Un sujet cher à Plantu.
Les
processus méridionaux de l’élargissement de l’Union Européenne
Le problème de
l’élargissement de l’Unions Européenne (UE) a longtemps été en direction de
l’Europe de l’Est. Aujourd’hui, c’est plutôt les Balkans et la Turquie qui
interrogent sur
un futur élargissement : Macédoine, Serbie, Monténégro, Turquie et Islande
sont candidats. D’autres États attendent d’être validés comme véritables
candidats : l’Albanie a candidaté mais n’a pas été encore validée. Les derniers
sont potentiellement candidats : Suisse, Bosnie-Herzégovine, Norvège et
Kosovo. Présentement, c’est donc l’Europe du Sud qui questionne.
I.
Les élargissements
au Sud
1.
La Grèce, le Portugal et l’Espagne
Après le Bénélux
puis l’Allemagne, l’Italie et la France, on a eu l’adhésion à toutes les
périodes des pays d’Europe du Sud qui ont posés problème lors des
élargissements.
Lorsque la Grèce a
adhéré à l’UE en 1981, son adhésion a été
longue et difficile.
L’accord d’association date du 9 juillet 1961,
mais dès le 8 juin 1959, la Grèce avait fait
les démarches pour être associée à la CEE. La
Grèce posait problème pour son caractère peut démocratique, associé aux autres
pays d’Europe. En revanche, il était stratégique d’un point de vue de la Guerre
Froide. Son enjeu géopolitique était celui d’un arrimage dans le bloc de
l’Est, proche de l’ex-Yougoslavie. Lorsque la dictature en 1967 et 1974
s’installe, les partenariats sont gelés. Sitôt les colonels tombés, le 17 novembre 1974, des élections libres se
déroulent et le 26 novembre, le gouvernement
élu déclare vouloir adhérer à l’UE. C’est accepté en 1976,
on ouvre des sessions de discussion avec différents gouvernements grecs (dont
certains étaient critiques vis-à-vis de l’UE). En 1979,
on finit par fixer un calendrier. Le 28 juin 1979, le Parlement grec signe l’accord
pour rejoindre l’UE, puis les 9 pays déjà membres votent chacun leur tour et
finalement le 25 juin 1980, les Pays-Bas
acceptent cette entrée. L’adhésion se fait donc le 1
janvier 1981. Sur la durée, la Grèce a donc mis beaucoup de temps à
rejoindre l’UE.
Sur le plan
politique, on s’élargissait au sein de l’UE. Sur le plan économique, on
prévoyait de faire rattraper la Grèce au PIB moyen de l’UE. Ce serait fait en 2006
et la Grèce est aujourd’hui grâce à l’UE le pays le plus riche des Balkans. Les
évènements se sont succédés avec les Jeux Olympiques en 2000, puis son adhésion à l’euro en 2004,
…
Pour le Portugal,
il s’agissait d’un des principaux États membres d’une construction concurrente
de la CEE, l’AELE
(Association Européenne de Libre Echange). On a longtemps vu les 6 membres de
la CEE opposés aux 7 membres de l’AELE. A cela on peut ajouter le COMECON
(conseil d’assistance économique mutuelle) dans les
années 1990, qui réunissait les pays d’Europe de l’Est communistes
proches de l’URSS. Quand le Portugal
entre dans la CEE en 1986, cela fait déjà 9
ans que le Portugal a entamé les conversations pour joindre le projet.
L’Espagne elle
aussi a eu cet ancrage dans l’OTAN et la CEE. Son adhésion fut aussi lente et
difficile. En 1977, le pays pose sa candidature, juste après le
Portugal. Longtemps cela va pêcher car la France est foncièrement opposée à l’Espagne
sur les aspects agricoles et piscicoles. Avec l’Espagne on a donc immédiatement
des tensions entre les États membres et les États candidats. On a donc eu 8 ans
et demi d’attente pour l’Espagne, ce qui est assez long.
En 1986, on assiste donc à une méridionalisation de
l’Europe (au
départ, la France et l’Italie, puis vient la Grèce et ensuite le Portugal et
l’Espagne). Puisque quelques États du Sud moins riches ont été intégrés, alors,
les autres États du Sud de l’Europe y voient une porte d’entrée. D’ailleurs le
Maroc pose aussi une candidature, poussant l’UE à fixer de nouvelles règles
d’adhésion comme celle d’une partie du territoire sur le continent européen.
Cette règle exclue de facto le Maroc, mais la Turquie peut encore candidater.
Depuis son adhésion,
l’Espagne a rattrapé son retard économique, a aussi eu des Jeux Olympiques, … L’Espagne est
aujourd’hui une des 4 têtes principales de l’UE, s’engageant activement dans le
processus de l’UE avec nomination de ses dirigeants à la tête de certains organismes
européens. En 2005, l’Espagne vote
massivement pour une constitution européenne. C’est donc un pilier important de
l’UE, très favorable à celle-ci.
On notera qu’il y a
eu des confrontations entre les pays du Nord de l’Europe avec ces pays du Sud. Le Royaume-Uni parlait des PIGS
(Portugal, Italia, Greece, Spain). Et les pays germaniques de « pays du
Club Med ».
2.
Chypre, Malte et la Croatie
En 1990, Chypre et Malte déposent leur candidature
qui sont associées à celles des pays de l’Est. Ces candidatures seront encore
longues puisque
les deux pays n’intègreront l’UE qu’en 2004.
C’est d’autant plus difficile que ces pays sont d’anciennes colonies
britanniques (avec des morceaux de leur territoire sous commandement
britannique). Leur emplacement est aussi stratégique : Malte est proche du
détroit entre l’Italie et la Tunisie, tandis que Chypre a pour voisin proche la
Syrie. Soulignons aussi l’adhésion d’extrême justesse de Malte en 2003, où uniquement 58% des Maltais votent pour
l’adhésion à l’UE, bien loin de l’euphorie des pays précédents. Chypre ratifie
aussi l’adhésion en 2003 sans qu’il y ait de
vote auprès de la population du fait du territoire divisé en deux. Seul le Sud
de Chypre est devenu membre de l’UE. C’est une forme d’échec puisque toute
l’île n’a pas rejoint l’UE. Ces
adhésions sont plus mitigées que les adhésions précédentes.
La Slovénie fait
figure d’exception puisqu’elle a adhéré bien vite à l’UE en 2004
puis à l’euro en 2007. On réalise
aujourd’hui que ce pays modèle possède une économie dirigiste plutôt corrompue.
La Croatie qui a ses côtes sur la Mer
Adriatique, sous-entendu Méditerranéen, est un État particulier qui a postulé
alors qu’il était en guerre en 1992. C’est
aussi un État à la forme toute particulière qui est aussi insulaire. Deux États
européens sont insulaires : la Grèce et la Croatie. Du fait des problèmes de guerre dans les
années 1990, évidemment l’UE a longtemps retardé son adhésion. La
candidature fut acceptée en 2004 et les
négociations ont commencé en 2005. Son
adhésion est donc éminemment politique. Il y a aussi une notion économique
puisque la Croatie avait une bonne économie. En 2004,
on a donc distingué la candidature croate de la candidature turque sur cet
argument économique (ainsi que sur la livraison d’un criminel de guerre). En
plus, pour ne rien simplifier, la Slovénie a annoncé qu’elle bloquerait
l’entrée de la Croatie au nom d’un conflit frontalier maritime. Finalement,
après être passé en commission et avoir négocier, la Slovénie laisse entrer la
Croatie.
Si
en France, peu importait l’adhésion de la Croatie, dans les Balkans, en Italie
et en Slovénie, c’était un enjeu majeur. Ce qui a largement profité à son adhésion,
c’est que son économie stable en période d’instabilité économique, lui a permis
finalement d’entrée en 2013, devenant le 28°
membre de l’UE.
Dorénavant, il ne
reste que des pays méditerranéens qui soulèvent des enjeux géopolitiques
majeurs pour entrer dans l’UE. Il reste donc trois États balkaniques qui ont
déposés leur candidature et qu’on a reconnus comme candidat :
Macédoine, Monténégro et Serbie.
L’UE leur demande régulièrement une mise aux normes de leur législation avant
de véritablement débuter leur intégration. L’Albanie
a déposé sa candidature pour rejoindre l’UE en 2009
mais n’est pas encore reconnue comme candidate. Seuls la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo n’ont pas encore candidaté
mais sont de potentiels candidats. Le Kosovo n’est pas sans poser de
nombreux problèmes, il est membre de la zone euro mais n’est pas reconnu comme État
par quelques membres de l’UE (comme l’Espagne).
Quant
aux micro-États : Andorre, Monaco, Vatican et Saint-Marin, ils ne sont pas
membres de l’UE mais sont compris dans l’espace Schengen, l’euro et autres
cadres de l’UE.
II.
La candidature
turque
1.
Histoire : 1955 – 2006
La
Turquie est un membre important de l’OTAN depuis
1955. Son rôle de pilier se double d’un rôle stratégique. La même année
que la Grèce, en 1959, la Turquie demande un accord d’association et l’obtient
en 1963 : c’est l’accord d’Ankara. Le
président de l’époque déclare alors que la Turquie a vocation à entrer dans
l’UE. Depuis lors, pour les élites turques, il est évident que la Turquie
entrera dans l’UE mais cela prend du temps. Alors que les élites européennes
n’ont cette conception que depuis une vingtaine d’année. En 1987, quand la démocratie s’est
véritablement installée, alors elle a déposée sa candidature. Cette
« vocation » turque à entrer dans l’UE s’appuie sur les liens
historiques, économiques, … En 1989, la commission européenne refuse cette
adhésion au nom d’un trop grand retard économique mais aussi un problème
politique lié à un conflit violent avec les Kurdes.
Cependant,
depuis 1989 et jusqu’à 1999, la Turquie
prend son essor économique et arrête aussi le leader turque du PKK, Abdullah Öcalan. Du coup, la Turquie retente sa
chance mais la Grèce retarde encore un peu avant d’accepter en 1997. La
candidature turque est donc validée par la commission européenne en 1999 et on envisage l’adhésion pour un horizon
de 2015. C’est donc tout de suite un
processus assez long. En 2002, on ouvre les
négociations à la condition de quelques réformes symboliques que la Turquie
doit effectuer. Le 17 décembre 2004, les
négociations son ouvertes par l’UE. En 2005,
les négociations débutent, en 2006, on
rédige le premier chapitre.
2.
Une candidature gelée depuis 2007
Premier problème
rencontré par la Turquie, les dirigeants européens qui se succèdent ne sont pas
toujours d’accord avec leurs prédécesseurs. Ainsi en 2005, Angela Merkel se déclare en faveur d’un
« partenariat privilégié », ce qui ne fait pas de la Turquie un
membre de l’UE mais lui donne une grande flexibilité dans les droits avec l’UE
plus que les autres soutiens. Alors que Jacques
Chirac était très favorable à l’entrée de la Turquie, l’UMP y était
réticente. En 2004, avec l’élection de Nicolas Sarkozy, la thèse de l’UMP prend le dessus
et la France rejoint le camp du « partenariat privilégié ». Avec François Hollande, la position n’a pas trop
bougée, l’adhésion turque est possible mais dans un lointain avenir.
Un autre blocage
vient directement de la Turquie entre 2006 et 2008.
Celle-ci refuse de reconnaître la moitié Sud de Chypre comme indépendante et menace les bateaux à
pavillons chypriotes. Ce prétexte est saisi par la Turquie et par l’UE pour geler
les négociations sur l’adhésion turque. Malgré tout, la Turquie participe à
plusieurs évènements européens (notamment sportifs).
Un autre souci est
celle de la question kurde.
Cette minorité qui s’étale sur 4 pays (Turquie, Syrie, Irak et Iran) n’avait
aucun droit et était même discriminée. Tout récemment, la Turquie a
reconnu ???.
Le problème du
génocide arménien
est aussi un gros travail à faire car la Turquie refuse de reconnaître qu’elle
a commis ce génocide et l’UE refuse un pays négationniste sur un fait avéré.
Tous ces soucis
font que la question de l’adhésion à l’UE devient pour la Turquie un élément
potentiel d’organisation. Si l’UE bloque l’entrée de la Turquie, celle-ci peut
se tourner vers les pays d’influence turque d’Asie Centrale. Cependant, les langues même
proches sont assez différentes les unes des autres. L’autre option retenue par Ankara serait le néo-ottomanisme, se
tourner vers les États issus de l’ancien empire Ottoman. Cela est avéré
principalement dans les Balkans où la Turquie s’est grandement impliquée. Mais
malgré tout, la plupart des États sortis de l’influence de la Turquie, dont les
Balkans, on préfère éviter ce genre de concept. D’ailleurs les États des
Balkans sont plutôt prêts à rejoindre l’UE. Une troisième solution serait de se tourner vers le Moyen-Orient.
Toujours dans le cadre néo-ottomanisme, la Turquie s’est impliquée en Irak, en
Tunisie, en Lybie, en Egypte, … Cette alliance un peu vague aurait pu marcher
si les pays s’étaient avérés stables, or ce n’est pas le cas et les résultats
de cette politique d’Ankara sont mitigés. Ainsi, la crise syro-libanaise
actuelle est plus au détriment de la Turquie qu’autre chose. Mais on voit bien
que la Turquie a des capacités diplomatiques importantes et peut se construire
des alliances extra-européennes. La reprise des négociations d’adhésion n’est
donc pas le seul atout de la Turquie, elle est même possible prochainement.
En 2014, avec les élections européennes, on verra
bien si l’UE préfère faire de la Turquie un partenaire spécial ou bien s’il est
plus intéressant, même si ce sera long, de l’intégrer dans l’UE.
Lointaine,
différente, militarisée, grande et islamique, la Turquie est si éloignée des
autres pays européens qu’elle effraie. Elle cumule l’ensemble des problèmes qu’on rencontrait dans les pays
précédents. Ce serait un poids lourd de l’UE qui ferait concurrence aux
grands pays, ce qui effacerait encore les plus petits pays. De plus, on redoute
les relents réactionnaires si la Turquie rejoint l’UE. On redoute tant la paralysie interne des négociations que l’entrée de
la Turquie dans l’UE.
Cela provoque donc
une relation asymétrique dans les négociations. Les élites turques ont du mal à
comprendre pourquoi on les accepte quand il s’agit de candidater mais pas pour
intégrer l’UE.
Enfin l’horizon
lointain de l’UE est la Méditerranée
puisque les États du Maghreb et du Proche-Orient ont déjà des liens avec l’UE.
On a entre autres le projet de l’union pour la Méditerranée (Euromed) mais qui
est en panne depuis la destitution des deux leaders du projet (Hosni Moubarak
et Nicolas Sarkozy).
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