Dragon wall, Eric Flexyourhead, Flickr.
Plusieurs types de
tensions existent aujourd’hui en Asie, même s’il n’est pas rare que ces
tensions s’entrecroisent lors de certains évènements.
Les principales
tensions en Asie sont d’ordre mémoriel. C’est l’invasion japonaise d’autrefois qui n’a pas
été effacée des mémoires. Le souvenir étant globalement négatif (à l’exception
de Taïwan), il y a encore de forts ressentiments envers le Japon. Du coup, on
voit assez souvent réémerger des tensions autour de cette époque et de la vision
de l’Histoire que chaque pays en a. Ainsi, dans les manuels d’histoire japonais et chinois, on a deux
interprétations différentes des invasions du Japon, notamment sur la question
du massacre du Nankin. Un autre sujet assez lourd entre le Japon, la Chine et
la Corée, c’est la question des femmes
de réconfort. Ce problème demeure car, selon la Corée et la Chine, les
dirigeants japonais ne reconnaissent pas suffisamment l’implication du Japon
dans ce sujet très délicat. Ainsi, Shinzo Abe,
président entre 2006 et 2007 a raté son
premier mandat entre autre par ses négations concernant les femmes de
réconfort. Il n’est pas le seul président à nier ce sujet. On a aussi le problème du sanctuaire Yasukuni où
sont enterrés des militaires japonais qu’on honore dont certains sont en fait
des criminels de guerre (y compris des criminels de guerre de classe A,
c'est-à-dire fort peu recommandables, comme l’Amiral
Tojo). A chaque fois que les dirigeants se rendent dans ce sanctuaire
pour honorer la mémoire de ces héros, cela provoque systématiquement des
tensions entre les pays d’Asie pacifique et le Japon. Typiquement, le
Président Jun’ichiro Koizumi s’y est
rendu de très nombreuses fois durant son mandat entre
2001 et 2006. Pour les Japonais, ce sanctuaire est un lieu historique
depuis bien longtemps et il est logique qu’on aille rendre hommage à ses héros.
Ils ne nient pas qu’il y a des criminels de guerre mais soulignent qu’ils n’y
vont pas spécifiquement pour ces criminels. Ce d’autant plus que le Japon
estime avoir déjà fait ses excuses sur ces sujets. Mais pour les autres pays,
ces excuses sont insuffisantes et en demandent davantage. Ces points de
discorde sont donc directement liés à la Seconde Guerre Mondiale.
D’autres tensions
remontent à beaucoup plus longtemps.
Entre la Corée et
la Chine, il y a une opposition sur la frontière en Corée du Nord. En effet, selon les Coréens,
cette zone est le cœur d’un des royaumes qui a existé autrefois et qui a forgé
la nation coréenne, le royaume Koguryo. Il y a quelques années, la Chine a
décrété que cet espace était inclue sur le territoire chinois, et l’a inscrit
dans ses manuels. La Corée a donc immédiatement réagi en décriant cette
analyse. Cela revenait à dire que les origines de la nation coréenne provenaient
de Chine.
D’autres désaccords
se font sur des appellations territoriales historiques, mais cela est très
sensible en dépit de son insignifiance. La mer qui sépare le Japon de la Corée est appelée par les Coréens
« Mer de l’Est » et par les Japonais « Mer du japon ».
Lorsqu’on remonte aux vieilles cartes d’autrefois, on retrouve plusieurs noms
qui sont ressortis par chaque parti pour justifier l’appellation actuelle de
cette mer. Mais ces tensions mettent à mal la plupart des projets de
coopération y compris économiques. Ce climat de tabous pouvant exploser à tout
instant n’est pas favorable aux projets. Un accord trilatéral doit unir la
Chine, la Corée et le Japon, mais depuis deux ans, le Japon a été exclu des
discussions et seules la Chine et la Corée ont lieu, du fait de la résurgence
des tensions.
L’Asie du Nord-Est
n’est pas la seule concernée par ce genre de désaccords. Ainsi, du fait de la
Konfrontasi
entre Indonésie, Malaisie et Philippines, on a cycliquement des tensions qui
reviennent autour de la propriété de certains territoires (comme les deux Etats
malaisiens que sont le Sabah et le Sarawak, et que l’Indonésie réclame). Cependant, ces tensions sont globalement
beaucoup moins dangereuses qu’en Asie du Nord-Est grâce à la mise en place de
l’ASEAN. En effet, sur le plan économique, on peut critiquer l’ASEAN mais
sur le plan politique, cette initiative a permis de lentement calmer le jeu sur
les tensions politiques. Dès 1967, lors de
son implantation, l’ASEAN n’a pour but que cette logique politique et elle y
parviendra.
Toute une série
d’enjeux tournent autour des questions territoriales. Ces tensions ont émergées
principalement du fait d’un grand changement dans la région dans les années 1990, le retour de la Chine au
premier plan des acteurs locaux.
De son succès économique, la Chine se sent plus légitime pour intervenir dans
les enjeux locaux et notamment sur des questions territoriales. Elle va donc
entrer en conflit avec plusieurs de ses voisins. Cela est renforcé par le fait que pour la première fois, le Japon et la
Chine sont tout deux des puissances importantes au même moment. Dans tous
les cas, la Chine est toujours opposée à ses voisins principalement autour du
Nord de la mer du Chine et du Sud de la mer de Chine.
En mer de Chine du
Sud, la Chine estime qu’une très vaste partie de du Sud de cette mer lui
appartient. Le
problème majeur est que cette zone est très proche des côtes vietnamiennes,
malaisiennes, bruneiennes, indonésienne
et philippines. Les pays concernés tracent leur zone maritime depuis leurs
territoires actuels, ce qui fragmentent le Sud de la Mer de Chine, mais qui
convient globalement à tout le monde. Cet espace maritime serait plein de
ressources potentielles mais permettrait aussi d’avoir une présence
territoriale et politique dans la région, entre autres pour repousser la
présence des bases américaines dans la région. Pour réclamer son territoire
maritime, la Chine réclame la possession d’ilots qui lui donnent le droit de
réclamer cet espace. La cour internationale de justice a été saisie par les
Philippines sur ce sujet et est en train de traiter la question. On a aussi quelques tensions entre les pays
locaux du fait d’îlots isolés. Ainsi, l’île Natuna possession indonésienne
est réclamée par le Vietnam et la Chine, cette fois-ci dans un intérêt purement
économique, les nappes de pétrole sous l’île jouant pour beaucoup.
En mer de Chine de
l’Est, le conflit oppose presqu’exclusivement entre le Japon et la Chine. La zone maritime appartenant au
Japon est assez vaste mais repose sur la possession par le Japon de certaines
îles. Le problème premier est que cela rapproche beaucoup la zone maritime
japonaise, des côtes chinoises. A cela s’ajoute le problème des îles Senkaku
(pour le Japon) ou Diaoyu (pour la Chine). Au Japon, le maire de Tokyo suit la
logique de plus en plus nationaliste du pays et a ouvertement menacé de mettre
la main sur les îles Senkaku. Les dirigeants japonais voulant éviter qu’un
homme de cette trempe possède les îles, le Japon a décidé de racheter les îles
à leur propriétaire en nationalisant les îles. Pour la Chine, c’est une
décision du gouvernement japonais pour affirmer leur puissance. Depuis septembre 2012, cette question reste
tendue, d’autant que des mouvements nationalistes en Chine et au Japon se sont
manifestés. De plus, Taïwan s’y est mêlé réclamant ces îles qui lui
appartenaient avant le traité de Shimonoseki. Sur ce plan, la Chine estimant
que Taïwan n’est qu’une de leur province, les deux pays sont d’accord pour
s’opposer au Japon. Mais la question n’est pas véritablement réglée. Si l’on
excepte ces îles récemment mises au jour, on a aussi une vaste zone tampon
réclamée tant par la Chine que par le Japon. En dépit de la présence
d’hydrocarbures (assez rares) sur cette zone, il s’agit sans doute plus d’une
question d’influence politique.
On a aussi un
différent autour de petits îlots, les rochers Liancourt (en Occidental), Dokdo (en
Coréen), Takeshima (en Japonais). Cela oppose le Japon et la Corée mais pour le
moment, personne n’en parle. Comme pour les îles Senkaku, on a occasionnellement
des résurgences de ce point de tensions. Ainsi au
cours de l’été 2012, Lee Myun Bak,
ancien président coréen, s’est rendu sur ces îles à la fureur de Pékin. Là
encore, l’enjeu n’est nullement économique, l’intérêt est surtout qu’on peut
accroître ainsi le territoire et la zone maritime.
On a aussi un
conflit entre la Chine et Taïwan sur les îles Pescadores, qui ont un intérêt stratégique
puisque la possession de ces îles permet de contrôler le détroit de Formose.
On trouve aussi des
conflits autour de frontières terrestres, souvent liées au problème de
décolonisation. Le principal sujet de controverse étant la partie Nord de l’île
de Bornéo, la
région du Sabah étant réclamé par les Philippines mais appartenant à la
Malaisie. Plus récemment on a eu un
conflit entre le Cambodge et la Thaïlande autour du temple de Priah Vihéar.
Un premier conflit a opposé les deux pays et la loi internationale avait
tranché en faveur de la Thaïlande, mais l’accès au temple, appartenait au
Cambodge. Du coup, en 2012, les tensions ont
ressurgies suite à des difficultés thaïlandaises internes. La Thaïlande a joué
du nationalisme pour calmer son jeu intérieur.
On a aussi les
différents qui tournent autour des conflits énergétiques. Parfois les conflits
territoriaux y sont liés, mais ce n’est pas systématique. De plus, ces conflits
peuvent prendre place sans contexte de frontière. Globalement, et depuis peu, la
région est importatrice de ressources énergétiques. Mais longtemps, le Sud-Est
asiatique était riche en ressources (du pétrole au Myanmar, au Vietnam, en
Indonésie, en Malaisie et à Brunei) et le Nord-Est assez pauvre (typiquement le
Japon n’ayant aucune ressource a décidé de développer le nucléaire, la Corée a
peu de ressource et la Chine a quelques ressources en charbon et des ressources
en pétrole mais largement insuffisantes pour satisfaire le pays). Avec sa croissance économique, la région
est devenue importatrice nette de pétrole pour supporter son développement. Ce
pétrole vient du Golfe mais circule dans les détroits du Sud-Est asiatique
(détroit de Malacca, détroit de la Sonde, détroit de Lombok, …). Ces détroits
sont donc devenus très stratégiques pour la région et sont autant que possibles
sécurisés. Le détroit de Malacca était très stratégique mais très instable. Du
coup, en s’organisant, Singapour, la Malaisie et l’Indonésie se sont organisés
pour sécuriser ce détroit. L’Asie centrale est aussi un espace important pour
les ressources énergétiques. Enfin la Birmanie, devenue fréquentable récemment,
devient un allié de choix pour le passage de gazoducs et d’oléoducs alimentant
le Sud de l’espace chinois.
La question
nucléaire était aussi importante
puisque le Japon et la Corée étaient les deux pays les plus dépendants du
nucléaire après la France. Mais l’incident de Fukushima a refroidi ces logiques
bien qu’un abandon complet de cette option soit aussi inenvisageable. Plus
récemment, le Vietnam a décidé de développer sa technologie nucléaire, Japon et
Corée sont au premier plan pour fournir les équipements.
On trouve aussi des
différents stratégiques dans la région. Au premier plan de cet aspect
stratégique, on trouve les USA qui s’opposent à la Chine. Si évoquer une nouvelle Guerre
Froide est ridicule, on ne peut nier un relatif affrontement entre les deux
puissances. Pour les USA, la zone est pleine d’alliés essentiels : le
Japon (dont la force militaire tient surtout à l’armée américaine), la Corée du
Sud, Taïwan, les Philippines et la Thaïlande. La Chine est donc encadrée par
ses alliés des Américains (surtout si on rajoute le Pakistan). En réponse, la
Chine affiche des ambitions d’influence stratégiques dans la région. Avec leur
stratégie de rééquilibrage, les USA souhaitent consolider leur présence dans la
région. La Chine a peu d’alliés surs dans la région, les liens sont plus
faibles.
Les stratégies
d’influence passent davantage par des alliances économiques : le Trans-Pacific
Partnership (TPP), développé par les USA, est une alliance économique qui
exclue la Chine et face à cela, on trouve le Regional Comprehensive Economical
Partnership (RCEP) qui correspond à l’ASEAN +6 est où la Chine se trouve, mais
pas les USA.
Les points les plus
chauds qui demeuraient dans la région étaient Taïwan et la Corée du Nord. Or
depuis peu, on constate que Taïwan est devenu un point de tension mais plus
aussi chaud qu’auparavant.
Le risque d’affrontement direct entre la Chine et les USA sur ce sujet s’est
peu à peu effacé, Taïwan s’accommodant plutôt bien de la présence chinoise pour
des raisons économiques. Si l’île est très dépendante de l’activité chinoise et
vice-versa, sur le plan politique, les oppositions demeurent mais ne sont plus
aussi explosives qu’autrefois.
Ne reste donc que
la Corée du Nord qui pose un réel souci de sécurité mondial. Même réputé comme étant l’allié
chinois, la Chine ne maîtrise pas complètement le régime. Le régime Nord-Coréen
apparaît plus comme un allié encombrant pour la Chine. Son attitude téméraire
et va-t-en-guerre pourrait être la cause d’un conflit armé. C’est donc la zone
la plus instable de la région.
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