Sociologie politique de l'Europe du Sud 01 - 10 (cours 1)



 La célèbre photo du pope, du Parlement et du peuple grec.


Sociohistoire politique de l’Europe méridionale


L’espace de l’Europe du Sud se caractérise par une crise. Comment cette crise est arrivée et qui y a-t-il derrière ? On trouve en fait en arrière-plan une crise politique et notamment une crise de l’État, celui-ci va mal. En France, l’État n’est pas affaibli et fonctionne correctement, pas en Europe du Sud. Traditionnellement, quand un État va mal, on passe d’État défaillant (qui ne remplit pas tous ses devoirs) à État faillis (qui perd le contrôle d’une partie de son territoire) puis à l’État somalisé (qui implose). En Europe du Sud, ce serait surtout des États faibles, donc pas encore défaillant. Les concepts appliqués pour l’Europe du Sud peuvent servir pour une portée plus vaste. Des États faibles, on peut en retrouver en Afrique, en Europe du Nord, en Amérique du Sud, …


I.                   Les sentiers d’« étatisation » différenciés

1.      Structure

Les États d’Europe du Sud ont des constructions d’États différenciées du reste de l’Europe mais aussi différenciés entre eux. La structure de l’Europe du Sud repose entre autres là-dessus. Ainsi, quand l’État wébérien s’est construit au cours du XX° siècle, l’Espagne voyait au même moment son État détruit par différents régimes (dont celui de Franco). On avait donc des pays soumis à des dictatures. Parfois les Etats étaient difficilement détachés de la religion qui parfois dominait l’aspect social de l’État. Cette question de la religion qui prend en charge des tâches de l’État révèle une sorte de pouvoir complémentaire mais parfois concurrent, on avait en quelques sortes deux États : l’un officiel, l’autre religieux. En Grèce, c’est un sujet récurrent, l’Eglise orthodoxe possède plein de choses dont entre autre des territoires entiers qui sont sous le contrôle, non pas du Gouvernement, mais de l’Eglise orthodoxe. Ainsi, ces États d’Europe du Sud sont souvent très faibles d’un point de vue social. En Espagne, pour compenser la faiblesse de l’État face à la santé ou au système locatif, les étudiants restent longtemps chez leurs parents. Selon les propos de Pierre Bourdieu, on a la main droite de l’État (coté strict et sécuritaire) et la main gauche de l’État (coté social et protecteur). De ce point de vue en Italie, sans système étatique de soins, l’Italie n’aurait pas de main gauche. D’autres pays n’ont pas de main droite.

2.      L’étatisation

Le problème d’une étatisation différenciée c’est que cela implique que l’État n’est pas neutre. L’État est plus faible, il lui plus difficile de se défendre.
De plus, l’État est parfois poreux, il ne parvient pas à monopoliser certaines tâches. C’est ce qui pousse à des phénomènes de concurrence. Ainsi, un État faible sur l’aspect éducatif va voir des systèmes privés se multiplier pour pallier à l’absence de l’État dans ce domaine éducatif. Cet affaiblissement favorise le développement d’un clientélisme.
Enfin, un État faible, on peut essayer de le contrôler, alors différents groupes vont tenter de le maîtriser. Cela favorise une compétition entre ces groupes pour utiliser et mener l’État selon son souhait. L’État n’est jamais totalement indépendant, mais dans les États du Nord, on voit des États qui essayent de se détacher des lobbies et groupes de pression. Dans les États du Sud, cette domination est beaucoup plus forte. Ainsi en Grèce, la police semble partiellement infiltrée par des groupes néonazis.






II.                L’État en Europe du Sud, un espace de lutte entre élites

1.      Différents types d’élites

Cinq types d’élites semblent se dégager dans les pays d’Europe du Sud :
·         L’armée : elle forme une élite particulière aboutissant parfois à des « États dans l’État ». Leur importance vient du fait que l’État est faible et leur laisse une certaine autonomie. Le contrôle de l’État sur l’armée est aussi bien maigre. Il aboutit parfois que ces élites militaires veulent conquérir les États. Par exemple, en Grèce on ne sait pas le budget exact de l’armée grecque. Donc on ne sait pas toujours non plus leur mission. Il en résulte que selon les estimations, en pourcentage du PIB, la Grèce est le pays de l’UE qui dépense le plus dans l’armée. Cela vient entre autres du passé du pays, dirigé temporairement par des militaires.
·         Les élites économiques : plus l’État est faible, plus la place de ces élites est importante. Elles contrôlent l’économie avec une tendance à favoriser la fuite des capitaux au détriment de l’État. Ainsi en Grèce, les élites économiques envoient leur progéniture étudier à l’étranger, c’est une évidence pour ces élites. Leurs préjugés peuvent donc être dommageables pour l’État.
·         Les élites bureaucratiques : les fonctionnaires qui agissent dans le cadre dans l’État peuvent parfois en maîtriser un pan entier. Si en France, les élites bureaucratiques ont une indépendance, leurs abus sont rares (et comparativement bien faibles).
·         Les élites politiques : censées gouvernées le pays, il leurs arrivent parfois de s’engager dans des processus de clientélaire. Ainsi, on peut se contenter d’aider uniquement son territoire au sein d’un État en ignorant totalement les autres problèmes du pays.
·         Les élites religieuses : relativement importantes en Europe du Sud, elles sont parfois très proches de l’État. Ainsi à Malte, une bonne partie du territoire appartient à l’Eglise catholique.

2.      Les rapports entre les élites et l’État

De sa faiblesse, l’État en Europe du Sud produit des élites fortes et est d’autant plus menacés. Cela se renforce par le fait qu’il y a une faible distinction entre les élites et l’État. Ainsi on retrouve ces élites dans l’État, les concours officiels sont largement truqués, la justice peu neutre, … On a donc des fonctionnaires plus liés aux élites extérieures qu’à l’État même. Avec une telle situation, l’expertise s’en ressent et est moins pertinente.

L’enjeu d’avenir est donc dans le renforcement de l’État d’une part, et la neutralisation de cet État d’autre part. Cela passe donc par des recrutements neutres qui évitent le copinage ou la cristallisation de certaines élites dans des branches de l’État. De telles solutions en revanche prennent beaucoup de temps et les visions sur le long terme sont nécessaires.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire