Du coltan brut, si rare.
Last call, Doctor-Gus, Deviantart.
Last call, Doctor-Gus, Deviantart.
Dans
l’idéal, vérifier avec un ouvrage général si nous sommes au clair sur la notion
de « géopolitique ». Pour le reste, on peut davantage lire par
intérêt (pétrole, eau, agriculture, …) et se repérer avec les exemples emblématiques.
Introduction : qu’est-ce que l’analyse géopolitique des ressources ?
Pour Yves Lacoste, la
géopolitique est une analyse des rivalités de pouvoir qui prennent une
dimension territoriale. Ces conflits prennent place dans l’espace et ont aussi
parfois pour enjeu l’espace lui-même.
L’espace est souvent à la fois le lieu du conflit et son enjeu. Le territoire est un espace contrôlé et
l’espace est une étendue qui sert de support à la vie des hommes. Vu comme
cela, c’est simple.
Historiquement on
constate que la géopolitique a longtemps été bannie au
XX° siècle,
aujourd’hui en revanche, tout le monde en fait. La géopolitique est née en
Allemagne et son corpus a surtout servi à l’expansion nazie. La France après la
Seconde Guerre Mondiale a donc bannie cette science d’expansion. Ce n’est pas
totalement faux, cette science à peine née, elle fut captée par les politiques
pour devenir une science de l’action, censée guider les politiques et leur
donner des outils, on parle de dimension praxéologique de la géopolitique. Ce risque de toujours basculer dans l’aide
à des services particuliers est un premier risque. Second risque, celui de
vouloir trop se détacher du politique, de faire de la géographie physique et
d’en tirer des déterminismes sociaux. Par exemple, un pays enclavé n’a pas
de mer, donc il ne participe pas au commerce mondial, donc il va devenir
pauvre. Autre exemple, dire que la raréfaction en eau va créer des conflits.
Dans certains cas oui, dans d’autres la raréfaction a donné lieu à des
négociations qui ont rapprochées des peuples humains.
Là où la
géopolitique est intéressante, c’est lorsque l’étude d’une société donnée
pousse à se questionner sur la manière dont cette société va agir face à un
environnement géographique particulier. Il faut donc avoir une bonne connaissance des faits
physiques mais étudier dans plusieurs sens, comment une société s’est emparée
de ces faits physiques.
Il faut cesser de
penser que la géopolitique va donner des solutions. Pourquoi Israël et la Palestine
ne s’entendent pas sur la gestion en eau ? Non pas parce qu’elle est rare,
mais parce que les deux pays ont un lourd passif.
Autre réflexion,
les schémas que donne la géopolitique ne sont pas des schémas intemporels et
reproductibles partout.
On ne peut généraliser les schémas géopolitiques, on doit toujours trouver les
particularités qui font la spécificité de chaque cas. Ainsi, on ne peut se
contenter d’étudier uniquement l’échelle locale ou uniquement les relations
internationales. De même, que l’échelle temporelle en géopolitique ne doit pas se
limiter à quelques jours et encore moins à un évènement. Ensuite il faut
confronter les faits aux représentations, aux discours qui vont avec ces
représentations, aux pratiques, … On ne peut donc être spécialiste de tout en
géopolitique, souvent, il faut se spécialiser.
Yves Lacoste a publié L’affaire des digues du fleuve Rouge, pour résoudre deux discours
contradictoires, celui du Nord-Vietnam déclarant que les Américains
bombardaient les digues du fleuve Rouge pour noyer les Vietnamiens, et celui des
Américains niant se cibler sur le fleuve Rouge. Dans les faits, Yves Lacoste
constate que les tirs américains sont concentrés dans le bas du delta. C’est
dans cette région que les dégâts seront les plus importants d’un point de vue
matériel et aussi humain. Il étudie ensuite le haut delta Ouest et le haut
delta Est et constate que les Américains lâchent des bombes systématiquement
sur la rive concave (celle où vivent les Vietnamiens). Quand il regarde
précisément où tombent les bombes par rapport à la digue. Elles tombent sur la
digue (la brise et noie les villages alentours) ou derrière la digue (ce qui
revient au même, mais prend quelques jours). Lacoste a donc bien étudier
plusieurs échelles géographiques pour développer ses hypothèses.
Suite
à son étude contestée, Yves Lacoste publiera son papier « La géographie
sert d’abord à faire la guerre ».
I.
Pourquoi une
géopolitique des ressources naturelles ?
Un
propos commun tend à dire que les ressources naturelles se raréfient et en
conséquence serait la cause majeure de plusieurs conflits.
1.
Vers une « nouvelle » rareté des ressources
naturelles ?
En
1972 est remis au club de Rome le rapport Meadows, Halte à la croissance, qui pour la première fois annonce un
horizon catastrophique du point de vue des ressources vers 2100. Les causes
sont rejetées sur les pays à forte croissance démographique : trop de bouches
à nourrir. C’est une vision très malthusienne. Ce rapport a été mis au placard
surtout suite au choc pétrolier puisqu’on a répondu à cette crise en cherchant
de nouvelles ressources et en sécurisant (pour les pays du Nord) les systèmes
d’alimentation en ressources. Du coup, pendant 30 ans, la question des
ressources naturelles a été ignorée et enterrée.
Au
début des années 2000, le sujet retombe. En effet, les
prix des ressources décollent parce que les conditions d’extraction de ses
ressources deviennent plus onéreuses mais aussi suite à la privatisation de ce
marché. De même,
le comportement des acteurs financiers sur le marché fait qu’on achète des
produits dérivés des matières premières ce qui déconnecte le lien entre la
récolte de café qui est bonne, et les prix qui montent. Donc les risques
d’achat sont plus grands et la spéculation s’accentue. Pour les pays du Nord
c’est ennuyeux puisque leurs entreprises de transformation sont pénalisées.
De plus, depuis 2000, les pays du Nord sont très demandeurs
de matériaux spécifiques : les minerais rares, utilisés dans la
miniaturisation des composants électroniques. Hors jusqu’alors c’étaient les
USA qui fournissaient certains de ces minerais rares, mais ils ont fermé leurs
exploitations qui étaient trop dommageables pour l’environnement. Aujourd’hui,
les terres rares sont principalement dans les pays du Sud, à 90% en Chine. Et
la Chine a cessé de vendre, réalisant qu’elle n’en avait pas assez pour
elle-même et ses technologies.
Enfin dernier
facteur, les matières premières qu’on a exploitées pendant longtemps ne sont
plus aussi facilement accessibles qu’avant. Les gisements faciles à exploiter arrivent à terme
et les investissements pour extraire en d’autres endroits sont importants. On
se dirige donc vers une concentration minière et pétrolière qui va se
concentrer dans les mains des multinationales les plus importantes
(étatsuniennes, chinoises, indiennes ou européennes).
Finalement,
le pétrole est toujours très présent, la rareté ne tient pas à sa disparition mais
à son accessibilité. Cette rareté-là semble favoriser le terreau d’une certaine
conflictualité.
2.
Définition des ressources naturelles
Par ressource
naturelle, le Larousse dit que
c’est un bien, une substance ou un objet présent dans la nature et exploité
pour les besoins d’une société humaine. Cela peut donc être une matière fossile (pétrole,
gaz, tourbe), une matière vivante (bois, poissons, …), une matière minérale
(roches, …), l’eau, …
Cette
définition évolue avec les avancées techniques, la preuve en est du sel.
Longtemps le sel était une ressource importante et on pouvait se battre pour
des marais salants. Aujourd’hui c’est très commun et donc on ne se bat plus
pour du sel. De même, le coltan est une terre rare et donc une ressource
depuis tout juste une dizaine d’années. Par ailleurs, on se débat aujourd’hui
pour donner deux qualifications à l’eau : l’une comme ressource humaine,
l’autre comme élément constitutif d’un environnement. Du coup, on mesure la
quantité d’eau qui est réservée à la nature et indirectement à l’homme.
On classe aussi les
ressources entre renouvelables et non-renouvelables. Il faut se garder ceci dit de
dire qu’une ressource renouvelable est inépuisable. Le thon rouge est une
ressource renouvelable mais une espèce en voie d’extinction.
L’accès et le
contrôle de ces ressources passe par le contrôle des territoires. Donc le
contrôle des ressources est une forme de contrôle de l’espace, ce qui en fait
un enjeu géopolitique.
Sinon on peut se contenter de contrôler les routes plus que les espaces, mais
dans tous les cas c’est toujours compris dans une analyse géopolitique.
Longtemps
de manière utopique, on a imaginé que les progrès techniques allaient nous
émanciper de la nature et des ressources naturelles. Aujourd’hui on sait que
non, cette dépendance est sans doute la même mais elle s’est déplacée (on est
passée du sel au coltan).
3.
L’exploitation des ressources naturelles
Parmi les
ressources qui donnent lieu à des conflits, on trouve des situations de
surexploitation et d’autre d’inégale distribution.
A.
La surexploitation
On parle de
surexploitation quand les méthodes d’extraction extraient plus que le
renouvellement de la ressource.
Curieusement, il semble que les situations de surexploitations dans un milieu
sans homme se stabilisent d’elles-mêmes. La surexploitation est davantage
associée à l’activité humaine.
Les
grandes ONG tentent aujourd’hui de mesurer l’empreinte écologique globale de la
planète. Ainsi, la World Wildlife Fund (WWF) estime que l’empreinte écologique globale est supérieure à
la planète elle-même. Du coup, la Terre s’épuise selon ces calculs. De tels
calculs sont sans doute contestables. Cela permet au moins de faire réagir et
de faire réfléchir.
B.
Inégales distribution dans l’espace
Cette situation est
plus intéressante. En effet, il est évident que toutes les ressources ne sont
pas réparties également. Il y a donc des lieux de production et des lieux de
consommation très différenciés.
Comment les sociétés humaines font-elles
pour accéder à ses lieux de production ? Par le commerce, la guerre, …
Historiquement, on voit ces solutions. Au cours du
XVII° siècle et du XVIII° siècle, c’est le mercantilisme, un monopole
détenu par des compagnies privées qui se faisaient la guerre pour maîtriser les
ressources. L’expansion coloniale est aussi un système développé pour sécuriser
l’approvisionnement en ressources par la conquête de territoires et de
ressources. Aujourd’hui on peut trouver deux nouvelles formes, l’intervention
étatique armée qui mélange tant des motivations politiques et humanitaires que
des visions économiques (le cas de la Lybie par exemple). Plus couramment, on
confie cette tâche aux multinationales inscrites dans la mondialisation et la
libéralisation. Ce sont alors elles qui négocient de tous bords pour sécuriser
les approvisionnements en ressources naturelles.
Ce
qui nous intéresse c’est donc comment ces ressources provoquent des conflits.
Comment sont provoqués ces conflits ? Dans quelle mesure ? …
II.
Ressources
naturelles, mondialisation et prolifération étatique
L’efficacité impressionnante
de l’exploitation des ressources par les multinationales tient à deux
phénomènes : la mondialisation et la prolifération étatique.
1.
Mondialisation et insertion inégale des territoires de
ressources
La mondialisation
met donc en interconnexion des territoires assez diversifiés. Les principaux
acteurs mis en interconnexion se sont des firmes privées transnationales. Enfin, il y a une hypersélectivité dans les territoires des acteurs. On
a donc une valorisation différenciée des espaces par le capital dans un cadre
concurrentiel.
Dans
ce cadre d’analyse là, on a plutôt tendance à dire que les pays africains sont
hors-course et que la Triade domine avec parfois des interventions des BRICS
(Brésil, Russie, Inde, Chine, South africa). On peut plutôt dire que tout le
monde est dans la mondialisation avec des dominants et des dominés, avec des
mieux inscrits dedans et d’autres plus à l’écart. Du coup, les pays du Sud ne
sont pas à l’écart de la mondialisation, mais ils sont plus faiblement intégrés
puisqu’ils le sont de manière partielle et sélective, principalement comme
fournisseur de matières premières brutes. On
a donc un schéma plutôt classique avec des territoires du Sud, pourvoyeurs de
matières premières, et des pays du Nord, plus dans la transformation de ses
matières. On notera d’’ailleurs que les firmes multinationales sont plus
souvent implantées dans le Nord mais se retrouvent souvent imbriquées dans les
réseaux criminels du Sud pour se pourvoir en matières premières. On en conclut
évidemment qu’il n’y a pas de liens directs entre possession de matières
premières et richesse, puisque l’Afrique est pleine de ressources mais c’est
aussi le continent le plus pauvre.
2.
Aux origines de la prolifération étatique
En l’espace de 50
ans, on est passé de 50 États à 189 aujourd’hui. On a donc assisté à un
émiettement des empires coloniaux mais aussi des empires continentaux lors
de la seconde moitié du XX° siècle. Cette prolifération étatique est un
des mécanismes qui facilite l’accès aux ressources pour les multinationales
dans un contexte de mondialisation.
François Thual tente de justifier cette
prolifération étatique par 4 grands axes.
·
L’école du hasard : on est de plus en plus
nombreux sur terre et l’émiettement étatique est le résultat d’une plus grande
diversité de la population.
·
L’école de la nécessité : avec l’apparition et le
prolongement du mouvement des nationalités en 1848,
alors des peuples se trouvent des points communs et par droit politique,
réclament un État qui leur soit propre. Là aussi c’est contestable, le peuple
kurde n’a pas de pays et les États africains lors de leur création reposaient
peu sur un sentiment national.
·
L’école de l’égoïsme : L’émiettement étatique
repose sur l’accumulation des richesses par une contrée qui est prête pour les
conserver à se débarrasser d’une partie du territoire. Les États importent les
plus bas instincts humains. Ca a pu marcher pour la Slovaquie, rejetée entre
autres par la République Tchèque.
·
L’école de l’intérêt : issue des courants
marxistes, il s’agit en fait d’instrumentaliser les peuples pour qu’ils
s’auto-déclarent indépendants. Ainsi les grandes puissances tiendront le dessus
face à des petits pays qui s’émiettent. Le capital, dans son système perpétuel
de reproduction, ayant besoin sans cesse d’aller chercher des matières
premières périphériques, il peut ainsi dominer des micro-pays riches en
ressources.
3.
Les conséquences de la prolifération étatique sur l’exploitation
des ressources
La prolifération
étatique facilite-t-elle ou entrave-t-elle l’exploitation des ressources ?
Du coté du désordre, cela tend à favoriser l’impotence des États (comme pour les tout-petits États)
au profit des multinationales. A
cela s’ajoute la notion d’État Faillis, où des États perdent le contrôle d’une
partie de leur territoire. Certes cela rend instable le pays, mais ça favorise
aussi l’exploitation illégale des ressources. Du coté de l’ordre, la prolifération étatique arrange quelques États,
les plus puissants pouvant alors influer sur les ressources des plus faibles.
4.
Les nouvelles dominations
Au final, ce
contexte a modifié les conditions de domination. Pour Thual, les grandes
puissances ont surtout inventé de nouvelles techniques de domination. Ainsi les
États les plus puissants sont parvenus à transformer les dominés en
consommateurs consentants de souveraineté. Thual est proche du discours de Foucault, plutôt que
d’exercer la force directe, on passe plus par un contrôle indirect. Flatter un
désir narcissique local pour mener à la création d’États impotents. Ensuite, on
agit sur l’État via des séries de succursales.
Thual
est assez proche des idées marxistes avec une nuance, il renie la théorie du
complot mais reconnaît que ces puissances agissent dans une logique
machiavélienne. Pour lui, la concurrence débridée et mal régulée aboutit à
cette situation de prolifération étatique.
III.
« Guerres pour
les ressources »
Peut-on alors
confirmer une conflictualité accrue du fait de la rareté des ressources ?
Soulignons
tout-de-même que la plupart du temps les échanges de ressources passent par des
rapports marchands.
Ces rapports peuvent certes être contestés, voire violents, mais ils sont
souvent pacifiés et légaux.
Il y a un conflit
armé autour d’une ressource quand le commerce de cette ressource produit des
conflictualités autour de sa possession. Le Stockholm International Peace Research Institute
a dénombré 57 conflits armés entre 1990 et 2005
pour une cinquantaine de pays. Au même moment, Claude Serfati a constaté qu’au cours de
la dernière décennie, ces conflits touchent principalement les pays du Sud. Les ressources peuvent servir de prétexte à
une guerre, parfois elles en sont effectivement la cause, enfin elles peuvent
prolonger la guerre.
1.
Ecologie politique des ressources : entre malédiction et
lucre
Pendant la Guerre
Froide, les mécontentements et les conflits armés autour des ressources,
étaient soutenus par un des deux blocs. Ensuite avec leur chute, les ressources
deviennent la nouvelle manne de financement pour faire la guerre.
Par la suite,
l’intervention du FMI et de la Banque Mondiale en Afrique ont poussé à la
privatisation des sociétés d’exploitation de ressources. Du coup, l’État appauvri a vu
ses fonctionnaires le quitter pour s’installer dans les entreprises privées où
ils trouvent des revenus confortables mais pas toujours bien légaux.
A cela, la
libéralisation du commerce, y compris des armes, et la privatisation de
certaines entreprises, dont celles de la sécurité, ont favorisé l’imbrication
du commerce légal international et du commerce illégal international. Impossible de séparer les deux
facettes aujourd’hui. Il est donc devenu simple pour les États mafieux de
vendre leurs ressources à l’international même quand ils sont censés être
condamnés par la communauté internationale.
Il y a donc une
logique d’inversion entre ressources – guerres. Elles ont longtemps servis à
financer les activités des États, dont la guerre. Mais récemment, les conflits
servent aujourd’hui a conservé un monopole pour les ressources qui permettent
un enrichissement. C’est donc une privatisation des guerres, on les fait pour
sécuriser ces ressources.
A partir de là, les
économistes se sont demandés s’il était possible de modéliser cela pour prévoir
l’émergence d’un conflit.
Des études statistiques indiquent que la présence de ressources naturelles
accroit le risque de conflit dans un pays. Elles servent soit de cause au
conflit ou servent au financement de celui-ci. Enfin, les ressources naturelles
semblent statistiquement accroître l’intensité du conflit et réduire les
chances d’arrêt du conflit par négociations. Donc un économiste (Paul Collier) a fait une
théorie économique des conflits armés à la Banque Mondiale.
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