
Différents types d’élites
Cinq types d’élites
semblent se dégager dans les pays d’Europe du Sud :
·
L’armée : elle forme une élite
particulière aboutissant parfois à des « États dans l’État ». Leur
importance vient du fait que l’État est faible et leur laisse une certaine
autonomie. Le contrôle de l’État sur l’armée est aussi bien maigre. Il aboutit
parfois que ces élites militaires veulent conquérir les États. Par exemple, en
Grèce on ne sait pas le budget exact de l’armée grecque. Donc on ne sait pas
toujours non plus leur mission. Il en résulte que selon les estimations, en
pourcentage du PIB, la Grèce est le pays de l’UE qui dépense le plus dans
l’armée. Cela vient entre autres du passé du pays, dirigé temporairement par
des militaires.
·
Les élites économiques : plus l’État est faible, plus
la place de ces élites est importante. Elles contrôlent l’économie avec une
tendance à favoriser la fuite des capitaux au détriment de l’État. Ainsi en
Grèce, les élites économiques envoient leur progéniture étudier à l’étranger,
c’est une évidence pour ces élites. Leurs préjugés peuvent donc être
dommageables pour l’État.
·
Les élites bureaucratiques : les fonctionnaires qui
agissent dans le cadre dans l’État peuvent parfois en maîtriser un pan entier.
Si en France, les élites bureaucratiques ont une indépendance, leurs abus sont
rares (et comparativement bien faibles).
·
Les élites politiques : censées gouvernées le
pays, il leurs arrivent parfois de s’engager dans des processus de
clientélaire. Ainsi, on peut se contenter d’aider uniquement son territoire au sein
d’un État en ignorant totalement les autres problèmes du pays.
·
Les élites religieuses : relativement importantes
en Europe du Sud, elles sont parfois très proches de l’État. Ainsi à Malte, une
bonne partie du territoire appartient à l’Eglise catholique.
2.
Les rapports entre les élites et l’État
De sa faiblesse, l’État
en Europe du Sud produit des élites fortes et est d’autant plus menacés. Cela
se renforce par le fait qu’il y a une faible distinction entre les élites et l’État. Ainsi on retrouve ces élites
dans l’État, les concours officiels sont largement truqués, la justice peu
neutre, … On a donc des fonctionnaires plus liés aux élites extérieures qu’à l’État
même. Avec une telle situation, l’expertise s’en ressent et est moins
pertinente.
L’enjeu d’avenir
est donc dans le renforcement de l’État d’une part, et la neutralisation de cet
État d’autre part.
Cela passe donc par des recrutements neutres qui évitent le copinage ou la
cristallisation de certaines élites dans des branches de l’État. De telles solutions
en revanche prennent beaucoup de temps et les visions sur le long terme sont
nécessaires.
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